«Contrôle de constitutionnalité et processus électoral», c’est le thème d’une conférence organisée dans l’après-midi du lundi 13 octobre au siège de la Bibliothèque nationale, à l’initiative de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), l’institut français de Tunisie (IFT) et la Bibliothèque nationale de Tunisie.
Cette conférence, qui constitue le troisième événement du cycle «penser la transition en Tunisie», est l’occasion de retracer le parcours fait par deux pays sur la voie de la démocratie ayant vécu une transition similaire à celle que vit actuellement la Tunisie.
Il s’agit, en l’occurrence, de la France et de la Pologne. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel français, et Malgorzata Pyziak-Szafnicka, membre du Tribunal constitutionnel de Pologne, ont été conviés pour exposer les expériences de leurs pays respectifs.
Une institution politique devenue juridiction constitutionnelle
Selon Jean-Louis Debré, les Conseils constitutionnels, voire les Cours constitutionnelles, sont apparus en Europe au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale avec la persistance des violations des libertés et autres droits humains. En France, il n’était pas question, au tout début, d’instituer un Conseil constitutionnel. Ce n’est qu’avec l’avènement de la 4e et de la 5e République que les constituants ont décidé de mettre en place ledit conseil dont la mission était, initialement, de veiller au bon fonctionnement du régime parlementaire et de statuer sur le contentieux électoral.
Le conseil, précise Debré, devait au début évaluer la conformité de la loi à la Constitution avant sa promulgation. Maintenant, il n’est plus question de conformité de la loi à la Constitution, mais plutôt aux droits, libertés et tous les autres principes de la déclarations des Droits de l’Homme, a-t-il ajouté, justifiant cela par le fait qu’à l’époque, une loi promulguée ne pouvait plus être contrôlée.
En France «pays de la contestation», indique Jean-Louis Debré, le Conseil constitutionnel a petit à petit acquis une nouvelle vocation en passant d’une institution politique à une juridiction constitutionnelle appelée à examiner les recours y compris ceux contre les lois anciennes, d’où la mise en place d’une procédure juridictionnelle qui permet aux parties concernées de faire appel à la défense (avocats).
Au fil des années, le Conseil s’est, également, vu son rôle de contrôle des élections renforcé avec, notamment, des prérogatives lui permettant d’examiner des recours directs et de juger l’inéligibilité d’un candidat, comme il lui revient de sélectionner les candidats au suffrage et de contrôler le scrutin au 2e tour de la présidentielle.
Pour Debré, un Conseil constitutionnel ne peut prétendre l’être qu’en étant indépendant du pouvoir politique et en ayant des membres indépendants.
Une institution politique à vocation apolitique
S’agissant de l’expérience polonaise, Malgorzata Pyziak-Szafnicka a fait savoir que le modèle polonais diffère de celui de la France à plusieurs égards. Et pour cause, explique-t-elle, la mise en place du Tribunal constitutionnel polonais, décidée depuis 1985 et officialisée en 1997, compte 15 juges, et non de simples membres, dont 12 professeurs en droit et trois avocats.
Un ancien homme politique ne peut intégrer le Tribunal constitutionnel, conformément aux dispositions de l’article 194 de la Constitution de Pologne, a-t-elle encore précisé.
Quant à la mission assignée à cette institution, elle n’est pas clairement définie sur le plan politique. Le contrôle des élections est un rôle dévolu à la cour suprême. Seul le contrôle de la constitutionnalité des textes juridiques et des réglementations relève du ressort du Tribunal constitutionnel.
Aussi, contrairement à la France, le contrôle de la loi peut se fait surtout à posteriori. L’article 122 de la Constitution polonaise, explique Mme Pyziak-Szafnicka, stipule que le président de la République est en mesure de saisir le Tribunal constitutionnel pour statuer sur la conformité ou non d’une loi.
Des hommes politiques, députés, sénateurs, procureurs de la République et autres organismes, communautés territoriales, syndicats ou associations, peuvent, également, saisir le tribunal constitutionnel au sujet de telle ou telle loi. Même un citoyen ordinaire, indique l’intervenante, est désormais en mesure de solliciter l’intervention du tribunal, selon l’article 77 de la constitution, s’il juge que ses droits et libertés ont été violés.
Pour Malgorzata Pyziak-Szafnicka, indépendance et impartialité sont les maîtres-mots de toute action constitutionnelle.