Justice européenne : l’UE a le droit de limiter les bonus des banquiers

33ef6847866eedb84735b6544b0502ec94176529.jpg
églementation européenne limitant les bonus des banquiers par rapport à leur rémunération fixe, remise en cause par le Royaume-Uni, est valide estime la CJUE (Photo : Eric Piermont)

[20/11/2014 15:41:05] Luxembourg (AFP) La réglementation européenne limitant les bonus des banquiers par rapport à leur rémunération fixe, remise en cause par le Royaume-Uni, est valide, a estimé jeudi l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (UE).

Un ensemble de mesures a été adopté en 2013 au niveau européen pour renforcer la réglementation et la stabilité des marchés financiers. Il est entré en vigueur début 2014. L’une des dispositions fixe un ratio entre la rémunération fixe des cadres bancaires et leur rémunération variable, soit entre leur salaire de base et leurs primes.

La structure de leur rémunération avait été considérée comme un des facteurs de la crise financière, car susceptible d’encourager ces salariés à prendre des risques excessifs pour empocher des bonus.

La loi européenne stipule que ces salariés ne doivent pas toucher de primes supérieures à 100% de leur salaire de base, ou 200% si l’Etat concerné l’autorise.

Le Royaume-Uni, où le secteur financier pèse un poids majeur dans l’économie, avait immédiatement remis en cause cette disposition et saisi la Cour de justice de l’UE d’un recours en annulation.

Parmi les principaux arguments avancés par Londres figure l’affirmation que la fixation des rémunérations relève de la politique sociale, et est donc de la compétence des Etats membres et non de l’UE.

Dans ses conclusions présentées jeudi, l’avocat général Niilo Jääskinen propose à la Cour de débouter le Royaume-Uni. Il reconnaît que “la détermination des divers éléments constitutifs de la rémunération d’un travailleur demeure incontestablement du ressort des Etats membres”. Toutefois, explique-t-il, “la fixation d’un ratio de rémunération variable par rapport aux salaires de base n’équivaut pas à un +plafonnement des primes des banquiers+ ni à la fixation du niveau de rémunération, car aucune limite n’est imposée aux salaires de base auxquels les primes sont rattachées”.

L’avocat général rejette les autres arguments britanniques, concernant la base juridique sur laquelle est fondée la directive ou encore les pouvoirs conférés à l’Autorité bancaire européenne, chargée de définir des critères permettant de recenser les personnes concernées par cette limitation des bonus.

Même si les conclusions de l’avocat général ne lient par la Cour européenne de justice, cette dernière suit son avis dans la plupart de cas.

Le gouvernement britannique a déclaré étudier “en détail” ces arguments. Il a néanmoins relevé que l’avocat général jugeait que la fixation d’un ratio n’équivalait pas à plafonner le revenu des banquiers. “C’est exactement pour cela que nous (le gouvernement), l’Autorité de régulation et la Banque d’Angleterre sommes opposés à cette mesure”, a dit un porte-parole du Trésor britannique.

Un responsable de la City de Londres, Mark Boleat, a estimé que le mécanisme mis en place était “inapproprié dans un marché mondial où les talents et les capitaux bougent facilement”.

“Le jugement d’aujourd’hui est décevant. Il ne réduira pas vraiment les risques pesant sur le système financier et ne fera qu’endommager la compétitivité des services financiers en Europe”, a déclaré M. Boleat, qui craint un exode “des talents vers nos concurrents sur le marché mondial”.

Lundi, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, avait toutefois déclaré qu’il fallait pouvoir réglementer les salaires fixes des banquiers comme leurs bonus. M. Carney est aussi président du Conseil de stabilité financière (CSF), un organisme de surveillance qui inclut toutes les économies du G20.

Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a retiré le sujet du plafonnement des bonus des banquiers du portefeuille du commissaire chargé des Services financiers. Le Français Michel Barnier, qui occupait ce poste lorsque la directive a été adoptée, a été remplacé par le Britannique Jonathan Hill.