ès fortement augmenté (Photo : Eric Cabanis) |
[03/10/2014 05:59:49] Paris (AFP) Après le Japonais Toray, l’Américain Hexcel: la France attire les investissements des spécialistes de la fibre de carbone, attirés par le dynamisme de sa filière aéronautique, première cliente de ce matériau du futur.
Hexcel a annoncé cette semaine vouloir débuter en 2018 la fabrication de PAN (polyacrylonitrile), matière première de la fibre de carbone, dans une nouvelle usine à édifier en Isère au prix d’un investissement de près de 200 millions d’euros.
Sa production servira à alimenter une nouvelle ligne de fabrication de fibre ainsi que ses deux sites rhône-alpins existants.
La semaine dernière, c’est le leader mondial de la fibre de carbone, le groupe japonais Toray, qui inaugurait dans les Pyrénées-Atlantiques un site de production de PAN, dont la production est destinée à son usine de fibre de carbone voisine. Un investissement de 100 millions d’euros.
En France, le secteur des matériaux composites est en croissance de 8% par an, et ce rythme doit se poursuivre jusqu’en 2017, selon une récente étude du cabinet Xerfi.
S’agissant de la fibre de carbone, “le débouché aéronautique est en train d’exploser. Tous les voyants sont au vert de ce côté”, explique Gabriel Giraud, analyste de Xerfi.
“Ces fibres haute performance cristallisent l’attention et, jusqu’à présent, elles sont réalisée presque exclusivement à partir de PAN”, selon lui.
L’emploi des composites dans les superstructures des avions a très fortement augmenté.
Leur part est passée de 5% dans les anciens programmes à plus de 50% aujourd’hui dans les appareils les plus récents comme l’Airbus A350 XWB ou le Boeing 787.
La raison: l’allègement de poids que permettent ces matériaux, une donnée fondamentale pour économiser le kérosène.
Le carbone se retrouve aussi dans les aubes du moteur Leap de CFM International (Safran/General Electric) qui propulsera l’Airbus A320Neo et le Boeing 737MAX.
Dans ce contexte, les producteurs veulent s’implanter à proximité de leurs débouchés dans l’aéronautique, comme la région toulousaine en France.
– Un matériaux stratégique –
La fibre de carbone est “une matière première considérée comme stratégique, et les Européens –en particulier les Français (…)– ont encouragé directement ou indirectement la construction d’unités de production sur leur sol”, souligne Pierre Gadret, analyste du bureau d’études Alcimed.
La France “a érigé le secteur des composites parmi ses secteurs d’avenir” et “a décidé de donner son soutien à la filière, à travers des financements et d’autres mécanismes “, confirme l’analyste de Xerfi.
D’autant que la France “fait partie des leaders, si ne n’est le leader mondial des sous-ensembles et des équipements en matériaux composites à destination de l’aéronautique”, poursuit-il.
Mais la France n’avait jusqu’en 2014 pas de site de production de PAN et “c’était clairement un point faible”. Avec Toray et Hexcel, “on va passer à deux” sites de production, note-t-il.
L’attrait de la France est renforcé par l’existence d’une institut de recherche technologique, l’IRT Jules Verne à Nantes, dédié aux matériaux composites.
Outre l’aéronautique, les autres grands secteurs d’application pour la fibre de carbone sont l’éolien (pour les pales) et les sports/loisirs (pour les raquettes de tennis).
L’automobile s’intéresse aussi aux composites, mais les utilisations sont encore limitées car ces nouveaux matériaux sont “encore peu compétitifs en grande série” au niveau des coûts, selon l’analyste de Xerfi.
“Il y a un enjeu aujourd’hui sur les précurseurs pour essayer de trouver des alternatives au PAN pour diminuer le coût des matières premières”, confirme-t-on chez Alcimed.
Le secteur reste promis à un bel avenir, selon Pierre Gadret, qui table sur un croissance mondiale des fibres de carbone autour de 5% sur les dix prochaines années”, dans un marché qu’il évalue aujourd’hui à 15 milliards d’euros.
La capacité mondiale de production devrait passer de 112.000 tonnes à 190.000 tonnes en 2025. L’Europe (19% de la capacité totale, dont 8% en France) se place après l’Amérique du Nord (25%) et le Japon (24%), selon les chiffres d’Alcimed.
La France a “un écosystème qui est favorable, des filières qui sont construites”. Mais “aujourd’hui, il y a d’autres acteurs, en Corée du Sud, Russie, Turquie, et des nouveaux entrants. Le marché n’est pas établi”, prévient M. Gadret.