à une clientèle 2.0 mieux informée et qui déserte les agences (Photo : Emmanuel Dunand) |
[14/11/2014 12:48:47] Paris (AFP) Tablettes tactiles, réseaux sociaux et “tchats” peuplent désormais le quotidien des banquiers, qui doivent s’adapter à une clientèle 2.0 mieux informée et qui déserte les agences. Une “révolution culturelle” qui fait naître des inquiétudes et des frustrations dans la profession.
Bousculés par l’essor des banques en ligne (ING Direct, Boursorama, Fortuneo…), les établissements financiers traditionnels ont amorcé une profonde mutation pour répondre au défi numérique, ce qui amène les banquiers à réinventer leur métier.
Mais “on est incapable de dire à l’horizon de 3 ans, 5 ans, ce que seront les métiers” dans les banques, relève Régis Dos Santos (SNB/CFE-CGC).
Seule certitude: le client, qui peut piocher sur la toile une multitude d’informations, arrive mieux armé face à son conseiller. Dès lors, le “face-à-face avec le client” a été aboli au profit d’une relation “côte-à-côte”, note M. Dos Santos.
Dire au client “+Je vais t’expliquer parce que moi j’ai la connaissance+, c’est fini”, avance le syndicaliste. Or, cela suppose une “révolution culturelle des salariés dans des entreprises qui culturellement ont toujours été super hiérarchisées”.
– Chaîne de travail numérique –
Mais, ajoutent en ch?ur les syndicats contactés par l’AFP, le métier de banquier n’est pas voué à disparaître, en dépit des fermetures d’agences et des compressions du personnel. Car si le client fait ses virements et consulte son solde en ligne, il reste attaché à son conseiller pour les opérations plus complexes.
“C’est comme avec un médecin”, explique Luc Mathieu (CFDT): “si j’ai un rhume je veux bien aller regarder sur Internet quels médicaments je dois prendre; si j’ai un truc qui me semble plus grave, je vais aller voir un médecin”.
En revanche, les outils ont beaucoup changé. Les procédures informatisées entraînent une perte d’autonomie dont se plaignent les agents.
Pour un dossier de crédit, par exemple, “c’est l’outil qui décide”, regrette M. Mathieu. C’est lui “qui détermine ce qu’il faut que le conseiller fasse, ce qu’il peut faire, ne peut pas faire”, précise le syndicaliste. “Ca a retaylorisé un certain nombre de tâches, on fait partie d’une chaîne de travail numérique”.
En juin, le Syndicat national des banques avait pointé du doigt, dans une enquête sur les risques psycho-sociaux, les contraintes techniques liées à “l’industrialisation des processus”, qui impactent “fortement et négativement les collaborateurs”.
– ‘Tout devient urgent’ –
Cette évolution technologique constitue une “perversion” du métier, qui consiste aussi à “découvrir les besoins de nos clients”, selon Sébastien Busiris (FO-Banques). “C’est là où le numérique a ses limites”, juge le responsable syndical.
Plus mesuré, le SNB/CFE-CGC estime que le conseiller devra accepter cette emprise grandissante et faire ?uvre de “beaucoup plus de pédagogie” dans l’accompagnement du client.
Les syndicats s’élèvent en revanche tous contre l’inflation des courriels, un véritable “fléau”, juge M. Burisis. Le conseiller se retrouve “pollué par les mails”, soupire le syndicaliste, car pour le client “il est devenu plus facile d’envoyer dix mails que de passer un coup de fil”.
Les salariés vivent sous le joug de “la dictature de la réaction immédiate”, abonde Luc Mathieu. “Ca génère du stress et augmente de manière considérable la porosité entre vies professionnelle et personnelle”.
Engagés dans une course infernale où “tout devient urgent”, selon lui, les banquiers éprouvent davantage de difficultés à hiérarchiser les tâches. Plus d’actes administratifs et moins d’effectifs, notamment à l’accueil, annulent les gains de temps obtenus grâce au numérique, note Martine Cognet (CGT) de la LCL.
Quel banquier du futur vont choisir les clients? Celui des banques mutualistes, qui ont fait le pari de la proximité physique, ou celui des BNP Paribas, Société Générale et consorts, qui ont misé gros sur les nouveaux canaux de communication ?
“Il y a un choc entre deux visions du métier bancaire de demain, et c’est peut-être le client qui fera le choix”, fait valoir Sébastien Busiris. “Celui qui sortira vainqueur imposera son modèle”.