Des membres du journal la Marseillaise devant le Palais de justice de Marseille le 24 novembre 2014 (Photo : Anne-Christine Poujoulat) |
[24/11/2014 17:25:02] Marseille (AFP) Fondée dans la clandestinité par la Résistance en 1943, la Marseillaise, qui souffle cette année ses 70 bougies et devrait être placée en mardi en redressement judiciaire, lutte pour sa survie de journal d’opinion engagé dans les luttes sociales et politiques.
Confrontée à une perte de 1,5 million d’euros en 2014, la Marseillaise vient de se déclarer en cessation de paiement. La direction du journal, qui a déposé le bilan, a plaidé lundi, lors d’une audience devant le tribunal de commerce, pour son placement en redressement judiciaire qui devrait être officialisé dans le jugement attendu mardi.
“La Marseillaise est victime de la crise qui affecte la presse papier”, a déclaré à l’AFP son PDG, Jean-Louis Bousquet. En cause, selon lui, la nette baisse des aides de l?État aux collectivités locales et, en conséquence, une diminution importante des appels d’offres et de recettes publicitaires. Le quotidien qui cherche désormais à “se recapitaliser” essayera de “se moderniser” en se tournant notamment vers le multimédia, prévoit M. Bousquet.
Le journal sera toutefois contraint de réduire ses effectifs. “Nous le ferons de la manière la moins douloureuse possible en limitant au maximum le nombre de départs”, promet M. Bousquet sans avancer de chiffres.
– Diffusé dans six départements –
La CGT pronostique un plan social touchant quelque 70 personnes. Pour Jean-Marie Dinh, délégué SNJ-CGT “il faut maintenant que la direction présente un projet à moyen terme. On veut y être associé”.
Lundi, alors que le tribunal de commerce étudiait la demande de redressement, une centaine de personnes se sont rassemblées en signe de soutien: salariés, marins CGT de la SNCM, militants du parti communiste et lecteurs.
Une femme tient un exemplaire de la Marseillaise devant la Palais de justice de Marseille le 24 novembre 2014 (Photo : Anne-Christine Poujoulat) |
Lecteur “assidu” du journal depuis 37 ans, Michel Lavandier, qui participerait volontiers à une souscription pour le sauver, est venu soutenir “le seul journal qui informe de manière nette et précise sur les problèmes sociaux et le grèves”.
Pour Jean-Marc Coppola, vice-président (PCF) du conseil régional Paca, les difficultés financières de la Marseillaise témoignent de “l’absence de soutien de l?État pour faire vivre le pluralisme de la presse”, car “ce ne sont pas les collectivités locales qui peuvent lui venir en aide”, selon lui.
Au moment même où la Marseillaise voit son avenir compromis avec un dépôt de bilan, une exposition retrace, à Marseille, pour les 70 ans de sa parution légale, les heures fastes du journal au travers notamment des “unes” du journal clandestin.
Le premier numéro de la Marseillaise, “organe du Front national de lutte pour la libération de la France”, un mensuel à la publication irrégulière, était sorti sous le manteau, le 1er décembre 1943, tiré à 5.000 exemplaires pour, selon le journal “regrouper les patriotes, transmettre les vraies nouvelles”.
Un an plus tard, à la libération de la cité phocéenne, en août 1944, “la Marseillaise de la victoire” était vendue à la criée sur le Vieux-Port, à deux pas de l’immeuble qui abrite toujours la rédaction et l’imprimerie.
Étroitement lié au parti communiste jusqu’en 1967, puis à l’ensemble de la gauche, deuxième quotidien marseillais avec la Provence, la Marseillaise est diffusée dans six départements de la région.
Le journal de gauche la Marseillaise sur les rotatives le 17 novembre 2014 (Photo : Boris Horvat) |
“Le grand problème du journal a toujours été de trouver des moyens de survie”, se souvient Marcel Thomazeau, ancien directeur administratif (1967-1984) évoquant ses “batailles” pour trouver des recettes publicitaires.
Communiste pur et dur à ses débuts, la Marseillaise avait ouvert sa ligne éditoriale à la fin des années 90 mais en revendiquant toujours son statut de journal d’opinion de gauche, engagé aux côtés de la classe ouvrière et dans les guerres de décolonisation. Soutenu par aucun groupe de presse, le quotidien marseillais a déjà connu plusieurs crises. Pour surmonter la dernière, M. Thomazeau se veut optimiste, comptant notamment sur le soutien des collectivités et un lectorat qui n’a selon lui jamais fait défaut. “Les forces politiques ont-elles intérêt à ce qu’il n’y ait plus qu’un seul journal, celui de Bernard Tapie (La Provence, ndlr)?”, interroge-t-il.