Quelles portes de sortie préconisent les partis politiques pour le sauvetage d’une économie en dérive? Les grands axes pour les partis libéraux sont presque semblables, à quelques petites différences près. Qu’il s’agisse de Nidaa Tounes, d’Afek Tounes, d’Al Moubadara, ou encore d’Ennahdha dont le programme, semble-t-il, aurait été inspiré du programme économique turc à la Erdogan, tous plaident pour le renouvèlement du modèle économique.
Changer de modèle de croissance, une vérité de Lapalisse… Réduire le chômage, assurer l’avenir des générations futures œuvrer pour une meilleure gouvernance, ce sont ces mots que nous n’arrêtons pas d’entendre. Mais entre les discours et la réalité, il y a toute une Tunisie à transformer.
Les grandes ambitions nécessitent de gros moyens financiers, cela s’entend, mais plus que tout, le pays a besoin de la restauration de l’autorité de l’Etat, d’une administration moins corrompue et plus disciplinée, de citoyens conscients de la nécessité de travailler pour mériter salaire, et une connivence au sein du prochain gouvernement. Entente qui n’est pas du tout assurée au vu du mode de scrutin catastrophique qui ne permet pas à un parti d’avoir la majorité absolue au parlement. Un modèle dont la plus grande innovation a été l’art de disperser les voix des électeurs et d’en remplir les poubelles! Digne du Guinness Book.
De quoi a besoin la Tunisie dans les tous prochains mois?
De sécurité, de plus de productivité, d’une paix sociale impérative pour sauver le tissu économique ou ce qu’il en reste, de visibilité politique oui mais surtout d’une visibilité économique avec une UGTT plus calme, contrôlant mieux ses bases et plus soucieuse du maintien des postes d’emplois que de revendications, des fois, tellement disproportionnées qu’elles mènent tout droit à la fermeture d’entreprises.
La voie du redressement passe, comme cela a été signifié dans un rapport réalisé par l’UTICA, par la revalorisation de l’image du pays, du rétablissement de l’autorité de l’Etat et de la confiance. Ce qui implique plus de sécurité et une meilleure qualité des services publics.
Une administration qui marche à reculons
Ce qui n’est malheureusement pas le cas. L’Administration tunisienne, ovationnée après le 14 janvier, marche, depuis lors, à reculons. La hiérarchie n’est plus respectée, en témoignent les derniers incidents qui ont eu lieu au ministère de l’Enseignement supérieur. Le rendement n’atteint même pas les 20% de ce qui se faisait auparavant. Et qu’il s’agisse d’opérateurs privés ou de particuliers, régulariser une situation, avoir un titre foncier, retirer des papiers ou officialiser une situation est devenu un parcours du combattant avec une affliction de plus qui existait auparavant mais qui s’est affirmée comme règle de base aujourd’hui: les pots-de-vin.
Avant le 14 janvier, on prétendait que la corruption faisait perdre à la Tunisie 2% de croissance, aujourd’hui, nous en avons perdu beaucoup plus grâce ou à cause de la REVOLUTION!
Dans la Tunisie de l’après-14 janvier, le personnel de la CNSS a imposé aux autres affiliés de payer leurs cotisations sociales, c’est semble-t-il un droit et un privilège. Devons-nous, nous contribuables tunisiens, payer les cotisations sociales des personnels CNSS ou CNRPS, les factures des employés des personnels de la STEG et de la SONEDE? Est-ce juste? Est-ce équitable?
Grand temps pour plus d’équité sociale que de revoir si ces privilèges sont amplement mérités et s’ils ne se font pas sur le dos d’autres Tunisiens.
Aujourd’hui, chaque établissement public doit octroyer des privilèges. Dernière décision ridicule du ministère de l’Economie et des Finances, celle d’accorder leurs week-ends aux agents de douanes alors que la plupart des opérations d’import/export ont lieu pendant le week-end justement. Voulant se rattraper, le ministère des Finances a décrété que les samedis étaient permis aux administratifs seulement, ce qui revient au même puisqu’il s’agit en fait d’une chaîne de commandement.
Le ministère voulait peut-être récompenser les douaniers pour leurs performances et la hausse de leur productivité. Pour exemple, recevoir des colis en Chronopost nécessite parfois une attente de plus d’une dizaine de jours parce que nos chers douaniers, trop fatigués, n’ont pas eu le temps de contrôler la marchandise.
Ceci pour ceux qui travaillent en ne travaillant pas, mais n’oublions pas ces centaines de milliers de chômeurs qui attendent impatiemment des postes d’emplois qui n’arrivent pas. Pourquoi? Alors que des usines de textiles sont en panne d’ouvriers et des entreprises désireuses d’embaucher des compétences n’arrivent pas à en trouver. La qualité des formations et de l’enseignement y est pour beaucoup mais quoique l’on puisse en penser et quoique puissent prétendre certains représentants des partis politiques, nombre de Tunisiens jeunes ou moins jeunes se complaisent dans la situation de chômeurs. Après tout, le secteur informel fait vivre des centaines de milliers de personnes. On y travaille moins, on y gagne plus.
Pire, il y en a parmi ceux qui travaillent, appuyés par certains syndicats de base de l’UGTT, qui veulent imposer leur propre rythme et leur «organisation» versée plus vers la médiocrité et le manque de performance que vers l’efficience et l’amélioration de la qualité des produits pour plus de compétitivité. «Il fut un temps où un ouvrier était tellement absorbé par son labeur qu’il ne pouvait même pas faire attention aux visiteurs qui traversaient l’usine. Aujourd’hui, nos usines sont devenues des navires sans capitaines. Comment voulez-vous que les investisseurs étrangers acceptent la baisse de la productivité, la corruption de l’administration et la régression de la qualité des services publics? Le nouveau gouvernement issu des élections prochaines aurait beaucoup à faire dans ce sens», témoigne un homme d’affaires.
Le nouveau gouvernement devrait mettre en place un socle de valeurs basé sur le mérite, le travail de qualité, l’attractivité, et l’absence de l’absentéisme. La machine productive ne peut plus rester l’otage des syndicalistes zélés. Nous avons vu ce qu’ils ont fait de la France. L’UTICA et l’UGTT ne doivent pas être des rivaux mais plutôt des alliés dans le maintien et la préservation du tissu économique du pays.
Pour ce faire, ce sont des opérations coup de poings qui doivent être faites comme vaincre les corporatismes, unir les efforts des syndicats, des médias et de la société civile pour changer les mentalités et instaurer la culture du travail en tant que culte. Le travail n’est pas un droit, le travail se mérite et se gagne par force d’efforts et d’abnégation.
La grande question qui se pose aujourd’hui est: comment adopter un modèle de développement basé sur le savoir, la qualité des ressources humaines, la culture du travail, l’amélioration du climat d’affaires, l’assouplissement et la simplification des procédures, l’efficience de l’administration et la révision des lois désuètes et surtout comment édifier un Etat de droit?
Le prochain gouvernement y parviendra-t-il? Pourrait-t-il gérer un piètre héritage? Aurait-il la même vision de l’avenir de la Tunisie et de ses orientations socioéconomiques? Durerait-il assez longtemps pour entreprendre les réformes qui s’imposent et faire sortir le pays du transitoire au permanent? Quelle serait sa durée de vie?
Des questions auxquelles nous pourrions peut-être avoir un semblant de réponses au vu des résultats des élections du 26 octobre qui ne paraissent pas sous les meilleurs hospices..