On définit généralement un haut fonctionnaire ou une personne qui travaille dans une institution publique avec énergie, dévouement et à un haut niveau de compétences. Ils sont en charge d’importantes responsabilités: ce sont les grands corps de l’État.
Sans compétences administratives qui sachent manager et servir, l’Administration s’effrite et l’Etat s’effondre. «De nos jours, la compétence ne suffit pas, le génie encore bien moins; il faut se vendre». Cette citation d’Andrée Maillet est d’une actualité brûlante en Tunisie.
Appauvrir l’administration, était-ce le but des cabales CPRistes et nahdhaouis après le 14 janvier pour la vider de sa substance, se l’approprier et remplacer les compétences par les amnistiés, ou pire mettre à la tête des départements de l’Etat des ministres dont même les diplômes sont douteux?
C’est ce qui semble pourtant s’être passé depuis 2011. L’Administration tunisienne, auparavant une référence pour non seulement le Maghreb mais l’Afrique et les pays arabes, est devenue aujourd’hui le lieu où se rencontrent paresseux, amnistiés terroristes et opportunistes.
Les compétences qui ont résisté aux attaques systématiques des “révolutionnaires” ont été réduites comme peau de chagrin. Nombreuses parmi elles se cantonnent dans leurs bureaux attendant impatiemment la retraite et refusant de prendre des décisions ou de s’investir dans quoi que ce soit. Pourtant, des générations de Tunisiens ont investi à la sueur de leur front dans la formation des hauts cadres qualifiés. Ces derniers servent aujourd’hui les intérêts d’autres pays. C’est comme ça lorsqu’un pays hérite d’un leadership primaire vindicatif et limité.
«Les USA ont offert aux savants nazis l’asile et des postes dans leurs centres de recherche qui ont servi à en faire la puissance qu’ils sont aujourd’hui».
Pour l’histoire, les Etats-Unis ont offert aux savants et compétences nazis l’asile et des postes dans leurs centres de recherche qui ont servi à en faire, entre autres, la puissance qu’ils sont aujourd’hui.
Pareil pour les savants irakiens qu’ils ont presque été kidnappés après la chute du régime de Saddam Hussein. Mais nous parlons là d’une classe politique qui a la vision et qui n’est pas aveuglée par le désir de vengeance et la bêtise humaine, mais doués de pragmatisme politique et sensibles aux hauts intérêts de leur Etat. Eux sont dans la grandeur, chez nous, il y en a beaucoup qui sont dans la petitesse.
Ci-après un témoignage émouvant d’un haut commis de l’Etat qui a voulu servir son pays mais qui a été accusé de l’avoir trahi avec Ben Ali pour avoir occupé, en tant que technocrate, un haut poste administratif. Le summum de la bêtise!
«Je vis depuis 2011 et pour la première fois de ma vie une grande frustration. Une frustration de demeurer spectateur sans pouvoir rien donner à mon pays et sans même agir alors que les réalisations innovantes, bien sûr dans le secteur des télécommunications et l’économie numérique sont en voie de destruction et de dislocation dans la Tunisie postrévolutionnaire!
Ma frustration se trouve d’autant plus amplifiée que je suis hyper sollicité par d’autres pays et je travaille comme d’habitude -16 heures par jour- mais pour d’autres pays très connus, devenus plus avancés que nous, des concurrents à la Tunisie voire des leaders. C’est la véritable frustration: produire pour d’autres pays des études stratégiques et l’identification de projets dans la continuité de mon travail accompli en Tunisie. C’est là une frustration qui ne saurait être sentie par ceux qui ont opté pour des nationalités étrangères ou ceux qui ont préféré offrir toute leur énergie ailleurs, consacrer leur jeunesse pour travailler dans des sociétés étrangères contre des euros.
Je suis issu du bassin minier, d’une famille pauvre, très pauvre. Mon père, mineur de fond, prolétaire, dira Hamma Hammami, est mort asphyxié en 1975 dans la galerie (Damous) d’extraction du Phosphate à Mdhilla. Décédé avec les mains attachées à la terre, à la richesse de notre pays qui est le phosphate.
«… Nous n’étions pas frustrés, car le matériel nous paraissait insignifiant par rapport… à l’amour du pays»
Nous étions pauvres, nous n’avions ni eau potable, ni électricité, ni TV, ni cuisine et ni même des sanitaires. Et pourtant c’était 20 ans après l’indépendance. C’était d’ailleurs le cas pour les trois quarts du village d’El Guettar qui vivaient dans les mêmes conditions. Mais nous n’étions pas frustrés, car le matériel nous paraissait insignifiant par rapport à l’amour, à l’amour du pays.
Voyez comment la Chine est devenue un pays puissant gouvernant le monde. Leurs ingénieurs rentrent dans leur pays pour être payés à des salaires 30 fois inférieurs que ceux offerts en Europe ou aux USA.
«… Après 2011, le critère central d’évaluation et d’excellence est devenu le nombre d’années passées soit en prison ou ailleurs ou même celui d’une autre nationalité».
Et pourtant, en Tunisie, nous les avions précédés avec les Zenaidi, Laatiri et autres. Malheureusement après 2011, le critère central d’évaluation et d’excellence est devenu le nombre d’années passées soit en prison ou ailleurs ou même celui d’une autre nationalité».
Pour finir, une citation de William de Britaine et ça date de 1689: «L’honneur sans mérite est un fardeau, la compétence reconnue est un bonheur».
A bon entendeur !