Réformer –ce qui rime, très souvent, à démanteler, du moins en partie- un système de subvention de produits est un exercice difficile, voire périlleux. Le premier niveau de la difficulté concerne la prise de la décision elle-même qui est loin d’être un exercice de tout repos. On pèse et on re-pèse le pour et le contre, parfois trop longtemps. Ce qui finit par réduire les bénéfices de l’intervention «chirurgicale» envisagée, et/ou par la compliquer. Ce qui, en quelque sorte, correspond à la situation de la Tunisie où la réforme du système de subvention revient depuis tellement longtemps de manière périodique dans le débat public, à se demander si ce chantier sera jamais ouvert.
La preuve? Le gouvernement Jomaa a bien tenté de s’attaquer au mammouth, mais a dû faire marche arrière devant le véto opposé par l’UGTT qui ne lui reconnaît pas la légitimité de prendre une décision aussi grave.
Mais la décision prise, le plus dur –et c’est le deuxième niveau de la difficulté- reste à faire: mettre en œuvre la réforme et la faire aboutir. Et c’est pour aider les pays concernés –dont la Tunisie- à résoudre ce problème qu’une équipe du Département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI) a étudié cette question et a produit un rapport (Subsidy Reform in the Middle East and North Africa, Recent Progress and Challenges Ahead –ou Réforme des subventions au Moyen-Orient, Récents progrès et défis à venir) dans lequel elle tire les leçons d’expériences passées et propose une sorte d’abécédaire de la meilleure façon de s’y prendre pour réussir ce genre de réforme.
Les experts du FMI ont tiré les leçons de ces expériences à l’intention des pays de la région MENA (Middle East North Africa) et en ont tiré une sorte de manuel de procédures de la réforme des systèmes de subvention. Ils y ont intégré les six facteurs de succès identifiés par une précédente étude du FMI (en 2013, par Clements and others et par l’Organisation pour la coopération économique et le développement –OCDE) et y ont ajouté leurs propres recommandations.
Les auteurs de la nouvelle étude du FMI sur la réforme des subventions ont d’abord identifié trois «conditions initiales», en l’occurrence des «conditions macroéconomiques favorables», à réunir avant d’attaquer ce vaste chantier.
La première est la croissance. A ce sujet, l’étude rappelle que «les réformes lancées dans un contexte de faible croissance ont moins réussi que celles initiées dans un environnement d’activité économique élevée, reflétant peut-être une forte résistance publique à des pertes économiques supplémentaires en pleine ralentissement économique».
La deuxième condition «initiale» est un niveau d’inflation relativement bas. Car l’étude menée par l’équipe du FMI démontre qu’«un niveau initial d’inflation élevé était associé à une moindre réussite» de la réforme. Une raison de cela pouvant provenir d’une «tolérance limitée d’une érosion supplémentaire des revenus réels à cause de la réforme des subventions».
La troisième condition est politique. L’étude suggère que la composition du gouvernement et la force de celui-ci vis-à-vis du Parlement «affectent l’issue des réformes». Ce qui veut dire en plus clair «que les réformes ont mieux réussi lorsque menées par des gouvernements de coalition».