ènes (Photo : Aris Messinis) |
[16/10/2014 16:22:39] Athènes (AFP) Le spectre d’un regain de crise en Grèce, ravivé par une conjoncture européenne morose et une situation politique interne incertaine, effraie les marchés depuis trois jours, contraignant la Commission à réaffirmer un très ferme soutien au pays et la BCE à donner un coup de pouce à ses banques.
La dégringolade de sa Bourse, mardi (-5,7%) puis mercredi (-6,25%), un peu moins jeudi (-2,22%) et la remontée brutale à un peu plus de 9% du taux de son obligation à 10 ans (qui tournait autour de 6,5% les semaines précédentes), ont pris Athènes par surprise.
Récemment, le gouvernement de coalition droite-socialistes d’Antonis Samaras, avait joué le triomphalisme: annonce d’un excédent primaire du budget, deux émissions (sans grand lustre toutefois pour la deuxième) d’obligations à moyen terme pour la première fois depuis le début de la crise, retour de croissance vraisemblable au troisième trimestre après 24 reculs consécutifs du PIB.
M. Samaras caressait même publiquement l’idée que la Grèce en finirait plus tôt que prévu avec la troïka (UE, BCE, FMI), qui a prêté 240 milliards d’euros au pays depuis le début de la crise en 2010, mais en échange d’une purge dont la population (encore 26,4% de chômeurs en juillet) n’est pas remise.
Si les raisons de la fièvre des marchés ces derniers jours sont multiples, souligne l’économiste Jésus Castillo de Natixis, citant notamment la révision à la baisse de la croissance allemande, la survalorisation récente des actions ou la faible inflation en zone euro, il y a bien “deux facteurs” grecs à cette situation.
D’abord, le financement du pays. M. Castillo rappelle qu’en 2016, terme du dernier plan d’aide, celui du FMI, certains économistes prédisent à la Grèce un “trou” de 12 milliards d’euros, “difficiles à trouver sur les marchés”.
D’autre part, l’hypothèse d’une arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza, en tête aux élections européennes et dans les récents sondages, “a pris de la consistance et ça effraie un peu le monde de la finance”, car le parti, dont le programme est encore flou, est pro-européen mais anti-austérité.
– ‘Sans la moindre hésitation’ –
Or Syriza pourrait bien arriver au pouvoir avant la fin de l’hiver. M. Samaras devra dissoudre le Parlement s’il ne parvient pas à réunir 180 députés sur 300 sur le nom de celui qu’il proposera à la succession du Président de la République, Carolos Papoulias, dont le mandat s’achève en mars. Et la majorité n’a que 155 députés.
Pour endiguer le début de panique des marchés, la Commission européenne a dû se montrer très ferme jeudi, au moment où les Bourses européennes restaient en nette baisse, déprimées aussi, dans ce contexte, par une médiocre émission d’obligations espagnoles à 10 et 15 ans: 3,2 milliards d’euros levés contre 3,5 espérés.
“Sans la moindre hésitation, l’Europe continuera à soutenir la Grèce de quelque manière que ce soit pour assurer des conditions de financement raisonnables pour l’Etat grec et pour faciliter le retour complet sur les marchés”, a ainsi affirmé le porte-parole de la Commission en charge des Affaires économiques, Simon O’Connor.
Parallèlement, la Banque de Grèce a annoncé que la Banque centrale européenne (BCE) procurerait 12 à 15 milliards d’euros de liquidités supplémentaires aux banques grecques en pratiquant une moindre décote sur leurs collatéraux. Cette décision pourrait être entérinée le 6 novembre lors de la prochaine réunion des gouverneurs de banques centrales à Francfort.
Le ministre grec des Finances, Guikas Hardouvelis, s’est voulu rassurant aussi: le climat des marchés “ne reflète ni la situation ni les perspectives de l’économie grecque”, et la Grèce “achèvera d’une manière normale le plan de redressement de son économie”.
Après ces assurances, les bourses de Paris, Francfort et Londres ont terminé quasi-stables, mais à Madrid et Lisbonne, elles ont cédé 1,72% et 3,21%.
A Athènes, loin de se calmer, le jeu politicien était au contraire attisé par la situation, le gouvernement et Syriza s’accusant mutuellement de cette “déstabilisation”. La porte-parole du gouvernement rappelait ainsi que Syriza avait un jour comparé les marchés à une “bande d’escrocs internationale”.