ès la crise financière les méga-fusions sont de retour à Wall Street (Photo : John Moore) |
[19/11/2014 08:29:09] New York (AFP) Les méga-fusions sont de retour à Wall Street, six ans après la crise financière, et 2014 s’annonce déjà comme une année record, témoignant du retour de l’optimisme sur les marchés et au sein des entreprises.
Coup sur coup lundi, le laboratoire pharmaceutique Actavis a annoncé qu’il rachetait pour 66 milliards de dollars Allergan, le fabricant de l’anti-rides Botox, tandis que le groupe de services pétroliers Halliburton annonçait l’acquisition de son rival Baker Hughes pour 34,6 milliards de dollars.
La conjoncture n’a jamais été aussi favorable à ces grands mariages, indiquent à l’AFP des banquiers qui les préparent et les structurent.
“Les taux d’intérêt sont bas, les coûts de financement faibles, les marchés actions solides et la confiance des dirigeants est là”, explique à l’AFP Marc Shafir, co-responsable des fusions-acquisitions chez la banque Citigroup.
“Certaines entreprises cherchent à accélérer leur croissance et sont prêtes à saisir toutes les opportunités qui se présentent”, renchérit Jack MacDonald, responsable des fusions-acquisitions dans les Amériques chez Bank of America Merrill Lynch.
– 3.164 milliards –
Les fusions-acquisitions entre entreprises sur le globe totalisent depuis le début de l’année plus de 3.000 milliards de dollars (3.164 milliards de dollars), selon le cabinet spécialisé Dealogic. C’est le meilleur cru depuis 2007, année considérée comme “la plus dépensière”. Les Etats-Unis représentent plus d’un tiers (1.053 milliards de dollars) des transactions.
Elles interviennent dans des secteurs d’activités dont le paysage se redessine. C’est le cas de la pharmacie où les fabricants de génériques (Teva, Mylan) mènent la vie dure aux grands laboratoires, comme le numéro deux mondial Pfizer qui veut combler au plus vite les pertes générées par l’expiration de brevets sur ses médicaments phares.
Pour près de 384 milliards de dollars d’opérations ont été recensées dans le secteur depuis janvier, soit une hausse de 45,5% sur un an, selon Dealogic. Ce serait davantage si l’américain AbbVie n’avait renoncé à s’emparer de Shire.
Dans les télécoms, les acteurs rivalisent pour couvrir l’ensemble du territoire des Etats-Unis afin d’être en position de force dans leurs négociations commerciales avec les fournisseurs de contenus. Le câblo-opérateur Comcast va racheter son rival Time Warner Cable pour 45,2 milliards de dollars, tandis que l’opérateur téléphonique AT&T va fusionner avec Direct TV pour 48,5 milliards de dollars.
Le magnat des médias Rupert Murdoch a renoncé à contrec?ur durant l’été au rachat du rival Time Warner pour qui son groupe 21st Century Fox avait fait une offre de près de 80 milliards de dollars.
Face à l’activisme de leurs rivales, certaines entreprises “ne veulent pas manquer le coche”, explique Mark Shafir.
Traditionnellement, pour financer ces rapprochements, les sociétés s’endettent de plusieurs milliards de dollars. Or, avec des taux d’intérêt quasiment nuls, le coût de la dette est dérisoire.
La solidité et la stabilité des marchés boursiers facilitent par ailleurs les négociations sur la valorisation des entreprises, selon les banquiers.
D’autant que les patrons américains, débarrassés des craintes sur une nouvelle récession aux Etats-Unis ou l’éclatement de la zone euro, sont beaucoup plus disposés à utiliser leurs gros trésors de guerre, souligne Jack MacDonald.
Certains groupes ont, eux, exploité les failles dans la législation fiscale américaine en cherchant à se redomicilier hors des Etats-Unis via le rachat d’une entreprise basée à l’étranger pour bénéficier d’un taux d’impôt plus faible qu’aux Etats-Unis (Tax Inversion).
– Suppressions d’emplois –
L’année 2014 marque par ailleurs le grand retour sur le devant de la scène des investisseurs activistes, ces voix influentes de Wall Street qui bousculent les directions dès leur entrée dans le capital d’une entreprise. L’activisme du très remuant milliardaire Bill Ackman a poussé le laboratoire Allergan, dont il est actionnaire, dans les bras d’Actavis.
Ces grandes opérations ont un coût social car elles s’accompagnent souvent de suppressions d’emplois. Microsoft va supprimer 18.000 emplois (14% de ses effectifs) dans le cadre du rachat de Nokia.
A l’inverse, c’est une aubaine pour les grandes banques et les cabinets d’avocats. Goldman Sachs, Bank of America, JPMorgan Chase et Credit Suisse vont se partager 316 millions de dollars de commissions pour avoir conseillé les fusions Halliburton/Baker Hughes et Actavis/Allergan.
Le durcissement de la régulation et une hausse des taux d’intérêt pourraient toutefois porter un coup à cette dynamique.
“Nous pensons que les fusions vont se poursuivre jusqu’en 2015 si aucun choc macro-économique ne survient”, estime Jack MacDonald.
Reste que les deux grandes vagues de fusions et acquisitions en 2000 et 2007 avaient été suivies par des crises majeures – l’éclatement de la bulle internet et la crise financière.