espace (Photo : Fabienne Faur) |
[12/11/2014 07:10:01] Green Bank (Etats-Unis) (AFP) Les vaches broutent, un pickup passe, le silence retombe. Aucune sonnerie intempestive ne vient troubler la quiétude des rues de Green Bank (Virginie-Occidentale, est). Téléphone portable et wifi y sont interdits, pour le bonheur des “malades” des ondes.
“Si on perd le radiotélescope, on est fichu”, indique à l’AFP Charles Meckna, 53 ans, alors qu’il construit un abri de jardin pour sa petite maison, au milieu des bois de ce hameau à 350 kilomètres à l’est de Washington.
Ce quinquagénaire originaire du Nebraska (centre) s’est installé là en juillet dernier pour s’éloigner des ondes électromagnétiques qui, dit-il, l’ont rendu gravement malade, et il n’en finit plus de remercier le télescope.
Car Green Bank –143 habitants– et ses environs du comté de Pocahontas, dans les Appalaches, est au coeur d’une “Quiet Zone”, une zone de silence radio décrétée officiellement en 1958 pour protéger les installations du “GBT”, le “Green Bank Telescope”.
Ce radiotélescope de 150 mètres de haut traque jour et nuit les signaux venus de l’espace. “On y étudie le cycle de vie des étoiles, les quelques secondes après le Big Bang, les ondes gravitationnelles”, explique Mike Holstine, responsable des installations du National Radio Astronomy Observatory (NRAO).
“C’est le radiotélescope le plus sensible du monde. Il peut recevoir un signal équivalent à l’énergie d’un flocon de neige touchant le sol”, poursuit-il, “mais pour cela, l’environnement radio tout autour doit être extrêmement silencieux”.
ôle le télescope de Green Bank (Virginie Occidentale), le 29 octobre 2014 (Photo : Fabienne Faur) |
Aussi, une “National Radio Quiet Zone”, unique en son genre, a été décrétée par le gouvernement américain sur un territoire de 33.000 km2.
Les radio-transmissions doivent y être les plus basses possible. Dans un rayon de 16 kilomètres autour du télescope, tout ce qui produit une onde radio et donc provoque une éventuelle interférence électrique y est banni ou sévèrement limité comme la wifi, les téléphones sans fil, les télécommandes ou les micro-ondes.
“Un quasar émet un signal d’un milliardième de milliardième de milliardième de watt”, précise M. Holstine. “Un téléphone portable en émet deux. Il brouillerait complètement le signal que les astronomes cherchent à recevoir”.
– Une maladie constatée, pas reconnue –
Plusieurs dizaines de victimes d’hypersensibilité électromagnétique (EHS) sont ainsi venues dans cette région rurale profiter d’une vie sans ondes, comme Charles Meckna.
Ancien responsable de chantiers, il habite avec son épouse à quelques kilomètres du télescope. Malade depuis la fin des années 1990, il a mis, raconte-t-il, beaucoup de temps avant d’attribuer ses malaises aux ondes de son téléphone portable.
“Je n’avais pas fait le rapprochement. Au début, mon médecin m’a donné des antidépresseurs”, explique le quinquagénaire qui souffrait de vomissements, migraines et arythmie cardiaque dès qu’il s’approchait de bornes wifi.
élescope de Green Bank en Virginie-Occidentale, le 29 octobre 2014 qui traque les ondes les plus sensibles et permet une zone de silence radio (Photo : Fabienne Faur) |
“Ici, je vais beaucoup mieux, je peux avoir à nouveau une vie”, souligne M. Meckna, qui se sent quand même un peu “prisonnier”. “Et je déteste ça”, ajoute-t-il.
Diane Schou, elle-aussi électrosensible depuis qu’une antenne-relais s’est installée près de sa ferme dans l’Iowa (centre), dit en avoir pris son parti. “Je n’ai pas le choix. C’est vivre ici ou avoir des migraines”, résume la quinquagénaire qui habite Green Bank depuis 2007.
Les douleurs étaient si violentes qu’elle a dû vivre un temps dans un espace bricolé par son mari et transformé en “cage de Faraday”, couvert d?aluminium étanche aux ondes. “Ici, je peux avoir une vie, je peux inviter des amis”.
Mme Schou gère avec soin son utilisation de tout équipement. Elle a un ordinateur, relié au téléphone et “très lent”, qu’elle ouvre quelques dizaines de minutes par jour, pour regarder les courriels de son mari qui vient la rejoindre quelques mois par an.
L’hypersensibilité électromagnétique, qui suscite une inquiétude grandissante dans un monde de plus en plus connecté, est constatée mais pas reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Des études fustigent les ondes, d’autres parlent de maladie psychosomatique.
L’OMS a annoncé sur son site internet qu’elle “procèdera en 2016 à une évaluation formelle” des risques des téléphones portables, dont les abonnés sont estimés à 6,9 milliards dans le monde.
Chez Trent’s, une épicerie/station-service à moins d’un kilomètre du télescope, l’absence de téléphone portable gêne peu. “On n’en a jamais eu, alors ils ne nous ont jamais manqué”, s’exclame en riant la caissière, Betty Mullenax.