Joueur, peureux, condescendant… Face à une demande de financement, le banquier se montre souvent aussi caricatural que prévisible. Préparez-vous!
On ne s’en lasse pas. Poursuivons notre parodie du mime Fernand Raynaud, tout en y rajoutant la parole, dans son sketch sur le défilé militaire, que nous transposerons en “défilé bancaire”, avec 15 nouvelles caricatures de banquiers à qui l’on vient proposer de financer son projet de reprise d’entreprise.
1. Le Joueur
“Vous avez déjà trouvé un banquier qui prend le risque à 25 %. Nous pourrions mettre un petit ticket à 10 % du besoin, juste pour voir. On va d’abord laisser nos confrères et néanmoins concurrents se dévoiler. Revenez nous voir quand vous aurez trouvé d’autres financements, nous vous ferons alors une proposition définitive”. Beaucoup plus tard: “Alors? Vous avez choisi avec qui vous vouliez travailler? Pas encore? Bon eh bien à bientôt”.
Encore plus tard: “Il vous manque 15%? Comme c’est dommage! Oui, c’est bien embêtant! Tant que ce n’est pas financé à 100%, c’est comme si ce n’était pas financé du tout, n’est-ce pas? … Oui, nous pourrions essayer de faire un petit effort pour monter un peu, mais je ne pense pas que ce serait dans les mêmes conditions. Vous savez, le risque est plus grand… Bon, je vais voir ce qu’il est possible de faire”.
Bien plus tard: “Vous savez que vous avez énormément de chance? J’ai dû batailler ferme mais j’ai obtenu un petit plus. Vous allez pouvoir boucler. Heureux, non? Bon, le taux d’intérêt est nettement plus élevé, et la demande de caution, obligatoire bien sûr, aussi. Mais l’important est d’y être arrivé ! Signez juste là en bas de chaque page, pas nécessaire de tout lire, entre nous c’est une histoire de confiance…”.
2. Le Commercial
“Un prêt pour racheter une entreprise? Vous ne voudriez pas plutôt changer votre vieille carte bleue pour une super-extra gold premium en platine massif? Nous faisons actuellement des promotions d’enfer. Par ailleurs, j’ai également de très belles offres sur des assurances dernier cri! C’est très tendance en ce moment! Rose à pois jaunes. A ne pas manquer. Vous dites? Pour votre reprise d’entreprise, oui certes. Mais si vous reprenez une entreprise, vous allez donc avoir besoin d’une nouvelle flotte de portables. Il se trouve que l’on vient de rentrer tout un stock d’un petit fournisseur artisan du nord de la Chine. Une région reculée que seuls nos acheteurs connaissent. Vous hésitez sur la couleur? Ecoutez, essayez de trouver votre prêt ailleurs et revenez nous voir quand vous aurez choisi la couleur de vos futures tablettes. OK?”
3. Le Peureux
“Vous savez que vous êtes drôlement courageux de vouloir reprendre une entreprise par les temps qui courent. Regardez, moi depuis la crise qui n’en finit plus et devant toutes ces défaillances d’entreprises, j’ai même peur de ma propre ombre. Je n’ose plus sortir après 9 heures du soir. Il paraît que des monstres venus d’ailleurs sortent et avalent goulument nos PME, de plus en plus tôt dès que la nuit tombe. Et quand je reprends un peu confiance, je me soigne. Il suffit que je lise la dernière newsletter de notre analyste en chef pour que je replonge immédiatement. C’est un traitement radical. Non, franchement, un conseil, restez donc au lit avec une bonne tisane et attendez que cela passe… Vous devriez être heureux, je vous évite même les risques liés aux prêts trop tendus…”.
4. Le Collecteur
“Un prêt? Qu’est-ce que c’est “un prêt”? Allo Jacques? J’ai devant moi un futur entrepreneur qui veut “un prêt”. Tu sais ce que c’est, toi, “un prêt”? … C’est de l’ancien français, oui je comprends mieux, du patois quoi! Cela doit faire longtemps qu’on n’en fait plus, de prêts, dans cette banque. Depuis que je suis rentré dans cette agence je pense. On va bientôt fêter les 20 ans avec les collègues! Pour ma part, je n’en ai jamais fait. Je ne saurais même pas comment m’y prendre d’ailleurs. Ici on ne fait que collecter. Par contre, si vous voulez déposer de l’argent sur un compte non rémunéré, c’est notre spécialité. Nous disposons de toutes les sortes de comptes, des petits, des moyens, des gros… L’argent rentre mais ne sort jamais! C’est un peu comme une trappe, vous voyez! On se reverra peut-être quand vous serez devenu riche, si je suis toujours ici!”…. “Et avec cet argent collecté que faisons-nous? Je n’en sais rien. Il faudrait demander aux frères du Joueur. Ils ont l’air de bien s’amuser au 12ème étage en misant sur des paniers en provenance de pays émergents”.
