Argenteuil (Photo : Miguel Medina) |
[15/10/2014 08:56:51] Argenteuil (AFP) Endettement colossal, impôts qui s’envolent, plan de rigueur qui fait hurler les syndicats et polémique sur un doigt d’honneur au conseil municipal… Rien ne va plus à Argenteuil, troisième ville de la région parisienne, au régime sec depuis les municipales.
A l’image de nombreuses collectivités locales, épinglées dans un rapport publié mardi par la Cour des comptes, cette commune de 106.000 habitants située au nord de Paris a vu son déficit déraper au cours des dernières années.
Mais ici, la situation apparaît encore plus périlleuse qu’ailleurs, au point qu’une mise sous tutelle de la ville par l’Etat est évoquée, une mesure rarissime pour une commune de cette taille.
“Tous les matins, mon premier adjoint regarde la ligne de trésorerie de la ville pour voir quel fournisseur on va payer”, confesse Georges Mothron, le maire UMP, élu en mars avec 50,34% des voix, après un premier mandat de 2001 à 2008.
Dans son bureau vitré de l’hôtel de ville, l’édile détaille sans se faire prier l’état “épouvantable” des finances de la ville. “Les 18 mois à venir vont être durs, on n’a pas le choix”, prévient-il.
évrier 2003 à la mairie Argenteuil (Photo : Jean-Loup Gautreau) |
Les ménages, d’ores et déjà, font grise mine. En 2014, la taxe d’habitation a bondi de 22%, à 1.441 euros pour une famille “standard” avec deux enfants, contre 464 euros à Paris. Soit le record de France dans la catégorie “plus de 100.000 habitants”, selon le Forum des grandes villes.
A l’origine de cette situation délicate, un déficit structurel depuis près de trente ans, aggravé par une hausse des dépenses ces dernières années. “La situation est compliquée”, d’autant que la ville “a des besoins d’investissement importants”, concède le préfet du Val-d’Oise, Jean-Luc Nevache.
– ‘Gestion électoraliste’ –
Si une mise sous tutelle semble peu probable d’ici fin 2014, l’état des comptes inquiètent les autorités. En juillet, un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) a éreinté la gestion municipale, évoquant une “aggravation de la situation budgétaire, caractérisée notamment par la hausse de 8,5% des dépenses de personnel par rapport à 2012”.
En cause, selon Georges Mothron: la politique dispendieuse de son prédecesseur, Philippe Doucet (PS), accusé de “gestion électoraliste” pour avoir embauché 377 CDD en 2013, année marquée, d’après l’UMP, par un trou de 17 millions d’euros dans les caisses de la ville.
“Ces embauches, c’était de la folie. Ca a apporté 12,5% de dérapage de la masse salariale”, attaque l’élu UMP, qui a mis fin à près de 200 emplois contractuels depuis avril.
Des accusations rejetées par M. Doucet, qui justifie les embauches par un nécessaire “rattrapage” en termes de services publics. “Pendant 30 ans, il n’y a pas eu d’investissement public. On avait le taux d’équipement en crèches le plus bas du Val-d’Oise”, s’agace le député, qui pointe en retour “la dette accumulée” lors du premier mandat de son opposant.
Du côté des agents municipaux, les choix de la nouvelle majorité font également grincer des dents. “Ce sont des assistantes maternelles, du personnel des écoles, des services techniques qui sont virés… Comment continuer de rendre service à la population?”, demande Pascal Videcoq, responsable CGT des agents territoriaux.
Accusations de malversations, insultes, dépôt de plainte… Dans ce contexte tendu, le climat politique a tourné au vinaigre, sur fond de divorce entre l’agglomération – encore aux mains du PS – et la ville d’Argenteuil, qui souhaite désormais s’associer à des communes du département voisin des Hauts-de-Seine.
à Paris (Photo : Miguel Medina) |
“Toute cette histoire, c’est du pipeau”, ironise Philippe Doucet, “prêt à parier” que ni le départ de l’agglomération ni la mise sous tutelle n’auront lieu. “M. Mothron avait promis de baisser les impôts dès le mois d’avril. Il savait qu’il ne pourrait pas tenir ses promesses, donc il se défausse sur l’ancienne majorité”, affirme-t-il.
Signe, pourtant, que la rupture est consommée: lors du dernier conseil municipal, M. Doucet a quitté la salle furieux en faisant un geste équivoque. “Que le député sorte en faisant un doigt d’honneur au public, ça s’est jamais vu!”, a lancé le maire, avant qu’une conseillère municipale ne lui emboîte le pas: “de ma part, vous lui direz de se le mettre dans le cul!”