C’est fini le «silence électoral» précédant le scrutin législatif. Et c’est tant mieux! Car à vrai dire on était déjà dans le silence électoral depuis les débuts de la campagne. Malheureusement ou heureusement pour certains, il n’y a pas eu (ou il y a eu peu) de vrais débats d’idée et surtout d’idées économiques. Nous avons été gavés de consensus par certains et de cris de guerre par d’autres.
La plupart des candidats des partis, de coalitions ou des indépendants ne comprennent pas un mot de la complexité des dossiers économiques. Alors des vœux pieux et des discours alambiqués, nous en avons eu à la pelle. Faire travailler les jeunes, reformer l’administration, s’occuper des régions de l’intérieur, penser aux infrastructures et tutti quanti, ça nous a été servi et resservi par tous.
En somme, nous sommes devant très peu de vrais projets innovants. Le modèle économique essayé, très mal, par Ben Ali, est encore à l’œuvre, encouragé par les organisations économiques internationales qui nous prêtent de l’argent et nous fournissent des idées préconçues.
Les thèses exposées par les deux grands partis sont toutes aussi libérales l’une que l’autre. Si les islamistes ne cachent pas quelque chose de leurs visées pour le pays, c’est bien leur libéralisme économique le plus primaire comme leurs frères turcs, indonésiens ou malaisiens.
Le programme du parti Ennahdha n’est qu’un succédané du vieil Adam Smith et son slogan «laisser faire, laisser passer».
Le programme de Nidaa Tounes, de son côté, et malgré une couche supplémentaire de ‘social’ pour faire plus beau, n’en demeure pas moins un choix libéral clair.
Pourtant, il est de notoriété publique aujourd’hui que le système libéral, même avec la bouffée de la mondialisation et l’expansion de l’économie du savoir, est en crise profonde et grave. Il est clair, d’autre part, que les spécificités de la situation tunisienne sont de nature à exiger de la vraie innovation de la part des politiques. Faire redémarrer l’économie d’un pays exsangue demande d’abord l’ingrédient non économique de la hardiesse et de savoir cultiver l’espoir!
Bien sûr, on peut toujours compter sur notre gauche historique pour nous servir, de son côté, la sempiternelle sauce de “l’économie dirigée où l’Etat est l’acteur économique numéro un“. Cependant, personne ne croit plus à ces balivernes invendables au XXIème siècle.
Les économies qui ont le plus résisté à toutes les crises sont les économies nordiques où l’économie sociale du marché a un sens. Les pays qui se hissent au premier rang dans le monde sont ceux qui ont su trouver, au sein d’une économie mondialisée malgré eux, un juste équilibre entre le marché et l’individu et où le capital est taxé plus socialement que financièrement.
Personne ne nie plus le rôle moteur de l’Etat comme il a été démontré dans le pays le plus libéral du monde, les Etas-Unis d’Amérique, lors de la crise des subprimes! Personne ne nie plus aujourd’hui que la mondialisation effrénée et la financiarisation de l’économie mondiale nous poussent vers un monde sans travail, un monde où le chômage endémique est la règle, un monde régi par les montants des dividendes des fonds de pension américains et européens qui n’ont cure des impératifs de notre développement…
Alors, le silence électoral? Oui on continue! C’est mieux!