Indonésie : la lutte contre la pauvreté à l’épreuvre de l’inflation

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ésienne Jakarta le 21 novembre 2014 (Photo : Bay Ismoyo)

[23/11/2014 11:44:18] Jakarta (AFP) Le nouveau président indonésien a fait de la lutte contre la pauvreté la priorité de son mandat: tout juste investi, Joko Widodo a pourtant porté un premier coup de canif dans ses promesses en annonçant une hausse de 30% du prix de l’essence.

Cette mesure est perçue par les économistes comme un mal nécessaire pour alimenter les caisses de l’Etat et réaliser des investissements dans les infrastructures dont manque cruellement l’archipel indonésien. Il s’agit aussi de redonner du tonus à une croissance qui a ralenti au troisième trimestre à un plus bas depuis cinq ans, à 5,01%.

Mais pour les plus modestes, c’est une charge supplémentaire insupportable.

Dans un vieux cimetière de Jakarta, de misérables cahutes se dressent entre les tombes. Pauvres d’entre les millions de pauvres que compte la première économie d’Asie du Sud-Est, plusieurs familles vivent ici — il faudrait dire “survivent”.

Enur, sa femme enceinte et leurs deux enfants sont de ceux-là. Enur (comme nombre d’Indonésiens, il ne porte qu’un nom) conduit un engin de chantier et vend des beignets frits. Il gagne en moyenne 50.000 roupies par jour, l’équivalent de trois euros.

Il ne voit d’autre alternative que d’emprunter encore pour faire face à l’inflation.

“Quelle économie je peux faire? Est-ce que je dois réduire de moitié notre ration de riz quotidienne? Mes enfants pleureraient de faim”, se lamente-t-il.

Ses voisins du cimetière sont tout aussi incapables d’encaisser le choc. La hausse des prix de l’essence va tirer les autres prix vers le haut, en particulier les prix alimentaires, à cause de l’augmentation des coûts du transport.

– Une potion amère –

Environ 100 millions d’Indonésiens, sur 250, n’ont pas bénéficié de la vigueur de l’économie ces dix dernières années, et vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

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ésiens viennent percevoir une aide du gouvernement dans un bureau de poste à Jakarta le 21 novembre 2014 (Photo : Bay Ismoyo)

Le coefficient de Gini mesurant le degré d’inégalité dans la distribution des revenus est passé de 31% en 2001 à 41% en 2012, une évolution parmi les plus marquées d’Asie, selon la Banque mondiale.

Les écarts sont les plus criants dans la capitale Jakarta, une métropole effervescente où les voitures de sport partagent le bitume avec des charrette en bois poussées par des ombres qui collectent le moindre immondice dans l’espoir de le revendre pour recyclage.

Les prix de l’essence subventionnés, parmi les moins chers du monde, profitaient surtout aux mieux lotis, propriétaires de motos ou de voitures. Ce ne sont toutefois pas eux qui seront les plus affectés par la hausse.

Le gouvernement prévoit une inflation d’environ 2% dans les semaines à venir, beaucoup plus pour les Indonésiens qui vivent loin des centres urbains et paieront, in fine, le renchérissement du transport.

“C’est une potion amère mais indispensable”, plaide Asep Suryahadi, directeur d’un centre de recherche spécialisé dans l’étude de la pauvreté, le SMERU.

Le président Widodo affirme que les bénéfices indirects de la réforme iront aux plus pauvres, sous la forme de programmes d’aide aux agriculteurs et aux pêcheurs. Le gouvernement a par ailleurs distribué des coupons donnant notamment droit à une aide financière ponctuelle pour amortir les effets de la hausse des prix du carburant.

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é de 30% (Photo : Romeo Gacad)

“C’est une réponse de court terme à un problème de long terme”, critique Sonny Harmadi, économique à l’institut de démographie de l’Université d’Indonésie.

Enur, lui, espère que le gouvernement créera des emplois, ou y aidera.

“Donnez-nous du travail, une petite échoppe pour faire des choses simples comme de tailler des chemises, coudre des boutons, et une maison à côté”, implore-t-il.