à Ouvéa (Photo : Lionel Bonaventure) |
[12/11/2014 18:52:39] Paris (AFP) La France, nation du Pacifique grâce à trois collectivités d’outre-mer, aurait intérêt à se préoccuper de ses richesses exploitées ou potentielles dans une zone devenue le terrain de jeu des grandes puissances du XXIe siècle, Chine en tête.
“Le centre du monde s’est déplacé dans le Pacifique”, relève Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (Fedom). “Autour du Pacifique, il y a la moitié du G20”, renchérit Maïna Sage, députée UDI de la Polynésie française. Un G20 qui se tient ce week-end en Australie et où se rend le président François Hollande.
Et pourtant, “+la mer, c’est ce que les Français ont dans le dos+, disait Tabarly”, soupire Jean-Paul Cadoret, responsable à l’Ifremer d’un projet sur les micro-algues en Nouvelle-Calédonie, qui constate un “mal fou à évangéliser” une France “à la mentalité terrienne”.
Pourtant la France est bien “un des quinze Etats de l’Océanie avec 555.000 ressortissants” en Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, souligne Claude Bartolone, président PS de l’Assemblée nationale, pour qui “la France ne peut donc pas se contenter d’être un simple spectateur de cette Mare Nostrum du 3e millénaire mais doit s’y affirmer comme acteur légitime et faire fructifier ses atouts”.
Parmi les plus évidents, le nickel. Il est l’objet de “plus en plus de convoitises dans le monde, vu qu’il entre dans la composition d’à peu près tout, du lavabo en inox à l’électronique”, affirme Paul Desportes, directeur commercial d’Eramet nickel.
“Deux tiers des ressources nickélifères sont dans le Pacifique et la Nouvelle-Calédonie détient 55% des minerais +riches+”, rappelle M. Desportes. “La sécurisation des approvisionnements est un enjeu pour des pays comme la Chine. En Indonésie, en Nouvelle-Calédonie, les grands pays cherchent à s’approvisionner. Éviter le pillage de nos ressources est un enjeu national”, estime le représentant minier.
Dans cette zone qui représente 62% de la zone économique exclusive (ZEE) française, “les potentialités de la mer sont une richesse inouïe”, plaide André Desplat, président de l’association des chambres de commerce des outre-mer. “L’économie maritime globale représente 1.500 milliards de dollars de chiffre d’affaires et d’ici 2020, les nouvelles activités liées à la mer représenteront 450 milliards supplémentaires”, affirme M. Desplat.
“Les trois COM du Pacifique correspondent à la plupart des axes de développement identifiés pour la France de 2025 avec la valorisation des richesse marines et la chimie du végétal; et de ceux de la +croissance bleue+ voulue par l’Union européenne”, souligne Lionel Loubersac, co-fondateur du tout jeune cluster maritime en Nouvelle-Calédonie.
– Libre-échange –
Dans les secteurs déjà existants, il faudrait développer le tourisme de croisière, adapter le tourisme côtier à une population vieillissante, diversifier les cultures marines (poissons, crustacés, perles, holothuries).
Dans le champ des “activités émergentes créatrices d’emplois”, M. Loubersac liste les énergies marines renouvelables (thermiques des mers, courants, houle), les biotechnologies issues de la mer (algues, bio-plastiques, anti-douleurs tirés du venin de coquillages, etc.) ou encore la surveillance des espaces maritimes.
A plus long terme, des “activités en pré-développement et à fort potentiel” existent aussi, dans les fonds marins: il s’agit de la présence d’hydrocarbures dans la ZEE calédonienne, d’encroûtements cobaltifères dans les eaux de Polynésie et de Wallis et Futuna, voire de terres rares et autres nodules polymétalliques.
Dans ce contexte, le programme d’extension du plateau continental dit Extraplac, qui permettrait d’ajouter environ 400.000 km2 de ZEE prend tout son sens. Un dossier pour Wallis et deux pour la Nouvelle-Calédonie ont été déposées à l’ONU.
“Les potentialités sont considérables, il s’agit de les transformer en réalisations”, prévient Jean-François Tallec, ancien secrétaire général de la mer. “Des entreprises françaises sont au premier rang dans le transport maritime, les biotechnologies, l’exploration mais elles ont besoin que l’autorité publique donne un cap, aide dans les relations diplomatiques avec les pays voisins”, souligne M. Tallec, conseiller chez l’armateur CMA CGM.
D’autres puissance sont déjà en route: la Chine est passée de 33 millions de dollars d’investissement en 2000 dans le Pacifique sud à 200 millions en 2013, devenant le 3e partenaire commercial de cette zone.
Les Etats-unis entendent mener à bien d’ici la fin de l’année un projet de libre-échange trans-Pacifique (TPP) avec 12 pays, excluant la Chine.