Hélas, il y a péril en la demeure. Le risque est réel. La Troïka pourrait revenir à la faveur des manœuvres d’Ennahdha. La tactique de ce parti est désormais claire. En dopant et en boostant, de manière criarde, les chances du «faux candidat indépendant», Marzouki, qui vient de passer au 2ème tour de la présidentielle avec le score confortable de 33,4% alors qu’il racolait il y a 8 mois dans les sondages (2%), le parti du gourou Ghannouchi a prouvé qu’il n’entend nullement quitter le pouvoir et qu’il œuvre à s’y accrocher par tous les moyens.
Le sinistre scénario à craindre serait, dans sa première partie, que Marzouki passe au 2ème tour et s’allie, naturellement, au parti Ennahdha qui détient 69 sièges au Parlement, tandis que la deuxième partie du scénario serait que ce tandem s’emploie à achever le sale travail de déstructuration du pays qu’il avait commencé au temps de la Troïka. Quel Cauchemar!
La question qui se pose dès lors est: comment ce duo a manigancé pour parvenir à cette performance?
Ennahdha booste la candidature de Marzouki
Il y a eu, d’abord, cette décision du parti Ennahdha de ne soutenir –officiellement- aucun candidat à l’élection présidentielle. Mais nous le savons aujourd’hui, cette décision était une simple manœuvre, voire une simple diversion. Elle était destinée à brouiller les cartes et éparpiller les voix au grand détriment de Béji Caïd Essebsi.
Connaissant bien la duplicité des nahdhaouis et leur double langage, les Tunisiens avertis savaient dès le départ qu’une telle décision ne servait que «le candidat otage» des nahdhaouis, en l’occurrence Marzouki dont la candidature était, en plus, au goût du sponsor déstabilisateur, l’Etat de Qatar.
Car, sans le soutien de la masse électorale du parti Ennahdha (une armée de plus d’un million de personnes portant des œillères), sans un appui financier occulte et sans l’apport logistique de l’institution de la présidence (écoute téléphonique, sondages, équipements divers…), le candidat Marzouki, dont le parti, le Congrès pour le République (CPR) vient d’essuyer un sérieux revers lors des récentes législatives, n’aurait jamais pu passer au 2ème tour avec 1,1 million de voix environ.
Pour preuve, selon le sondage de sortie des urnes réalisé par Emrhod, et dont les détails ont été rendus publics, 71% des votants pour le président sortant, Moncef Marzouki, sont des sympathisants d’Ennahdha.
En effet, à la question “pour qui avez-vous voté lors des législatives?”, 71% des personnes qui ont déclaré avoir voté pour Marzouki à la présidentielle ont coché la case d’Ennahdha lors des législatives, selon ce sondage.
Commentant le bon score de Marzouki sur les ondes d’une radio française (RMC), son concurrent direct, Béji Caïd Essebsi, a indiqué que «Moncef Marzouki est à la solde des islamistes: il n’a jamais dépassé les 10% des intentions de vote alors que, maintenant, il est à plus de 33% de voix. Je ne sais comment il aurait pu les inventer s’il n’avait pas tout ce monde derrière lui», a-t-il-dit.
Le discours apostasiant était un leurre
Il y a eu, ensuite, la campagne électorale de Marzouki qui s’était employée à faire plaisir à toutes les sensibilités islamistes. Pour ce faire, il a usé et abusé de la machine électorale d’Ennahdha.
Cet anti-président par excellence au temps de la Troïka était tellement assuré de la loyauté des troupes d’Ennahdha pour passer au 2ème tour qu’il s’était permis le luxe de tenir un discours scissionniste et revanchard, une littérature très chère à l’électorat nahdhaoui.
Est-ce nécessaire de rappeler que Marzouki avait eu la témérité imprudente de qualifier, à Kairouan, lors d’un meeting, ses concurrents de “taghout“, un terme utilisé par les jihadistes pour accuser leurs opposants de mécréants et justifier leur assassinat.
Pis encore, à M’saken, il était heureux de s’afficher avec le prédicateur salafiste wahhabite, Béchir Ben Hassen, un habitué du Palais présidentiel de Carthage, réputé pour ses prêches appelant au Djihad, en Syrie et ailleurs, et incitant à la violence contre tous ceux qui ne soutiennent pas les islamistes.
Et la liste des provocations délibérées est loin d’être finie.
Conséquence: Marzouki était le plus simplement du monde le candidat du parti nahdhaoui et de ses dérivés: les salafistes de tous bords (Hezb Ettahrir, les barbouzes appelés chastement militants des ligues dissoutes de protection de la révolution, et le reste des sensibilités d’obédience islamiste).
Sa stratégie électorale a induit en erreur tous les stratèges politiques du pays. Car, logiquement au regard de la campagne agressive et suicidaire qu’il avait menée, il était donné perdant. Mais c’était sans compter sur la machine électorale d’Ennahdha.
Ennahdha est-elle en définitive une secte?
Au-delà de cette montée vertigineuse et illogique du candidat Marzouki, c’est l’instrumentalisation qu’Ennahdha fait de ses troupes. Cette instrumentalisation suscite, le moins qu’on puisse dire, inquiétude, angoisse et effroi.
Les stratèges de la sécurité nationale, tout autant que les sociologues et anthropologues ont tout intérêt à se pencher sur ce dossier, et ce pour une simple raison. Les adhérents d’Ennahdha ne se comportent pas comme des citoyens de sensibilités différentes évoluant au sein d’un même courant politique mais comme les membres d’une secte, c’est-à-dire une communauté disciplinée partageant la même religion et prête à appliquer les ordres du gourou. Cette discipline de vote donne franchement à réfléchir sur la nature et les véritables desseins de ce courant religieux.
Cela pour répéter encore une fois que le salut de la Tunisie et la garantie de sa pérennité de l’Etat ne sont pas tributaires seulement de la consécration de la démocratie, du pluralisme et de l’alternance, mais surtout de la séparation effective et définitive de l’Etat et de la religion.
Pour revenir au 2ème tour de la présidentielle, l’enjeu est donc d’opter soit pour un projet de société rétrograde renfermé sur lui-même et bannissant l’autre (celui véhiculé par Marzouki et ses employeurs), soit pour un autre projet moderniste (celui de BCE) lequel permet à tous les Tunisiens de coexister ensemble dans un Etat de droit et des institutions.