Si les premières estimations des résultats des législatives 2014 se confirment, le Front populaire, qui incarne la Gauche tunisienne dans son ensemble, sera la quatrième force politique du pays avec en prime 10 à 12 sièges (sinon plus) au Parlement, ce qui l’habilite à former un groupe parlementaire et à peser, éventuellement, dans le paysage politique.
Il s’agit de toute évidence d’une performance, et ce contrairement à ce que pensent certains analystes de la chose tunisienne lesquels estiment que la Gauche aurait pu réaliser un meilleur score au regard des sacrifices consentis, allusion aux assassinats politiques qui ont touché trois de ses grands leaders.
Nous croyons que ce score est même un exploit au vu des difficultés rencontrées et du rapport de force qui a prévalu lors des législatives 2014. Trois bonnes raisons militent en faveur de cette approche optimiste.
Les raisons pour y croire
Premièrement, la Gauche tunisienne revient de loin -et même de très loin-, après sa débâcle lors des premières élections de la Constituante, un certain 23 octobre 2011. Est-il besoin de rappeler que les résultats de ces élections avaient été, non seulement, à contresens des objectifs de la révolution, mais avaient, surtout, sanctionné le camp démocratique et progressiste composée à l’époque du parti Al Joumhouri (ancien PDP), le Parti des travailleurs de Hamma Hammami, Afek Tounes, le parti al Massar (Ettajdid et Pôle démocratique moderniste) et autres personnes indépendantes…
La Gauche revient de loin en raison des traumatismes qu’ont connus ses troupes après l’assassinat, durant le mandat de la Troïka, de trois de ses meilleurs leaders, en l’occurrence Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi et Mohamed Belmufti. La perte de ces leaders qu’aucun militant de Gauche n’a pu remplacer était inestimable.
Deuxièmement, le score du Front populaire est un bon score compte tenu des enjeux des législatives 2014. Ainsi, on peut admettre que le Front aurait pu réaliser de meilleurs résultats n’eut été le vote utile en faveur de Nidaa Tounès.
Car, pour une bonne partie des adhérents, militants et sympathisants du Front, Nidaa Tounès, fort d’une importante base captive, était le mieux placé pour contrecarrer le projet obscurantiste et rétrograde du Mouvement islamiste, chastement dénommée parti Ennahdha.
Conséquence: des milliers de voix destinés normalement au Front ont migré, par nécessité, vers Nidaa Tounès. D’ailleurs, le parti Al Massar a, lourdement, pâti de cette migration contraignante des voix au point qu’aucun de ses candidats n’a été élu.
Troisièmement, les scores du Front lors des législatives 2014 sont indéniablement un excellent résultat, et ce en considération du rapport de force en place. Ses concurrents ont mobilisé d’importants moyens financiers pour acheter la conscience des pauvres, au vu et au su d’une instance régulatrice laxiste pour ne pas dire complaisante, l’Instance supérieure indépendance pour les élections (ISIE) laquelle peut être qualifiée de la grande déception des législatives 20014.
Réputé pour être un parti pauvre financièrement, le Front, impuissant, ne pouvait, hélas, que se donner en spectacle ce triste commerce avec les frustrations des gens auxquels s’étaient donnés, à des degrés divers, les trois premiers partis.
La Gauche a de l’avenir
Moralité: Avec ce score, le Front populaire -ou Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution-, ne peut qu’en être fier en dépit de la frustration de ses militants. Il est désormais intégré dans la société dans la mesure où il a réussi, avec cet ancrage électoral, son évolution du stade purement idéologique et élitiste à celui politique à l’écoute des préoccupations des Tunisiens. Sa probité, son intégrité et son engagement envers le peuple et la patrie en feront, un jour ou l’autre, un grand parti. L’avenir est désormais pour lui.
Et pour ne rien oublier, la qualité des futurs députés de Gauche, particulièrement M’barka Brahmi, épouse du martyr Mohamed Brahmi (Sidi Bouzid), Adnene Hajji (héros de la révolte du bassin minier en 2008) et Mongi Rahoui (Jendouba), père du célèbre article 6 de la Constitution 2014 sur la liberté de conscience et du culte, ne manquera pas de nous faire oublier le mauvais rendement des constituants «daechistes» de la Troïka.
Ils auront, aux côtés de leurs collègues, la délicate mission de se comporter en forces de propositions et de corriger les préjugés que les adversaires de la Gauche (PSD, RCD, Ennahdha…) lui ont collés, depuis l’indépendance, en tant qu’idéologie athéiste et opposée à la propriété privée.
Tout un programme en vue…