A Bruxelles et à Paris, la France dans une partie serrée sur les réformes

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éenne à Francfort en Allemagne le 26 mai 2014 (Photo : Daniel Roland)

[13/10/2014 19:33:16] Paris (AFP) La France s’engage dans une partie serrée sur le front des réformes promises par le pouvoir socialiste, pris en étau entre des Européens las des écarts budgétaires de Paris et une majorité et des partenaires sociaux rétifs qui font douter de sa capacité à les mener à bien.

Le gouvernement du Premier ministre Manuel Valls aborde cette semaine un marathon risqué, avec l’examen à partir de mardi par les députés du projet de budget 2015, qui sera soumis le lendemain au regard également sourcilleux de la Commission européenne.

Faisant fi des critiques et menaces de rejet évoquées par plusieurs sources à Bruxelles, Paris se veut “tout à fait serein” quant au verdict sur le texte, qui acte le report à 2017 du retour du déficit public au plafond autorisé de 3% du PIB. “On ne va pas modifier le projet”, ont assuré lundi des sources françaises à Luxembourg.

Pour se justifier, le gouvernement avance pêle-mêle un effort “historique” de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, dont 21 milliards l’an prochain, le coût de ses opérations militaires à l’étranger et surtout “la crise qui mine la zone euro”.

“L’Europe a besoin d’un New Deal”, a affirmé ce week-end le ministre français de l’Economie, Emmanuel Macron, en référence aux 300 milliards d’euros d’investissement en Europe promis par le président de la prochaine Commission Jean-Claude Juncker.

En contrepartie, “la France s’engage à poursuivre et intensifier ses réformes”, a assuré dans une interview le jeune responsable, présenté depuis son entrée au gouvernement fin août comme le symbole d’un tournant social-libéral de l’exécutif.

– “totems” ou “tabous” ? –

Mais l’hypothèse d’une remise en cause du montant et de la durée de l’indemnisation du chômage, avancée la semaine dernière par Manuel Valls, a immédiatement suscité un tollé syndical. Sa reprise dimanche par M. Macron lui a valu une cinglante réplique du chef de file du Parti socialiste: “la gauche n’a pas de tabous, mais elle a quelques totems, en particulier le fait que quand le président de la République s’exprime, les ministres appliquent”.

Le président François Hollande a tenté lundi de clore la polémique: la négociation sur le sujet “viendra le moment venu” mais “pas immédiatement”, a déclaré l’Elysée.

L’équation des réformes est d’autant plus compliquée pour l’exécutif que sa majorité, déjà étriquée par la fronde de l’aile gauche du PS, est maintenant aussi fragilisée par la menace de sortie de son dernier allié, le petit parti des Radicaux de gauche (PRG), fort de trois ministres et d’une dizaine de députés.

La tâche s’annonce tout aussi ardue pour convaincre Bruxelles et les partenaires européens de la France de fermer les yeux sur sa situation budgétaire, sur la foi des réformes à venir.

Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, n’a pas été tendre avec la France la semaine dernière: “on leur a donné deux ans et la question est: +comment ont-ils utilisé ce temps?+ Pour être tout à fait franc, je crois qu’ils n’ont pas utilisé” ce délai pour des réformes, avait-il déploré.

Manuel Valls a réagi en demandant samedi aux partenaires de Paris de “respecter la France”, car “c’est nous qui décidons du budget”.

“En terme de procédure, le Premier ministre (français) a tout à fait raison”, mais “il va y avoir des discussions”, a fait remarquer M. Dijsselbloem lundi soir à l’issue d’une réunion de l’Eurogroupe à Luxembourg.

Le ministre français des Finances Michel Sapin a rappelé que “le Parlement est la seule instance susceptible de modifier un budget”. Mais “un débat parlementaire est un débat où les chiffres peuvent être changés”, a-t-il ajouté, laissant entendre que les demandes de Bruxelles pourraient finalement y trouver un relais.

Une réunion exceptionnelle de l’Eurogroupe consacrée aux projets de budgets des 18 aura lieu fin novembre.

En Allemagne, la situation économique de la France et le dérapage de son budget sont un sérieux motif d’inquiétude. Berlin a annoncé lundi que deux économistes, un Français et un Allemand, seraient chargés d’élaborer des propositions communes de mesures pour stimuler la croissance dans les deux pays. Elles porteront notamment sur l’investissement, grand sujet du moment des discussions politiques européennes.

“Ce qui est original, c’est l’idée qu’évidemment la France et l’Allemagne ne sont pas dans la même situation (…) mais que néanmoins il faut travailler sur ce que peut faire chacun”, a déclaré à l’AFP l’économiste français, Jean Pisani-Ferry.