Cerutti (PDG d’Euronext) : “notre mission est de financer les entreprises européennes”

1806c2100ce85f699b21ca12839e0c2dcb3230eb.jpg
érateur boursier à Paris le 10 juin 2014 (Photo : Eric Piermont)

[23/10/2014 06:37:07] Paris (AFP) Les places boursières ont longtemps “été obsédées par la volonté de capter les flux” financiers, mais le patron d’Euronext, Dominique Cerutti, “considère maintenant que [leur] mission est de financer les entreprises européennes”.

Car pour le PDG de l’opérateur des Bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne, comme “les banques accordent moins facilement des crédits”, si les marchés ne financent pas davantage les PME, “il n’y a aucune chance que la zone euro s’en sorte correctement”.

Question: Les introductions en Bourse traversent une phase difficile, comme en témoigne le report annoncé par le groupe Spie; le pain blanc a-t-il été mangé?

Réponse: Nous pensons que le quatrième trimestre va être moins intense que le troisième trimestre, qui lui était extraordinaire, mais il n’y a aucun catastrophisme. Aucune entrée en Bourse n’a été annulée, elles sont juste décalées et plusieurs entreprises préparent toujours leur arrivée.

Nous aurions, certes, préféré que Spie intègre le marché comme prévu, mais ils viendront d’ici quelques semaines ou mois.

Nous considérons cette correction comme une respiration du marché et non pas comme un mouvement de longue durée.

Q: Quel bilan tirez-vous de l’introduction en Bourse d’Euronext, avec un cours de Bourse qui a peu évolué depuis?

R: Nous sommes très attentifs aux fluctuations des cours, mais cela ne nous semble pas préoccupant.

Ce qui comptait pour nous, c’était de retrouver notre indépendance. Beaucoup d’étapes extrêmement complexes ont été franchies entre l’annonce de l’acquisition de NYSE Euronext par ICE et l’entrée en Bourse d’Euronext. Peu de personnes pensaient que nous réussirions à faire tout cela en seulement 18 mois.

Q: Quelles sont vos perspectives stratégiques?

Si nous avons voulu l?indépendance d?Euronext, c’est parce que nous savions déjà que nous étions au début d’un nouveau cycle durable.

La création d’emplois en Europe est au sommet des priorités, sachant que 80% des emplois sont créés par les PME qui se financent à 95% par les banques.

Or les banques accordent moins facilement des crédits, et si les marchés de capitaux ne sont pas repositionnés pour financer les PME, il n’y a aucune chance que la zone euro s’en sorte correctement.

Nous cherchons donc à repositionner Euronext de manière extrêmement ambitieuse. Pour cela, nous innovons massivement en matière de produits, de plateformes et de projets comme EnterNext [l’entité dédiée aux PME, NDLR] pour laquelle nous avons des ambitions très importantes.

Les deux tiers des chefs d’entreprise que nous avons rencontrés nous disent que, dans les trois ans qui viennent, ils comptent accéder aux marchés de capitaux et nous demandent de les aider.

De fait, EnterNext est déjà rentable, car nous avons inclus dès le départ des PME déjà cotées, en plaçant la barre des sociétés incluses dans son périmètre à un milliard d’euros, parallèlement au développement d’un modèle complet et pérenne.

Pendant longtemps, les Bourses ont été obsédées par la volonté de capter les flux de transactions, mais nous considérons maintenant que notre mission est de financer les entreprises européennes et d?offrir aux investisseurs de la planète des opportunités de premier plan.

Q: Vous étiez engagés à faire des économies, où en êtes-vous?

Nous nous étions engagés sur 60 millions d?euros. Nous sommes sûrs de les faire, et plus rapidement que prévu. Et nous ne nous arrêterons sans doute pas là.

Le déménagement en fait partie. Nous avons sélectionné deux sites, un à Paris et un à La Défense. Rappelons que nous ne sommes plus au palais Brongniart depuis des décennies. Nous allons déménager en 2015. Pour le choix du site, la consultation avec nos employés se poursuit.

Q: Y-a-t-il des acquisitions ou des mariages en vue?

Pour l’instant, nous sommes très mobilisés par notre stratégie de croissance organique. Mais nous sommes convaincus qu’il y aura une consolidation en Europe dans les trois à cinq ans. Si un jour cela se consolide, nous espérons pouvoir avoir notre mot à dire parce que nous avons un vrai modèle paneuropéen qui a fait ses preuves.

Q: Des rumeurs ont circulé sur votre départ après l’entrée en Bourse d’Euronext, alors pour vous, l’histoire s’achève bientôt ou ne fait-elle que commencer ?

Je ne sais pas à quoi les rumeurs sur mon départ sont liées, peut-être parce que les gens n’ont pas compris pourquoi quelqu’un qui n’était pas de l’industrie boursière avait fait le choix délibéré de venir dans ce secteur.

Il se trouve que cette industrie m’intéresse énormément parce qu’elle fait partie des quatre ou cinq grands défis auxquels notre monde est actuellement confronté, à savoir la redéfinition de systèmes financiers opérationnels et sains.

J’ai rejoint à l’époque un groupe emblématique, NYSE Euronext qui était en train d’analyser la crise de 2008. Assez rapidement, nous avons compris que nous avions un problème plus profond, car le monde avait changé.

Et l’heure de vérité, c’est maintenant. Donc je ne me vois pas partir, parce que tout ce que j’ai fait ces dernières années, c’était pour ce qui commence aujourd’hui.