înement au Stade de France de Saint-Denis, près de Paris, le 21 novembre 2014 (Photo : Thomas Samson) |
[22/11/2014 10:01:23] Paris (AFP) Alors que le XV tricolore achève ce samedi sa tournée d’automne au Stade de France, la Fédération française de rugby (FFR) continue de travailler à son projet de Grand Stade dans l’Essonne malgré les questionnements sur son utilité et les incertitudes sur son financement.
Liée jusqu’en 2017 au Stade de France par une convention, la FFR s’estime lésée par un contrat qui a déjà occasionné, selon elle, un préjudice de plus de 160 millions d’euros. En juin 2013, elle a même assigné en justice le Consortium du Stade de France, détenu par Vinci (67%) et Bouygues (33%), pour tenter d’obtenir réparation.
Annulation du match France-Irlande pour cause de pelouse gelée ou délocalisation de la finale du Top 14 à Barcelone du fait, notamment, de l’Euro 2016 de football au Stade de France, sont autant de raisons qui poussent le monde du rugby à vouloir se doter de sa propre enceinte.
Avec ses 82.000 places, son toit rétractable et sa pelouse amovible, l’ouvrage, dont le coût est évalué à 600 millions d’euros, serait l’un des plus grands stades d’Europe, devant le Stade de France.
Porté par les collectivités locales, dont la communauté d’agglomération Evry Centre Essonne que Manuel Valls a présidée, le projet a déjà franchi plusieurs étapes depuis son lancement il y a deux ans : désignation des architectes, rachat du terrain à Ris-Orangis, débat public, et, depuis une semaine, choix du constructeur, le groupement Ibelys emmené par le belge Besix.
Viendront ensuite l’officialisation de la désignation du cabinet AUC-Djamel Klouche pour aménager les alentours du stade (133 ha), la révision du plan local d’urbanisme, la demande de permis de construire et l’enquête publique. Au total, la livraison de l’ouvrage, initialement prévue pour 2017-2018, ne devrait pas intervenir avant 2021, a indiqué à l’AFP René Jordens, directeur commercial de Besix.
Selon Stéphane Raffalli, le maire PS de Ris-Orangis, “il n’y a de toute façon pas d’obligation de calendrier comme ce fut le cas du Stade de France avec la Coupe du monde de football de 1998, si ce n’est l’horizon 2023 avec la Coupe du monde de rugby que la FFR souhaite organiser”.
– De nombreuses interrogations –
Malgré la volonté de la FFR et des collectivités de faire aboutir le projet, beaucoup d’incertitudes subsistent néanmoins.
Alors que le nombre de matches susceptibles de pouvoir drainer 82.000 personnes se limite actuellement, de l’avis d’un spécialiste, à six ou sept par an, la FFR escompte remplir son enceinte 11 fois chaque année grâce au rugby.
érence de presse à Marcoussis le 12 septembre 2014 (Photo : Franck Fife) |
Le dernier test-match France-Australie, très attendu, n’a pourtant pas complètement rempli le Stade de France, même à proximité de Paris, avec 70.000 entrées. A la FFR, on souligne qu’il ne faut pas compter en nombre de matches, “car certains sont plus rentables que d’autres”.
La localisation à 25 km de Paris, qui nécessite des centaines de millions d’investissements en transports, et le financement du projet, restent pourtant deux gros points faibles.
Alors que l’Etat diminuera ses dotations aux collectivités de 11 milliards d’euros d’ici à 2017 et que le financement de l’accès au stade ne figure pas dans le dernier plan voté jeudi par la région, le Grand Stade peut difficilement espérer voir le jour sans raccordement efficace au réseau.
“Faute d’enveloppe pour les transports, le stade sera déficitaire”, confirme le maire de Fleury-Mérogis David Derrouet.
Concernant les financements, la FFR assure en avoir “sécurisé les deux tiers” grâce à un emprunt bancaire de 450 millions d’euros garanti par le Conseil général.
Le reste proviendrait de ses fonds propres pris sur sa trésorerie et sur un système d’emprunts obligataires (debentures) permettant aux particuliers d’obtenir des places en priorité pour les matches. Mais les +debentures+ n’ont pas prouvé leur efficacité lors d’un test réalisé en mars. Parmi les autres leviers, la FFR dit réfléchir à “un partenariat financier minoritaire”.
Pour Julien Bayou, conseiller régional d’Ile-de-France, le projet “est assez proche d’un modèle à la Sivens (le barrage controversé du sud-ouest, ndlr) ou à la tour Triangle”. “Il y a un problème sur l’opportunité du projet, qui va accroître le déficit du Stade de France”, souligne à l’AFP l’élu EELV. Le Stade de France pourrait d’ailleurs faire capoter le projet en renégociant à la baisse ses tarifs de mise à disposition.
Jacques Archimbaud, qui a présidé le débat public, questionne également la validité du modèle financier du projet, même s’il identifie plutôt sa faiblesse dans “la fragilité de la gouvernance interne de la FFR”, à savoir la continuité à sa tête de Pierre Camou et Serge Blanco, les principaux défenseurs du Grand Stade.