La justice a récemment annoncé son verdict dans l’affaire du trafic au port de Radès (jeudi 19 novembre tard dans la nuit). La 3ème chambre criminelle de Tunis a condamné quelque 23 accusés dont des cadres de la douane à des peines allant de quatre ans environ (trois ans et 8 mois) à 6 ans de prison, outre une amende pour tous les impliqués d’un montant de 3 millions de dinars.
Sur les 23 accusés, seuls 16 se sont présentés. Les 7 restants sont en fuite. Les impliqués dans cette affaire de détournement de biens sont des fonctionnaires de la Douane, des agents de la Société tunisienne d’acconage et de manutention (STAM), un employé de la CNAM et un agent transitaire.
Pour mémoire, le pot-aux-roses a été découvert le 3 février 2012. Selon une information parvenue aux agents de la brigade des recherches et d’investigations relevant de la direction de la douane, un engin (tracks) transportant des moteurs utilisés de voitures avait disparu du port. La marchandise appartenait à un travailleur tunisien à l’étranger. Ce dernier comptait introduire en toute légalité ces moteurs en Tunisie. Il avait obtenu, à cette fin, toutes les autorisations nécessaires et légales pour mener à terme la transaction. Les moteurs étaient stockés dans les entrepôts de la douane, le temps de compléter les formalités d’admission.
Les investigations
Sur la base de cette alerte, la brigade a multiplié les contrôles au cours desquels elle s’est rendu compte qu’un deuxième engin a également disparu et transportant également un autre lot de moteurs utilisés. Au total, 36 moteurs de voiture et 19 pare-chocs ont été volés.
Premier constat à partir duquel la brigade a mené son enquête: un vol de cette dimension (deux tracks) n’aurait jamais pu avoir lieu s’il n’y avait pas des complices à l’intérieur du port.
Parallèlement, des recherches sont entreprises dans tout le pays pour essayer de trouver les engins. La chance était heureusement au rendez-vous : un des engins a été repéré dans la zone agricole de Mornag.
La récupération de l’engin ne s’est pas faite sans problèmes. Les douaniers chargés de reprendre l’engin et de l’acheminer au port de Radès, les voleurs de l’engin, se sont manifestés et ont tenté d’empêcher l’opération de récupération en usant de tous les moyens (bombes asphyxiantes….). Le pire a été évité et l’engin a été restitué.
Quant au deuxième engin, il a été retrouvé près du domicile d’un des membres de cette bande.
Moralité: toute la marchandise a été récupérée et les personnes impliquées ont été arrêtées, et ce du simple gardien du magasin jusqu’au contrôleur de sortie du port en passant par les différents livreurs d’acquittement des taxes douanières et les hauts fonctionnaires qui ont fermé les yeux.
Portée du verdict
A priori, ce verdict ne manque pas d’enjeux. Il constitue une avancée majeure dans la lutte contre la corruption et contre la mauvaise gestion qui sévissent, depuis des décennies, dans le port commercial de Radès et dans le corps de la douane, retenu comme une des niches les plus exposées à la corruption et à tous les abus. Il vient confirmer que la justice commence à s’affirmer comme une institution républicaine indépendante.
La redevabilité doit désormais être la règle pour tous, particulièrement pour les douaniers dont certains corrompus ont vécu, jusque-là, dans l’impunité totale.
Cela pour dire que ce verdict, même s’il n’est pas assez sévère, tombe à point nommé aux fins de moraliser le corps de la douane et attirer encore une fois l’attention sur la gabegie qui règne au port de Radès lequel assure presque 80% de nos échanges avec l’extérieur.