é (g) et le Premier ministre Manuel Valls le 23 octobre 2014 à Bordeaux (Photo : Mehdi Fedouach) |
[23/10/2014 15:52:29] Paris (AFP) Le contrat de travail unique, considéré comme une “idée intéressante” par le Premier ministre Manuel Valls, est une proposition qui revient de façon récurrente à droite et chez certains économistes, mais qui serait “compliquée à mettre en musique”.
Ce contrat, abolissant la distinction CDI/CDD, a été proposé notamment par le nouveau Nobel d?économie français Jean Tirole pour réformer le marché de l’emploi.
Manuel Valls a répété mercredi et jeudi qu’il y voyait une “idée intéressante”, affichant sa volonté d’agir sur les “inégalités importantes” entre les salariés “très protégés” en CDI et les précaires en CDD et en intérim.
Vu la situation économique, les entreprises sont très réticentes au CDI. Les CDD de moins d’un mois représentaient sept embauches sur 10 au troisième trimestre, même si près de neuf salariés sur dix sont encore en CDI.
Mais, a prudemment souligné le Premier ministre, “ces discussions doivent avoir lieu d’abord au sein des partenaires sociaux” et ceux-ci n'”ont pas adopté” jusqu’à présent le contrat unique.
Cette idée de contrat, formulée par M. Tirole dès 2003 et également proposée par les économistes Francis Kramarz et Pierre Cahuc dans un rapport en 2004, revient de façon récurrente en France où coexistent de nombreuses formes de contrat de travail.
économie, à Toulouse le 13 octobre 2014 (Photo : Remy Gabalda) |
C’était notamment une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Mais elle n’a finalement jamais vu le jour, en raison, une fois n’est pas coutume, de l’hostilité à la fois des syndicats et du patronat.
Lors de la négociation en 2007 sur la modernisation du marché du travail, la proposition avait ainsi été enterrée, le patronat défendant notamment “l’utilité économique” des CDD.
– ‘C’est une fausse piste’ –
L’ex-ministre UMP du Travail Xavier Bertrand a regretté la semaine dernière d’avoir été “envoyé promener” à l’époque par les partenaires sociaux.
Comme d’autres voix de l’opposition, il plaide pour ce contrat qui permettrait “d’éviter des millions de salariés pour ainsi dire de seconde zone”, les CDD ayant des difficultés pour se “loger, pour avoir la confiance d’un propriétaire, d’un banquier pour acheter une maison ou même acheter une voiture”.
Dans ses récentes propositions pour “1 million d’emplois”, le Medef souligne que la “dualisation” entre les CDI et “de l’autre des salariés, surtout des jeunes qui enchaînent les contrats courts” n’est “pas acceptable”. Mais pour répondre à “la peur de l’embauche” des entreprises, l’organisation patronale propose un “contrat de projet”, un CDI qui “prendrait fin automatiquement une fois le projet réalisé” avec des indemnités de licenciement préfixées en fonction de l’ancienneté.
Côté syndicats, même si tous dénoncent un recours abusif aux CDD, l’hostilité au contrat unique reste de mise.
“Appelons un chat un chat”, “s’il s’agit de faire un contrat qui s’arrête quand on veut, ça ne peut pas nous aller. On est en train de précariser encore plus les salariés”, et “pour nous c’est un formidable recul”, a déclaré jeudi à l’AFP le président de la CFTC Philippe Louis,.
“On avait écarté le contrat unique parce que c’était introduire une autre forme de rupture” du contrat de travail, une flexibilité “dont les salariés souffriraient, dont l’économie du coup souffrirait et dont les entreprises ne tireraient pas grand chose”, a-t-il ajouté.
“C’est une vieille lune”, assénait aussi récemment Véronique Descaq (CFDT).
Du côté des économistes, certains s’interrogent aussi sur la faisabilité d’une telle mesure.
“C’est une idée qui est intéressante”, mais “c’est compliqué à mettre en musique” parce qu'”on a quand même besoin de CDD pour les remplacements, les congés de paternité ou de maternité…”, explique Gérard Cornilleau, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Le contrat unique “est un mythe”, estime de son côté Henri Sterdyniak, également à l’OFCE. “Evidemment, les CDD se sont développés de manière excessive”, mais “je pense qu’il faut maintenir cette distinction et lutter contre cet envahissement du CDD”, dit-il.
“L’idée de contrat unique va créer de la confusion”, chez “les gens qui louent leur logement, au niveau du crédit, au niveau de la place de chacun dans l’entreprise”, estime l’économiste pour qui c’est tout simplement “une fausse piste”.