Dans sa dernière Note économique dédiée à l’Afrique du Nord, intitulée «Promouvoir une croissance résiliente aux crises en Afrique du Nord», la Banque africaine de développement (BAD) analyse les causes des “Printemps arabes”.
À la lire, cette vague de contestations socio-politiques qui a bousculé les pays d’Afrique du Nord dès la fin 2010 est le fait d’une crise endogène, le résultat de deux processus imbriqués que peuvent expliquer les schémas régionaux de croissance et de résilience aux crises.
Si les pays d’Afrique du Nord ont connu une période de croissance soutenue et stable de 2003 à 2010, en dépit des deux crises internationales (alimentaire et financière) qui ont affecté la région à la même période, cette croissance s’est révélée insuffisamment inclusive. Les retombées positives n’ont pas profité équitablement à tous, catégories sociales et secteurs économiques confondus.
Les gouvernements de la région ont bien pris des mesures pour renforcer la résilience de leurs pays aux crises. Mais ils n’ont pas pu protéger les petites entreprises ni les ménages défavorisés.
Aussi, en lieu et place de promouvoir une croissance qui résiste aux crises extérieures, les politiques gouvernementales nord-africaines ont produit l’effet quasi inverse: provoquer des crises intérieures qui inhibent la croissance. Le Printemps arabe a même davantage affecté les dynamiques de croissance et les capacités budgétaires de la région, que les deux crises précédentes réunies. De nature endogène, il a également affaibli les secteurs qui s’étaient pourtant montrés résilients lors des deux dernières crises internationales –démontrant ainsi qu’il n’est possible de résister aux crises sur le long terme que si l’enjeu d’une croissance inclusive est pris en compte dans la stratégie globale des pays concernés.
Les politiques publiques n’ayant pas changé en profondeur dans la plupart des pays depuis les transitions amorcées dès 2011, les pays nord-africains restent exposés aux instabilités internes qui pèsent sur leurs scénarios de développement futur. La forte dépendance vis-à-vis de l’Europe qui les caractérise au plan du commerce et des flux de capitaux ne fait qu’aiguiser leur vulnérabilité, face à la crise de la dette dans la zone euro.
Cette publication présente en détails certaines mesures que d’autres pays de la planète ont engagées et qui ont été couronnées de succès en termes de stabilité retrouvée, de croissance et de résilience avérée aux crises. Capacité d’adaptation renforcée, vulnérabilités systématiques réduites, et moteurs et processus de redistribution de la croissance intensifiés, tels sont les déterminants d’une croissance résiliente aux chocs qui émergent dans les recommandations formulées aux gouvernements des pays d’Afrique du Nord.
Pour renforcer la capacité d’adaptation, il leur faudrait: (i) mener des politiques monétaires et budgétaires équilibrées; (ii) réformer les politiques et programmes sociaux afin de véritablement cibler les ménages les plus démunis; (iii) réformer les systèmes d’enseignement pour produire des compétences à plus grande valeur ajoutée et qui répondent davantage aux besoins du marché du travail; (iv) garantir des institutions publiques plus inclusives, réceptives et réactives.
Pour réduire la vulnérabilité systématique, il leur faudrait: (i) diversifier leurs partenaires commerciaux et financiers; (ii) intensifier les investissements dans l’agriculture et les énergies renouvelables; (iii) encourager la croissance et le développement des petites et moyennes entreprises; (iv) développer et renforcer des outils de gestion des crises dans la région.
Pour intensifier les moteurs et processus de redistribution de la croissance, il leur faudrait: (i) poursuivre plus avant la libéralisation des échanges commerciaux et les privatisations, tout en instaurant des mesures d’atténuation des risques inhérents à cette plus grande intégration mondiale; (ii) éliminer les obstacles juridiques et réglementaires qui entravent la croissance du secteur privé formel et l’emploi; (iii) encourager la diversification sectorielle; (iv) adopter des politiques qui favorisent la productivité du secteur privé et la compétitivité des entreprises.
Les périodes de transition ne sont jamais aisées. Mais elles peuvent aussi offrir des opportunités à saisir. «Si les crises s’accompagnent de défis difficiles, elles ouvrent également la voie à des possibilités de changements positifs», est-il ainsi noté dans cette publication. Avant de conclure: «Le Printemps arabe est peut-être le déclencheur dont avaient besoin les États d’Afrique du Nord pour engager les réformes indispensables, en vue d’arriver à une croissance plus inclusive, plus rapide et reposant sur une large assise, qui formera le socle de la résilience aux crises à long terme».