Taxe sur les transactions financières : la France impatiente, mais moins ambitieuse

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çais Michel Sapin à Bruxelles le 7 novembre 2014 (Photo : Emmanuel Dunand)

[07/11/2014 17:09:06] Bruxelles (AFP) La taxe sur les transactions financières (TTF) fait toujours l’objet d’âpres négociations entre Européens mais certains, comme la France, insistent pour qu’elle se concrétise enfin, même dans une version imparfaite.

Son ministre des Finances, Michel Sapin, a plaidé vendredi à Bruxelles pour que la taxe entre en vigueur comme prévu début 2016, jugeant important “d’avancer, même en faisant un pas”, car “le pire danger, c’est qu’elle ne se fasse pas”.

“La France tient à ce que la TTF, le premier pas, soit une réalité au 1er janvier 2016”, a insisté M. Sapin en marge d’une réunion des homologues européens.

Le ministre italien Pier Carlo Padoan, qui présidait la réunion, a salué de “bons progrès” dans ce dossier. Mais les ministres des pays participant au projet sont encore loin d’un accord, en particulier sur l’assiette de la taxe, et leurs collègues de pays de l’UE n’y participant pas, comme le Danemark ou les Pays-Bas, ont fait part de leurs inquiétudes concernant d’éventuelles retombées négatives pour leur pays.

Ils sont “tous d?accord pour se mettre d?accord”, a ironisé un collectif d’ONG, rassemblant notamment Oxfam et One, alors que la TTF est “une manière de réguler la finance et d’avoir des ressources supplémentaires pour aider les pays en voie de développement”, a rappelé M. Sapin.

Le dossier piétine depuis des mois, pour ne pas dire des années, mais l’objectif reste officiellement de parvenir à un accord politique sur le sujet avant la fin de cette année, un délai d’un an étant jugé nécessaire pour que le dispositif puisse entrer en vigueur.

Pour tenter de débloquer le dossier, la France a proposé un projet de compromis qui consisterait à appliquer la taxe aux seules actions cotées et à certains CDS, des contrats d’assurance contre le défaut de paiement d’une valeur.

Ces propositions, “certains les ont considérées comme a minima”, a reconnu M. Sapin. “Je préfère une TTF qui aurait un produit limité au-delà des actions mais qui soit efficace et effective et qui progressera, plutôt qu’une très belle idée, mais qui restera dans les nuages”, a-t-il insisté.

Le ministre allemand Wolfgang Schäuble a lui aussi insisté pour mettre en oeuvre une “première étape, qui créera un élan”.

Mais leur homologue autrichien Hans Jörg Schelling a indiqué qu’il n’avait “pas accepté la proposition française” et qu’il avait présenté sa propre proposition, prévoyant “d’inclure tous les produits financiers, sauf les obligations souveraines”. Elle a été “bien accueillie”, a-t-il assuré, affirmant qu’un compromis lui semblait “possible” tout en reconnaissant que les discussions sont difficiles.

– “Réguler la finance” –

Le commissaire européen chargé de la Fiscalité, Pierre Moscovici, qui a précédé Michel Sapin au ministère français des Finances, s’est prononcé pour une TTF “réaliste et ambitieuse” et a lui aussi souhaité “qu’un accord soit conclu d’ici la fin de l’année”.

Les décisions fiscales au sein de l’UE devant être prises à l’unanimité, le fait qu’un projet aboutisse sous forme de coopération renforcée entre une partie seulement des 28, comme c’est le cas pour la TTF, pourrait permettre de débloquer d’autres dossiers.

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à Luxembourg, le 14 octobre 2014 (Photo : Emmanuel Dunand)

Un accord politique serait un premier pas vers un mouvement plus vaste d’harmonisation fiscale, a jugé M. Moscovici, au lendemain du scandale “LuxLeaks”, qui a révélé que le Luxembourg avait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales pour minimiser leurs impôts, privant de recettes fiscales les autres pays où elles sont implantées.

Onze pays participent à cette coopération renforcée: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et Slovénie.

Les recettes attendues devraient être bien moindres que les 35 milliards d’euros évoqués initialement par la Commission européenne, selon une source européenne.

Le journal belge L’Echo a cité vendredi une source belge anonyme expliquant que “pour plusieurs pays, il semble difficile de pouvoir accepter une TTF qui rapporterait moins qu’une taxe nationale”. La Belgique applique déjà une taxe sur les opérations boursières qui rapporte environ 200 millions d’euros par an.