Progression du montant des exportations tunisiennes vers la Turquie de +44% au terme de l’année 2013 par rapport à l’année 2012, progression du montant des importations tunisiennes depuis la Turquie de 10,7% au terme de l’année 2013 par rapport à l’année 2012, mais ce n’est pas le plus important, ni le plus révélateur.
Ce qui est édifiant, c’est le saut quantitatif des exportations turques en Tunisie entre 2007 et 2014. Nous sommes passés de 634,7 millions de dinars à 899,0 millions de dinars en 2009 pour atteindre les 904,7 MDT en 2010, environ 1,196 milliard de dinars en 2011, 1,205 milliard de dinars en 2012, 1,334 milliards de dinars en 2013 et enfin, pour les huit premiers mois de 2014, nous en sommes à 1,059 milliard de dinars d’importations.
Pour ce qui est des exportations tunisiennes vers la Turquie, c’est simple, elles sont passées de 231,4 MDT en 2007 à 361,4 MDT en 2013 pour se limiter à 173,1 MDT sur les 8 premiers mois de l’année 2014. Le déficit de la balance commerciale entre les deux pays en faveur de la Turquie ne date pas d’aujourd’hui.
Déjà du temps où Ridha Ben Mosbah était ministre du Commerce du gouvernement Ben Ali, il l’avait signifié clairement aux partenaires turcs en les priant d’ouvrir encore plus leur marché aux produits tunisiens.
En guise d’ouverture, c’est plutôt une invasion que nous avons récoltée. Depuis 2011, le marché tunisien est très réceptif pour ce qui est des produits turcs et en tête l’agroalimentaire. Il n’y a qu’à voir l’éventail de biscuits turcs étalés dans nos grandes surfaces et nos épiceries pour s’en rendre compte. Même les «glibettes» noires soit les graines de tournesol séchées et grillées connues pour leurs vertus en vitamine E et consommées à satiété par les Tunisiens, n’ont pas échappé à la mainmise des glibettes blanches turques.
Du coup, les Tunisiens se sont non seulement trouvés relégués à la seconde place mais presqu’interdits de vendre les glibettes noires, et cela date des gouvernements de la Troïka.
La Turquie, qui demeure le second fournisseur de l’Union européenne en textile derrière la Chine et le 3ème en habillement, ne pouvait pas, bien entendu, laisser le petit marché tunisien lui échapper. Elle est d’ailleurs le troisième fournisseur de la Tunisie pour ce qui est du textile habillement avec une part de 8,3% des importations totales du secteur. Ceci sans oublier l’entrée des marchandises turques à des quantités incommensurables dans les valises des commerçants touristes tunisiens (toujjar al chanta, comme on le dit si bien en Egypte).
Les Turcs, qui priaient les ministres du gouvernement de l’avant 14 janvier à les accompagner dans leur conquête de l’Afrique, n’ont plus besoin d’eux aujourd’hui et n’ont même pas besoin du patronat tunisien. Pour eux, la Tunisie est un terrain conquis. Depuis la visite d’Erdogan en Tunisie, nous n’avons plus entendu parler d’eux. Il paraît d’ailleurs que les conseils économiques turcs mixtes feront désormais partie des comités économiques parlementaires, ce qui les mettrait directement sous la coupe du parti vainqueur, à savoir celui d’Erdogan.
Du coup, nous ne pouvons pas dire que ce monsieur ne sait pas faire des affaires. D’ailleurs, même les campagnes justifiées quant à son implication, lui et ses proches, dans des affaires de corruption n’ont servi qu’à renforcer son positionnement dans son pays. C’est à croire que les Turcs sont devenus masochistes depuis que la doctrine islamiste les gouverne et les domine.
Pour rappel, lors de sa première visite en Tunisie, en 2011, tout de suite après la victoire de ses frères islamistes aux élections du 23 octobre 2011, Recep Taieb Erdogan aurait conseillé à ses frères islamistes de prendre illico presto le pouvoir au risque de ne plus jamais l’exercer. Bon ou mauvais conseil? La Troïka n’a pas su gouverner mais a su s’emparer du pouvoir.
Mais que pouvions-nous attendre d’un grand adepte de la confrérie des frères musulmans et d’un grand admirateur de Soliman le magnifique sinon des ambitions hégémoniques cyniques et dénuées de toute morale et respect pour les autres peuples. La preuve, les crimes qu’il a perpétrés en Syrie sous couvert de défense des valeurs démocratiques et les camps d’entraînement qui ont servi à envoyer des jeunes de tous les pays du monde comme chair à canon pour les terroristes extrémistes. Son propre pays n’a pas été épargné. Les Turcs lui pardonneront-ils les exactions de la place Tasnim?
Quant à la Tunisie, eh bien Erdogan a planté ses griffes depuis 2011. La victoire haut la main remportée et attendue, il n’y a pas longtemps, par la TAV et sa filiale ATU pour l’exploitation de tous les freeshops tunisiens, couronne des années d’agressivité commerciale.
Mais à l’avantage des Turcs, à l’origine un peuple nomade originaire d’Asie, des plaines de Mongolie à celles de l’Asie centrale, organisés auparavant en tribus et en fédérations de tribus, une évolution à travers l’histoire des mercenaires des califes abbassides, en conquérants dès le Xème siècle et en fondateurs d’empires. Ils ont créé un empire qui s’étendait de l’Anatolie jusqu’aux plaines d’Asie centrale. Aujourd’hui l’empire turc ou ottoman n’existe plus mais les velléités dominatrices des acteurs au pouvoir sont restées. Pire, Erdogan signe et persiste, il aurait même voulu s’attribuer une partie de la Syrie et œuvre à s’imposer en tant qu’acteur incontournable de la politique internationale, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Il a, paraît-il, beaucoup d’amis en Tunisie.