Cette année, le Forum se concentre sur les flux financiers illicites, la mobilisation des ressources, les nouvelles formes de partenariats et le financement du climat
Marrakech accueille, du 12 au 16 octobre 2014, plusieurs dirigeants africains dans le cadre du Forum africain pour le développement sur le thème: «Des financements innovants pour la transformation de l’Afrique». Le Forum a lieu tous les deux ans et est organisé par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), le centre de réflexion sur les politiques le plus important de l’Afrique.
C’est la première fois que l’évènement a lieu en dehors d’Addis-Abeba, en Éthiopie, où se trouve le siège de la CEA. Pour sa 9ème édition, le Forum africain pour le développement se concentre sur les moyens novateurs de financer la transformation de l’Afrique.
A noter que le Forum africain pour le développement (ou ADF en anglais) est un évènement biennal phare de la Commission économique pour l’Afrique, et offre une plate-forme aux nombreuses parties prenantes pour débattre et définir des stratégies concrètes pour le développement de l’Afrique.
Il est organisé en collaboration avec la Commission de l’Union africaine, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires clés en vue d’établir un programme de développement de l’Afrique propre à elle qui reflète un consensus et mène à des programmes spécifiques pour sa mise en œuvre.
Le thème de cette année, «Financements novateurs pour la transformation de l’Afrique», est axé autour des sujets ci-dessous:
(a) Mobilisation des ressources nationales;
(b) Mouvements financiers illicites;
(c) Capitaux privés;
(d) Nouvelles formes de partenariats;
(e) Questions de financement contre le changement climatique.
Depuis la fin des années 90, de nombreuses économies africaines ont considérablement prospéré, et un certain nombre de pays continuent de bénéficier de ces taux de croissance accrus. Ainsi, entre 1995 et 2012, le produit intérieur brut (PIB) du continent a doublé en termes réels, passant de 656 milliards de dollars à 1.369 milliards de dollars, alors que le PIB par habitant a augmenté de 40%, passant de 917 dollars à 1.265 dollars.
Toutefois, aussi impressionnants que sont ces chiffres, beaucoup de défis continuent d’entraver la transformation de l’Afrique, le principal étant que l’Afrique soit encore tributaire de l’aide étrangère.
L’Afrique a besoin de 200 milliards de dollars par an
Selon les rapports et les conclusions de la CEA, l’Afrique a besoin d’environ 200 milliards de dollars par an pour parvenir à un développement durable, promouvoir les mesures d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation de leurs effets, et renforcer la résilience économique et la compétitivité.
En effet, rien que pour les infrastructures, le continent a besoin d’environ 90 milliards de dollars par an. Les coûts de préservation des ressources naturelles de l’Afrique, qui continuent de soutenir les croissances les plus fortes dans le continent, augmentent également.
Selon Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la CEA, les pays africains peuvent lever des fonds. «Pour que les pays en développement accèdent aux fonds dont ils ont besoin, ils doivent s’efforcer de mobiliser des ressources financières supplémentaires, y compris par l’accès aux marchés financiers, tandis que les pays développés doivent honorer les engagements financiers pris dans les forums internationaux». Selon lui, le continent doit également entreprendre des réformes pour saisir les ressources actuellement inexplorées ou mal gérées. Pour ce faire, il appelle à «… réduire les flux financiers illicites et transformer plutôt ces fonds en un outil puissant pour améliorer la mobilisation des ressources nationales, comme un moyen de favoriser le développement du continent».
Attirer davantage de capital-investissement
L’importance de cette rencontre fait que plusieurs personnalités seront présentes à Marrakech. En effet, outre Mohamed Boussaid, ministre marocain de l’Economie et des Finances (en quelque sorte hôte du Forum), son annoncés: Kaba Nialé, ministre auprès du Premier ministre, chargée de l’Economie et des Finances, de la Côte-d’Ivoire, Beker Shale, directeur général des autorités fiscales et douanières éthiopiennes, et le Machiko Nissanke, Professeur d’économie à l’École des études orientales et africaines de l’Université de Londres. Ils débattront du renforcement du rôle des gouvernements en vue d’attirer davantage de capital-investissement à l’appui des efforts nationaux de développement.
Pour leur part, Anis Birou, ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires migratoires, Dr Esman M. Nyamongo du Département des recherches à la Banque centrale du Kenya, Faiza Feki, directeur général de Foreign Exchange à la Banque centrale de Tunisie, Aida Diarra, vice-président régional pour l’Afrique du Nord, centrale et de l’Ouest de Western Union, et Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale du Maroc, examineront comment les pays africains peuvent lever des fonds par le biais d’envois de fonds et d’obligations de la diaspora.
Un important potentiel en ressources financières…
La CEA souligne que le potentiel de l’Afrique de lever beaucoup plus de ressources financières nationales -et de financer son développement à partir de ces ressources- est énorme. Des résultats concrets sont à portée de main, même dans un court délai, mais à condition que les innovations et le soutien appropriés soient mis en place.
Sur un autre registre, Abdalla Hamdock, secrétaire exécutif adjoint de la CEA, estime que «les recettes fiscales du gouvernement constituent la source la plus importante des ressources nationales pour la mise en œuvre des programmes de développement sur ??le continent, et il existe un potentiel important pour intensifier les rendements. La leçon à tirer des expériences des pays est que, en mettant l’accent sur ??l’élargissement de l’assiette fiscale, l’amélioration de l’administration fiscale et l’exploitation des sources relativement sous-utilisées de la fiscalité, les pays africains peuvent augmenter leurs recettes fiscales de manière significative».
520 milliards de dollars de recettes fiscales…
Les recettes fiscales intérieures mobilisées sur le continent atteignaient plus de 520 milliards de dollars en 2011, contre 50 milliards de dollars d’aide. De plus, les Banques centrales et réserves africaines détiennent plus de 400 milliards de dollars de réserves internationales, et les actifs des fonds de pension de l’Afrique se développent à un rythme effréné.
La Banque mondiale estime que les envois de fonds de la diaspora africaine se sont élevés à environ 40 milliards de dollars en 2012 et pourraient croître à 200 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. À cela s’ajoute ce que le continent pourrait récupérer avec les pertes subies par les flux financiers illicites.
Cependant, pour que l’Afrique s’approprie son développement, elle a besoin de définir un nouveau seuil et solide pour la mobilisation des ressources nationales qui permettront la mise en œuvre d’au moins 70-80% de ses programmes et projets de développement. Le Forum examinera comment y parvenir.