érémonie officielle à Stockholm, en 2008 (Photo : Olivier Morin) |
[13/10/2014 09:13:15] Stockholm (AFP) Le prix Nobel d’économie, décerné lundi, pourrait se détourner de l’austérité budgétaire, option préférée des chercheurs les plus cotés de la discipline, à un moment où elle suscite le rejet de beaucoup d’opinions publiques européennes.
Le dernier-né des Nobel, officiellement “prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel”, doit être attribué lundi à 11H00 GMT à Stockholm.
Il viendra clore une saison marquée par le couronnement de Malala Yousafzai (paix) et Patrick Modiano (littérature).
L’économie est peut-être le Nobel où le profil du lauréat est le plus facile à deviner: un homme âgé de plus de 55 ans de nationalité américaine. Ces 20 dernières années, les trois quarts d’entre eux correspondaient à cette description.
Une bonne partie d’entre eux, travaillant sur des modèles mathématiques appliqués à des questions particulières (comme l’évolution des marchés financiers ou le fonctionnement de marchés sans prix), ne professent pas leur opinion sur les politiques économiques.
Mais parmi ceux qui le font, la majorité sont des partisans de ce qu’ils appellent généralement “stabilité économique” et “discipline budgétaire”, et que ses détracteurs nomment plutôt “austérité”.
– “Je suis conservateur” –
Ces “néo-classiques”, pour lesquels l’État doit se prémunir de toute ambition d’augmenter la demande, sont moins médiatiques que d’autres prix Nobel d’économie militants de la relance keynésienne, comme Joseph Stiglitz, auteur de quelques best-sellers, et Paul Krugman, qui tient une chronique dans le New York Times. Mais dans le monde de la recherche, ils pèsent.
économiste Joseph Stiglitz, en 2012 à Barcelone (Photo : Josep Lago) |
Il est souvent rappelé que l’université qui détient le plus de Nobel d’économie est celle de Chicago, temple du néo-classicisme.
Rien qu’en 2013, le jury suédois a couronné un tenant de la relance, et deux de l’austérité issus de Chicago.
Il s’agissait de Lars Peter Hansen, qui confiait un mois après avoir reçu le prix: “Je dirais qu’en matière budgétaire je suis conservateur”. Et d’Eugene Fama, qui, quand on lui demandait en mai comment l’État pourrait aider la croissance répondait: “Et s’il prenait une année de congés? (…) L’une des grandes conséquences de la crise financière va être une hausse considérable de la bureaucratie étatique”.
L’ennemi déclaré de l’austérité était Robert Shiller, plus médiatique.
En août, à Lindau sur les bords du lac de Constance, la chancelière allemande Angela Merkel, porte-drapeau de la rigueur en Europe, n’avait pas à craindre la critique quand elle prononçait devant 18 prix Nobel d’économie un discours pro-austérité.
“L’Allemagne a fait l’expérience que l’on peut tout à fait avoir à la fois un rééquilibrage budgétaire et de la croissance. C’est un grand sujet de discussion: doit-on toujours s’endetter pour la croissance? Nous avons fait l’expérience ces dernières années que ce n’est pas une fatalité”, disait-elle.
Joseph Stiglitz avait multiplié les interviews pour dire le contraire.
– “200 à 300 candidats” –
La Fondation Nobel se défend de tout parti-pris dans le palmarès.
“Les travaux récompensés sont souvent assez anciens, donc l’échelle de temps de la recherche examinée par le jury est beaucoup longue que celle du débat politique”, explique Olof Sommell, spécialiste du prix d’économie au musée Nobel de Stockholm
“Les termes du débat entre austérité et relance changent rapidement. Le Comité ne peut pas le prendre en compte”, ajoute-il.
Se détournera-t-il de l’austérité en 2014? Difficile à prédire car selon Hubert Fromlet, économiste de l’université Linné en Suède, “il y a environ 200 à 300 candidats sérieux”.
Sa liste de dix favoris compte aussi bien le néo-classique Robert Barro que Tony Atkinson, qui a travaillé sur les politiques contre l’inégalité.
La décision appartient à six membres d’un comité nommé par l’Académie royale des sciences. Quand on examine leurs écrits, aucun des jurés de 2014 n’a plaidé ouvertement pour l’austérité. Le seul spécialiste de politique économique, Mats Persson, est plutôt réservé sur les bienfaits de la réduction de la dépense.
Interrogé par l’AFP sur le penchant pour l’austérité dans le palmarès, un ancien de ce comité, Lars E.O. Svensson, dit ne pas l’avoir remarqué. “Je n’en suis pas sûr”, admet-il. Il est pourtant partisan de la relance.