En Catalogne, les entreprises divisées sur la question de l’indépendance

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épendance à Vic, près de Barcelone, le 6 novembre 2014 (Photo : Josep Lago)

[07/11/2014 10:41:20] Barcelone (AFP) Une Catalogne indépendante, synonyme de baisse des impôts et de meilleure gestion des finances publiques ou au contraire de fuite des multinationales et d’instabilité financière? A Barcelone, grandes entreprises et PME s’affrontent sur l’opportunité de se détacher de l’Espagne.

Cette région industrielle à la frontière avec la France, est la plus riche du pays, générant près de 19% du PIB espagnol, et accueille un riche tissu d’entreprises, surtout des PME.

Après avoir observé dans un relatif silence la montée de fièvre indépendantiste, des entrepreneurs catalans commencent à prendre la parole. Et défendent des points de vue diamétralement opposés.

David Poudevida fait partie des partisans de l’indépendance. Cet entrepreneur fait partie de la plateforme “Creiem en Catalunya” (nous croyons en la Catalogne), qui a rassemblé le mois dernier près de 600 chefs d’entreprises favorables à cette cause.

Un sentiment commun les anime, celui du ras-le-bol fiscal. “Nous donnons beaucoup d’argent”, explique-t-il en allusion au fait que la Catalogne paye plus à l’Etat qu’elle ne reçoit en retour.

Tant que la croissance était là, pas de problème. Mais la grave crise qu’a traversé l’Espagne ces six dernières années a alimenté les rancoeurs des Catalans. “Si on pouvait choisir comment investir une partie de cet argent, peut-être que de nombreux secteurs économiques se porteraient beaucoup mieux ici”, assure David Poudevida.

Joaquim Gay de Montella, président de la puissante fédération patronale Foment, pense aussi que renforcer les pouvoirs régionaux permettrait une meilleure gestion budgétaire et que le gouvernement central privilégie Madrid à Barcelone dans ses investissements.

Mais pas question pour le Foment, représentant de PME mais aussi de grandes entreprises, de défendre l’indépendance. “La Catalogne a plus d’avantages à rester dans l’Etat espagnol pour la stabilité du système financier et bancaire”, fait-il valoir.

– Une sortie de l’UE? –

Impossible de savoir comment la Catalogne, une des régions les plus endettées d’Espagne, se financerait sur les marchés en cas de sortie de l’Espagne et par conséquent de l’Union européenne. Rétablir la confiance des investisseurs pourrait prendre “pas moins de 20 ans”, avertit-il.

Les entreprises n’ont aucun intérêt à voir la Catalogne quitter le giron espagnol, appuie Albert Peters, porte-parole de la plateforme “la Catalogne en dehors de l’Europe, non”. Ce conseiller fiscal allemand, qui vit à Barcelone, assure que beaucoup d’entrepreneurs n’osent pas se prononcer contre les projets du chef de l’exécutif catalan Artur Mas, pour ne pas froisser les autorités locales.

Parmi les risques encourus, “les exportations vers l’Espagne pourraient être taxées par des droits de douane, les banques n’auraient plus accès aux liquidités de la Banque centrale européenne” et les entreprises pourraient avoir du mal à exporter, ce qui conduirait certaines à déplacer leur siège, énumère-t-il.

Le PDG du groupe d’édition catalan Planeta, qui compte plus de 10.000 salariés, s’est déjà dit prêt à déménager.

Albert Peters reproche aux Catalans d’avoir la mémoire un peu courte car “ils ont profité de l’adhésion de l’Espagne à l’UE” en 1986. Mais il reconnaît comme le Foment la nécessité de conclure un nouveau pacte fiscal et social avec Madrid qui prendrait mieux compte les intérêts de la région.

Le statut d’autonomie comme celui du Pays basque ou de la Navarre, avec des avantages juridiques et fiscaux, pourrait servir de modèle, estime Joaquim Gay de Montella.

Mais les partisans du séparatisme balaient cette idée d’un revers de main. Pour eux, il est déjà trop tard. “L’Etat espagnol ne négocie pas, sa mentalité est d’imposer”, assure Ramir de Porrata Doria, patron d’une start-up, Keonn Technologies, spécialisée dans le développement de logiciels et les nouvelles technologies.

Même si son entreprise exporte 70% de sa production, “je suis prêt à assumer le fait que nous ne soyons plus dans l’UE, que nous n’ayons plus l’euro”, affirme-t-il avec passion. Il est persuadé que l’Europe ne pourrait pas se passer d’une région aussi riche que la Catalogne et que l’Espagne perdrait trop à s’en prendre à son économie.

Surtout, le désir d’indépendance est plus fort que tous les arguments qu’on pourrait lui opposer. “Ce n’est pas seulement une question économique. C’est une question de dignité.”