étudiant en économie et organisateur de la plus grande manifestation organisée en Hongrie contre Viktor Orban, le 4 octobre 2014 sur le pont Szabadsag (liberté) à Budapest (Photo : Attila Kisbenedek) |
[06/11/2014 10:09:49] Budapest (AFP) Leurs réunions ont lieu en général sur Facebook, et ils préfèrent garder à distance les partis politiques: tels sont les organisateurs, rencontrés par l’AFP, de la plus grande manifestation organisée en Hongrie contre Viktor Orban.
En une dizaine de jours fin octobre, ils ont amené le Premier ministre conservateur à renoncer à son projet de taxer la consommation d’internet, un recul très rare depuis l’arrivée au pouvoir en 2010 de ce dirigeant controversé.
Balazs Gulyas a créé la première page Facebook contre la taxe, laquelle prévoyait un prélèvement d’environ 50 centimes d’euros par gigaoctet téléchargé.
“Le temps que je rentre de l’université à vélo jusqu’à chez moi, plusieurs milliers de personnes s’étaient inscrites sur la page”, raconte cet étudiant en économie de 27 ans.
Dimanche 26 octobre, 20.000 manifestants défilaient dans Budapest. Mardi 28, ils étaient environ 50.000. Vendredi 31, M. Orban annonçait le retrait du projet, promettant une vague “consultation” en 2015.
“Le retrait a été un grand succès”, dit M. Gulyas. “Et pour la première fois, Orban a admis qu’il ne représentait pas la majorité”.
– Opposition affaiblie –
Le Premier ministre, sous le feu des critiques en Hongrie et à l’étranger pour des mesures jugées liberticides, a pourtant remporté coup sur coup en 2014 les élections législatives, européennes et municipales. Il s’est imposé à chaque fois largement.
Les militants qui ont mobilisé contre la taxe internet étaient encore de parfaits inconnus il y a un mois. Ils communiquent par Facebook ou par listes de diffusion mail. Ils élaborent leurs tactiques dans des bars. Leur succès les amène à se demander aujourd’hui s’ils peuvent combler, dans la vie politique hongroise, le vide créé par une opposition de gauche faible, divisée et de plus en plus démoralisée.
internet (Photo : Gergely Besenyei) |
“Les manifestations ont montré aux gens qu’il était possible d’influer sur le cours des choses, et que cela vaut la peine d’agir politiquement”, veut retenir Karoly Fuzessi, 30 ans, qui partage son temps entre le développement d’applications web et des études de philosophie et de bibliothécaire.
“Peut-être que désormais, la classe politique réalise qu’elle ne peut pas faire n’importe quoi”, opine Reka Kinga Papp, une journaliste militante depuis dix ans qui prend régulièrement la parole lors de manifestations.
Devenu l’un des pivots de la vague de contestation après avoir fédéré une vingtaine de militants, Karoly Fuzessi a fait ses armes lors de manifestations étudiantes contre la réforme de l’université, durant l’hiver 2012-13.
– Horizons variés –
Mais plus qu’alors, et davantage que les réformes controversées de la justice, des médias ou les attaques contre les ONG menées par le gouvernement, c’est la taxe sur l’internet qui a cristallisé le mécontentement de vastes pans de la société.
Non tant en raison de son montant, qui devait être plafonné à environ 2,30 euros par mois pour les particuliers, mais parce que la Toile reste perçue comme l’un des derniers – si ce n’est le dernier – espaces de libre expression et d’information dans le pays, selon les observateurs.
Fait significatif : les manifestations de fin octobre ont rassemblé des individus d’horizons variés, adolescents, retraités, classes moyennes, du militant d’extrême gauche au sympathisant du parti nationaliste Jobbik.
érence de presse à Budapest, le 11 septembre 2014 (Photo : Attila Kisbenedek) |
Avec pour point commun une défiance affichée envers les partis traditionnels, que ce soit le Fidesz de M. Orban, jugé omnipotent, ou le Parti socialiste, dont certains manifestants, comme M. Gulyas, ont été proches avant de lui tourner le dos.
Les partis d’opposition “ont informellement proposé leur aide. Mais nous avons toujours dit que nous ne pourrions pas travailler avec eux, le but étant de représenter tout le monde car la taxe internet touche tout le monde”, assure M. Gulyas.
Toutefois, selon le politologue Peter Kreko, de l’institut Political Capital, le mouvement 2.0 n’est pas à l’abri d’un essoufflement aussi rapide que l’a été son essor s’il ne se structure pas. “Si le mécontentement n’est pas canalisé politiquement, il risque de s’éteindre”, estime-t-il.