Cette question a été longuement débattue, au cours d’un séminaire d’initiation, organisé les 17 et 18 octobre, par l’Association tunisienne de lutte contre de corruption (ATLUC) et l’Institut de gestion des ressources naturelles.
Objectif: ce séminaire, organisé à l’intention des médias, s’est proposé de développer les capacités des journalistes à identifier les niches de corruption et à s’informer des mécanismes mis en place pour y remédier à l’échelle nationale et internationale.
En voici les moments forts.
De prime abord, il ressort des communications faites, au cours de ce séminaire, que contrairement à ce qu’on avait essayé de faire croire aux Tunisiens, cinq décennies durant, le sol et le sous-sol tunisiens sont riches en matières premières minérales, énergétiques et non énergétiques. Les cartes géologiques ou satellitaires confirment des réserves plus ou moins satisfaisantes en richesses naturelles, dont les teneurs continuent à être affinées.
Conséquence: le sol et le sous-sol du pays n’ont pas encore révélé tous leurs secrets.
Mention spéciale pour le gaz naturel. Ce secteur contribue à la satisfaction d’environ 53% de la demande énergétique nationale. Il représente le combustible nécessaire à la production électrique à hauteur de 100%. Les besoins du pays en gaz sont couverts au taux de 63% grâce à l’apport de la production nationale, et à concurrence de 37% par l’approvisionnement en gaz algérien par le biais du gazoduc traversant le territoire tunisien.
Actuellement, le secteur des mines et des énergies fossiles représente 10% du PIB (72 milliards de dinars environ), contre 3% pour les banques, 6% pour le tourisme. Il participe à hauteur de 15% dans les recettes fiscales et non fiscales du budget de l’Etat. Enfin, il se taille la part du lion dans les exportations, avec un poids de 25% du business exporté.
De ce fait, ses enjeux impactent fortement les fondamentaux socioéconomiques du pays: création d’emplois, structure du PIB, croissance économique, pouvoir d’achat, balance commerciale, ressources publiques, budget de l’Etat, plan de développement, capacité d’endettement, balance des paiements.
Un secteur mal géré
Les participants se sont penchés sur les raisons qui font que le secteur des industries extractives (hydrocarbures et mines) soit plus exposé que d’autres à la corruption. Au nombre de celles-ci figurent moult défaillances:
– absence, à tous les niveaux, de stratégies cohérentes pour le développement du secteur,
– absence de coordination entre les structures chargées de la gestion du secteur (Office des mines, direction générale de l’énergie, ETAP, STEG, STIR….),
– absence de répertoire des contrats et conventions conclues avec les opérateurs étrangers,
– absence d’un système d’information fiable accessible à tous et dissuadant toute manipulation mal intentionnée,
– absence de contrôle a posteriori.
L’accent a été mis sur le fait que le secteur comporte les principales niches exposées à la corruption, en l’occurrence la passation de marchés publics (concessions…) et la cession d’entreprises publiques (cimenteries et autres).
L’attention a été attirée sur la faible capacité de négociation des acteurs évoluant dans le secteur. La plupart des contrats conclus jusque-là ont profité aux opérateurs étrangers. A titre indicatif, la redevance prélevée sur le gazoduc Transmed acheminant le gaz algérien vers l’Italie est fixée à 5% alors que celle prélevée sur le gazoduc acheminant le gaz algérien vers l’Europe via le territoire marocain est fixée à 7%.
Un intérêt particulier a été porté sur la mauvaise gouvernance qui prévaut dans le secteur. A titre d’exemple, l’administration de ce secteur se contente des études économiques des projets initiés et jamais des études d’impact sur l’environnement et sur la santé des communautés jouxtant les projets objet de contrats. C’est le cas des projets de phosphate et de transformation de ce minerai. C’est aussi le cas du fameux projet d’extraction du gaz de schiste. Et la liste est loin d’être finie.
Comment prévenir la corruption dans les industries extractives
Au rayon de la prévention, le gouvernement a prévu plusieurs mesures visant à dissuader la corruption en général dont l’article 130 de la Constitution qui institue la création de l’Instance nationale de lutte contre la corruption -une institution constitutionnelle dont l’objectif est d’aller vers une politique nationale stable en matière de prévention de la corruption et de gouvernance de manière générale.
L’Instance nationale de lutte contre la corruption doit avoir un rôle préventif, indépendamment de l’alternance des gouvernements.
A signaler l’urgence pour améliorer la visibilité du secteur, l’élaboration d’études sur le développement du secteur et sur l’institution de mesures consacrant la transparence, la responsabilisation et la redevabilité.
Au plan international, la Tunisie gagnerait à adhérer à l’Initiative multipartite pour la transparence dans les industries extractives et à la norme d’information prévue à cette fin. Il s’agit de la publication volontaire par les gouvernements de ce qu’ils reçoivent des sociétés extractives et de la publication par ces dernières de ce qu’elles paient aux gouvernements. Finalité: si les sociétés publient ce qu’elles paient, et si les gouvernements publient l’encaissement de ces revenus, alors la société civile, dans les pays riches en ressources naturelles, a plus de chance de comparer les deux et ainsi demander des comptes à son gouvernement sur la gestion de cette précieuse source de revenus.
Moralité: le secteur des industries extractives peut rejaillir positivement sur les finances de l’Etat pour peu que les règles de bonne gouvernance soient respectées et pour peu que les entreprises qui y évoluent améliorent leur professionnalisme et leur capacité de négociation avec les entreprises étrangères.