Le plan d’investissements Juncker menacé de faire pschitt ?

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ésident de la Commission européenne Jean-Claude Juncker le 10 septembre 2014 à Bruxelles (Photo : Emmanuel Dunand)

[21/11/2014 17:11:38] Bruxelles (AFP) Pas encore dévoilé, déjà décrié: le plan d’investissements de 300 milliards d’euros, promis par la Commission Juncker, suscite des attentes fortes dans une Europe en pleine stagnation, mais pourrait avoir du mal à convaincre comme nombre de ses prédécesseurs, faute de disposer massivement d’argent frais.

“Ce plan est-il suffisant pour faire la différence ?” Est-ce du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ? Y a-t-il suffisamment d?argent public ?” Les questions sont posées par la Confédération européenne des syndicats (CES) mais résument à elles seules les craintes autour de ce projet.

Sans attendre d’en connaître les grands lignes, le groupe des Libéraux au Parlement européen a demandé un programme plus ambitieux, de 700 milliards d’euros. Les socialistes ont surenchéri en plaidant pour 800 milliards sur six ans, dont 100 milliards venant directement des Etats.

Le “plan Juncker”, qui sera dévoilé mercredi au Parlement européen, doit composer avec plusieurs paramètres: ne pas créer de dette supplémentaire pour les Etats, trouver le bon équilibre entre argent public et privé, être suffisamment attractif pour attirer les investisseurs tout en évaluant intelligemment les risques.

Il faut des “investissements privés autant que possible, des investissements publics si nécessaire”, estime Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques. Une formule qui masque le débat politique en Europe où l’Allemagne ne souhaite pas puiser dans ses marges budgétaires pour investir, malgré les appels lancés par certains de ses voisins, en premier lieu la France.

Dans ce contexte, le ministre français de l’Economie, Emmanuel Macron, a dit craindre au final un plan d’investissements “décevant”. Paris espère un apport d’argent frais de 60 à 80 milliards d’euros, alors que les chiffres circulant évoquent plutôt 30 milliards, mêlant réallocation de fonds déjà existants et une contribution a minima des Etats, dont probablement les 10 milliards d’euros d’investissements promis par l’Allemagne.

“La crainte est qu’une somme de 30 milliards d’euros soit trop faible pour attirer des investisseurs privés”, estime Alan Lemangnen, de Natixis. Le “risque est de faire encore une fois trop peu” après des expériences comme celle du pacte de croissance de 120 milliards d’euros lancé en 2012, qui a rapidement montré ses limites.

– Prudence –

Selon les informations de presse, une des idées sur la table est de créer des fonds d’investissement sous l’égide de la Banque européenne d’investissement (BEI), le bras financier de l’UE, pour lever de l’argent auprès d’investisseurs privés via un effet de levier.

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éen aux Affaires économiques, à Bruxelles le 5 novembre 2014 (Photo : John Thys)

Si la structure est jugée innovante grâce à des profils de risque différents selon les fonds, l’effet de levier attendu, qui multiplierait la mise de départ par au moins 10, est jugé difficile à mettre en oeuvre, par de nombreux observateurs.

“Les dirigeants européens devraient être prudents dans leurs attentes en matière d’effet de levier” car cela pourrait susciter un certain scepticisme du côté des investisseurs, estime Reinhard Cluse, économiste à la banque UBS.

“Ca va être compliqué même si les chiffres avancés ne sont pas du tout aberrants”, tempère Frederik Ducrozet de Crédit Agricole CIB, qui craint plutôt pour la mise en oeuvre du plan.

“Ce qui compte, ce sont les initiatives, le calendrier et l’utilisation des fonds mais quoi qu’il arrive, c’est un projet à 3 ou 5 ans dans le meilleur des cas”, souligne-t-il, éloignant tout effet immédiat sur la croissance et sur l’emploi, les deux priorités affichées de ce plan.

Mais, selon lui, les retombées peuvent être considérables “si les projets sont bien ciblés” et si l’argent est “bien dépensé” par exemple au profit des PME en Europe du Sud, dans des pays où le crédit bancaire est à l’arrêt.

Il ne faut pas s’attendre à “une solution rapide à la faiblesse actuelle de l’économie” même si l’approche plus risquée pourrait faire de ce plan un succès limité mais bienvenu”, renchérit son confrère d’UBS.