Le jeu vidéo en France menacé par l’attractivité du Canada et du Royaume-Uni (étude)

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éo, le 1er novembre 2012 (Photo : François Guillot)

[15/10/2014 19:31:02] Paris (AFP) La filière française du jeu vidéo reste dynamique et crée des emplois mais beaucoup de ses talents — développeurs ou créatifs — partent vers le Canada et risquent demain d’aller au Royaume Uni.

Dans son baromètre annuel publié mercredi, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) relève que la filière, 250 entreprises, majoritairement des TPE, souffre d’une faiblesse des financements et d’un environnement considéré comme peu attractif face au dispositif d’aides en vigueur au Canada ou à celui prévu dès l’an prochain au Royaume-Uni.

Près de 85% des dirigeants d’entreprise du secteur interrogés se disent “très confiants ou confiants vis-à-vis de l?avenir de leur entreprise”. Mais ils sont presque 55% à être “pessimistes ou très pessimistes” sur le jeu vidéo en France, selon le Baromètre annuel du jeu vidéo en France 2014.

Pire, 62% d’entre eux estiment que la France n’est pas un pays attractif pour les entreprises du secteur.

“Ce manque de confiance pousse nombre d’entreprises à créer des filiales au Canada”, a déclaré Guillaume de Fondaumière, le nouveau président du SNJV, qui a appelé les pouvoirs publics à agir pour redonner confiance au secteur.

La secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire a indiqué “espérer très fortement” que la refonte du Crédit d’impôt jeu vidéo pourra entrer en vigueur avant la fin de l’année, ce qui aurait un effet rétroactif sur l’ensemble de 2014 et donnerait un petit ballon d’oxygène au secteur.

Un fonds d’avance participative, abondé par Bpifrance et le Centre national du cinéma (CNC) à hauteur de 20 millions d’euros, auxquels s’ajouteraient 40 millions d’euros issus de participations du privé et de banques, devrait aussi être annoncé avant la fin de l’année, a précisé la ministre.

“On a une industrie qui est dans un paradoxe, les marchés sont en très forte croissance — les marchés mobiles, comme celui des consoles — mais en parallèle on a des sociétés qu’on sent extrêmement fragiles”, a expliqué à l’AFP Julien Villedieu, délégué général du SNJV.

Les entreprises interrogées ont déclaré avoir augmenté leurs effectifs de 5% entre 2013 et 2014, soit environ 1,5 équivalent temps plein par entreprise et 56,4% d’entre elles ont dit vouloir augmenter leurs effectifs en 2015.

Au delà de sept grands studios qui produisent des jeux “AAA”, des productions destinées aux consoles de salon, avec des durées et budgets de productions élevées, assimilables aux blockbusters dans le cinéma, le secteur est constitué d’une myriade de petites sociétés dont le chiffre d’affaires moyen était inférieur à 5 millions d’euros en 2013.

Leur production est plutôt orientée vers des titres dématérialisés, commercialisés en mode “free to play” (gratuit avec des options payantes en cours de jeu). Ces jeux visent en priorité les smartphones, tablettes et ordinateurs individuels.

Mais généralement autofinancées, ces entreprises ont du mal à lever des fonds ou à obtenir des prêts bancaires à cause du risque trop élevé auquel elles sont associées.

– Dix mille emplois évaporés –

Le Canada reste de loin le pays le plus attractif pour les professionnels du secteur, grâce à des aides et crédits d’impôts, même si ce dernier a été abaissé à 5%. Le pays a ainsi vu 15.000 emplois dans le jeu vidéo créés en 15 ans.

La France a vu sur la même période 10.000 emplois s’évaporer, selon le SNJV, pour un total actuel de 5.000 emplois directs dans la création et l’édition (23.000 emplois dans l’ensemble de la filière).

Le poids lourd du secteur Ubisoft comptait ainsi au début de l’année quelque 3.000 collaborateurs au Canada, pour 1.500 en France.

Kobojo, une société plus modeste fondée en 2008 en France, vient de son côté d’ouvrir un studio à Dundee en Ecosse.

Le Royaume-Uni s’est lui aussi doté d’un crédit d’impôt de 25% pour le secteur du jeu vidéo, qui devrait lui permettre de voir son attractivité exploser dès 2015.

“Il s?agit donc pour la France de rééquilibrer ces écarts de financement, afin d’éviter que le Royaume-Uni, aidé par son nouveau crédit d?impôt ne vienne, dès 2015, éclipser la France sur la scène internationale”, souligne le baromètre.

Le SNJV et l’Idate, centre de réflexion sur le numérique, ont interrogé 110 dirigeants d’entreprises du secteur entre début mai et début juillet pour ce premier baromètre annuel du jeu vidéo.