5. Le Philosophe
“L’important c’est d’avoir essayé… et de participer, comme disait Pierre de Coubertin!”.
6. Le Condescendant, généralement de mèche avec le Collecteur
“De l’argent, il y en a. Ce n’est pas l’argent qui est un problème. A force de collecter et d’épargner, il déborde même des coffres. Le problème, mon pauvre monsieur, ce sont les projets qui manquent! Oui, je sais que c’est justement ce dont vous voulez m’entretenir. Un projet de reprise d’entreprise. Mais, mon cher Monsieur, ce n’est pas à proprement parler un projet, ce que vous m’exposez, tout juste une ébauche, une esquisse, une future évanescence! Non, je veux parler de véritable projet, d’ambition, d’ampleur… de futures murailles de chine…”.
7. Le Connaisseur
“Vous voulez racheter une entreprise dans le second œuvre bâtiment. Vous savez, c’est un secteur que je connais bien. Ma tante avait une entreprise dans ce vaste secteur. Aujourd’hui, avec la crise c’est très sinistré. Elle a été obligée de déposer le bilan. Paix à son âme!”.
8. Son jumeau le fin Connaisseur
“Le textile, c’est fichu! La grande série est partie en Asie depuis belle lurette. La mécanique, c’est trop précis. La construction, il y a des besoins mais pas d’argent pour financer. Le gardiennage, il n’y a pas de marge. La distribution est en berne… Peut-être la gastronomie, les Français sont toujours bons vivants… mais avec le renchérissement du coût des matières… il n’y a plus que le bio médical, mais c’est risqué et dangereux. Ou alors peut-être l’aéronautique, mais vous ne vous appelez pas Monsieur Airbus, alors!”.
9. Le Joyeux luron
“100.000 euros d’apport personnel seulement! Pour racheter cette entreprise? Ah Ah Ah! Excusez-moi, mais sans vouloir vous vexer, c’est un peu court. Ah, ah, ah, oh, oh, oh! Il y avait longtemps que l’on ne me l’avait pas faite, celle-là ! J’en ai les larmes aux yeux. Eh! Jean-Marc! Tu ne connais pas la meilleure? Il faut que je m’en souvienne pour faire rire mes collègues lors du déjeuner”.
10. Le Joyeux condescendant
“Vous savez, ici c’est une banque respectable, pas l’armée du salut!”.
11. L’Empathique
“Les temps sont durs, hein! Je vous comprends, la vie d’entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille. Je vais faire tout mon possible pour faire avancer votre dossier. Oui j’y crois. Enfin au moins un peu… Rappelez-moi dans un mois, ou deux, peut-être trois avec les fêtes”.
Son collègue de bureau “c’est vrai que tu y crois?”. “Non, il ne passera jamais, mais je n’arrive plus à leur dire en face, à tous ces entrepreneurs qui veulent entreprendre malgré les difficultés”. “Comment tu vas t’en sortir?”. “Je lui dirai que mon directeur d’agence n’a plus la main sur les dossiers, que l’on vient d’avoir de nouvelles directives du siège, que le système informatique est tombé en rade…que sais-je moi? D’ici trois mois j’aurai le temps de trouver la meilleure excuse possible”.
12. L’Opportuniste peu scrupuleux
“Finalement c’est plutôt un bon projet. Je pourrai peut-être la reprendre moi-même cette boîte.
Mon client? Il n’était pas encore client puisque je ne lui ai rien prêté. Après tout il ne m’a pas fait signer d’engagement de confidentialité. Tant pis pour lui. C’est la vie!”
13. Le Sympa
“Je ne vais pas vous faire perdre trop de temps, je vais vous dire NON tout de suite. Vous pouvez quand même terminer votre café. C’est la maison qui offre”. Sympa, non?
14. Le Beau joueur
“Ah! Finalement vous ne nous avez pas retenus. Vous avez préféré mes collègues, et néanmoins concurrents. Une histoire de taux et de frais, de délais et de temps de réponse aussi? Cela fait partie du jeu. Notre porte vous restera toujours ouverte pour de nouveaux projets auxquels nous serons heureux et fiers de contribuer modestement”.
Il faut aussi savoir se réserver quelques petits plaisirs. Non?
Encore une fois, si vous ne vous focalisez pas sur ces seules considérations individuelles. Si vous êtes opiniâtre. Si vous êtes convaincu que votre projet est bon. Si vous avez développé votre argumentation et êtes fin prêt au “road show” marathonien. Alors il n’y a pas de raison que vous n’obteniez pas un financement pour votre reprise d’entreprise!