éleveurs français (Photo : Jean-Sebastien Evrard) |
[26/11/2014 17:38:01] Paris (AFP) Dans le monde des éleveurs laitiers, il y a ceux qui pensent que la fin des quotas en avril prochain est une opportunité; et ceux qui craignent le pire. Mais tous attendent beaucoup de Bruxelles, avec un embargo russe qui a compliqué la donne.
Mercredi, deux des trois principales organisations laitières ont mis le sujet à leur menu. D’abord la Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire qui défend bec et ongle les petits paysans et qui tenait une conférence de presse pour faire part de ses inquiétudes.
Les quotas laitiers européens avaient été mis en place en 1984 pour maitriser les excédents. Depuis 2008, ils ont été augmentés de 1% tous les ans pour préparer le secteur à l’après-quotas.
Mais les éleveurs estiment qu’on ne peut pas passer d’un système totalement régulé au robinet ouvert, sans aucun garde-fou.
– Vers une nouvelle crise du lait ? –
Car si le marché était porteur jusqu’à peu, l’embargo russe sur les produits alimentaires, décidé sur fond de conflit ukrainien, est venu rappeler que le marché du lait n’était pas un long fleuve tranquille.
Les cours, qui avaient commencé à baisser depuis le début de l’année face à une offre abondante partout dans le monde, ont dévissé davantage après cet embargo qui a saturé le marché.
La preuve, selon les éleveurs français, qu’il faut des mécanismes pour continuer de réguler le marché. Et ils demandent au ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll de défendre leur message à Bruxelles.
La Fédération national des producteurs de lait (FNPL), branche de la puissante FNSEA, demande à Bruxelles la mise en place d’un mécanisme de gestion de crise.
La Confédération paysanne, elle, va plus loin et souhaite “un outil de prévention, de gestion dynamique de la production (…)”. “Quand un industriel annonce une baisse de prix, il faut inciter les producteurs à produire moins par un système de pénalités”, explique Yves Sauvaget, de la commission lait du syndicat agricole minoritaire et éleveur dans la Manche.
éleveurs français (Photo : Jean-Sebastien Evrard) |
Car le syndicat craint une crise “pire” que celle de 2009, surtout si le prix du lait passe sous la barre des 300 euros/1.000 litres (contre 365 euros en moyenne en 2014), “une barre psychologique et économique” pour les éleveurs qui ont beaucoup investi pour la fin des quotas et qui ont des emprunts sur le dos, craint Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne.
Un avis que partage d’ailleurs l’European Milk Board (EMB), association qui revendique 100.000 membres dans 14 pays européens. Son président l’Allemand Romuald Schaber, a estimé il y a quelques jours qu’un prix du lait très bas en avril était “tout à fait imaginable”.
– Un pacte laitier et un logo –
Sur ce sujet, la FNPL se veut plus rassurante: les fondamentaux restent porteurs, la demande en produits laitiers des pays émergents ne cesse de croître.
Et surtout, “ce n’est pas aux éleveurs de payer l’embargo”, insiste Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, interrogé par l’AFP.
La FNPL continue d’ailleurs de penser que la fin des quotas représente une opportunité. Mais que, pour la saisir, il faut “changer de logiciel”.
Raison pour laquelle l’organisation professionnelle a signé mercredi, en présence de Stéphane Le Foll, un “pacte laitier” noué avec les pouvoirs publics, Crédit Agricole, Groupama et le fonds d?assurance formation Vivéa.
Le gouvernement s’engage à mettre en place un observatoire des volumes piloté par FranceAgrimer. La FNPL demande d’ailleurs un même observatoire au niveau européen qui aille plus loin que l’actuel lancé par Bruxelles.
Et les autres partenaires vont aider concrètement les éleveurs à passer ce cap des quotas et à investir en ce sens.
D’autre part, avec les industriels du lait de consommation liquide (Syndilait), ils lancent le logo “Lait de France”, initiative à la mode après les logos Viandes de France et Fleurs de France.
Le monde de l’élevage bouillonne et tente de se préparer tant bien que mal à cette sortie des quotas alors qu’à Bruxelles, le nouveau Commissaire à l’Agriculture Phil Hogan s’installe et ne s’est toujours pas exprimé sur le sujet.