Plus de Français à l’étranger : “fuite des forces vives” ou ouverture au monde ?

5cba20ad9868ba796bf0dba59d1641ec5e404aa4.jpg
étranger fin 2013, dont 1,6 million officiellement enregistrés, un chiffre en hausse de 35% depuis dix ans (Photo : Sébastien Bozon)

[15/10/2014 15:28:51] Paris (AFP) Le nombre de Français expatriés a progressé de 35% en dix ans, selon le rapport publié mercredi de la commission d’enquête parlementaire sur “l’exil des forces vives”, dont droite et gauche tirent des conclusions radicalement opposées.

La commission d’enquête, créée en avril à l’initiative de l’actuel secrétaire général de l’UMP Luc Chatel, avait été dès le départ très polémique, avec “le mot +exil+ très orienté sur le +French bashing+ destiné à démontrer que la France est un enfer fiscal que tous nos jeunes et nos entreprises quittent”, selon le rapporteur, le socialiste Yann Galut.

Deux députés UMP des Français de l’étranger, Frédéric Lefebvre et Thierry Mariani, avaient d’ailleurs appelé leur groupe à ne pas “dénigrer les Français qui décident l’expatriation”.

Six mois plus tard, après une trentaine d’auditions, le consensus n’a pas progressé puisque l’UMP avait rejeté dès la semaine dernière le rapport de M. Galut, estimant que la gauche était dans le “déni” à propos de la question notamment des “exilés fiscaux” sur lequel “il y a une omerta”.

Le rapport estime à plus de deux millions le nombre de Français à l’étranger fin 2013, dont 1,6 million officiellement enregistrés, un chiffre en hausse de 35% depuis dix ans.

Les cinq premiers pays en termes d’expatriation sont la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne qui accueillent près de 40% des Français établis à l?étranger.

M. Galut estime que cette progression “correspond d’abord à un rattrapage de la France par rapport à ses partenaires” et s’inscrit “dans la dynamique de la mondialisation”.

Selon l’OCDE, le taux d’expatriation de la population française n’est encore que de 2,5%, contre 4,5% en Allemagne et 6,5% au Royaume-Uni. Si ce taux atteint 5% pour les jeunes diplômés, il reste nettement inférieur à ces deux pays.

“Il n’y a pas de fuite de cerveaux”, conclut M. Galut qui se demande pourquoi la France est le “seul pays à s’alarmer d’une situation qui laisse de marbre ses principaux partenaires qui pourtant disposent d’une diaspora autrement plus nombreuse”.

M. Galut admet cependant que “cette mobilité internationale accrue est aussi encouragée par une moindre attractivité du marché français du travail, notamment du fait du taux de chômage élevé des jeunes ou du poids de la hiérarchie des diplômes en France”.

– L’exil fiscal difficile à quantifier –

Quant à la motivation fiscale des départs, difficile à cerner “car jamais évoquée explicitement”, M. Galut ne la juge “ni première, ni essentielle”, même s’il ne la nie pas “pour une partie ultraminoritaire des expatriés”.

Selon les dernières données de la Direction générale des finances publiques, 587 contribuables redevables de l’ISF (au patrimoine supérieur à 1,3 millions d’euros) sont partis de France en 2012 contre 551 en 2010.

Leur actif net imposable moyen était de l?ordre de 6,6 millions d?euros contre 2,7 pour l?ensemble des redevables de l’ISF.

La hausse est plus nette pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100.000 euros, dont les départs sont passés de 1.330 en 2010 à 2.669 en 2012.

Pour M. Chatel, c’est bien la preuve que “l’exil fiscal connaît une croissance très importante depuis 2010-2011 et ne se limite plus aux très grandes fortunes” et que “la majorité socialiste n’a pas voulu voir ce qu’il fallait voir”.

Pour M. Galut, on est loin d’une “explosion” au regard des “2,4 millions de millionnaires” que compte aujourd’hui la France.

Quant au mouvement “discret et progressif” de délocalisation des comités exécutifs de grandes entreprises, évoqué par M. Chatel, M. Galut souligne que “les Allemands et les Britanniques sont victimes de déplacements massifs de sièges sociaux vers l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg” et que la réponse est à rechercher “au niveau européen et international”.

Contestant les conclusions du rapport, les députés UMP ont déposé leur propre contribution en faisant un certain nombre de propositions pour aboutir à une fiscalité “attractive” et surtout “non rétroactive” et “stable”.