érieure de la Banque de France le 29 janvier 2013 à Paris (Photo : Lionel Bonaventure) |
[27/11/2014 08:56:08] La Courneuve (AFP) Un Fort Knox au milieu de la Seine-Saint-Denis: la Banque de France va construire à la Courneuve le plus grand centre de traitement de billets de banque d’Europe, dans un bâtiment ultra-sécurisé où transiteront 1,5 milliard de billets par an.
Fossés infranchissables, talus et herses perforantes… Le bâtiment, dont le permis de construire doit être délivré sous peu, se doit d’être imprenable. C’est ici qu’à partir de 2018 seront décomptés, vérifiés et remis en état l’ensemble des billets de banque en circulation en région parisienne.
Il s’agira d’un site “stratégique”, insiste Thierry Para, directeur du projet Nouveaux centres fiduciaires à la Banque de France. “Ce sera le plus grand centre fiduciaire d’Europe, au coude-à-coude avec deux autres centres construits par la Bundesbank à Dortmund.”
La forteresse, baptisée “pôle fiduciaire francilien”, traitera 25% des billets utilisés en France. Soit pas moins de 1,5 milliard de coupures par an, de 5 à 500 euros. Elle remplacera les cinq sites de région parisienne où sont aujourd’hui traités les billets, dont le siège historique de la Banque de France, au Palais Royal à Paris.
Cet hôtel particulier du XVIIe siècle, où l’argent est trié dans des bureaux donnant sur un jardin privé, est aujourd’hui “totalement inadapté à un process industriel”, souligne Thierry Para.
A La Courneuve, une véritable “usine de recyclage de billets” sera édifiée, au pied de l’A86 et du RER B. Des robots y prendront en charge automatiquement les palettes de billets.
– “bunker” sur la friche “Babcock” –
L’institution financière, qui reste marquée par l’unique casse d’envergure jamais tenté contre ses bâtiments, en 1992 à Toulon, a investi 100 millions d’euros dans l’édifice et entend ne rien laisser au hasard côté sécurité.
Le pôle fiduciaire, ceinturé de capteurs, pourra résister à l’attaque d’un hélicoptère ou bien d’un char d’assaut. La plupart des murs seront doublés et les matériaux employés suivent les préconisations de résistance les plus élevées, édictées par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Le choix du site lui-même est stratégique: l’Etat exigeait que la Banque de France s’installe suffisamment près de Paris pour pouvoir envoyer rapidement des policiers depuis la capitale, avec renfort des forces spéciales, à portée d’autoroute, en cas de coup dur.
La réorganisation, enfin, va permettre de “réduire le flux” des transporteurs de fonds dans Paris intra-muros. La Brink’s et Loomis, principaux acteurs du secteur, sont à moins de 10 kilomètres du bâtiment, implanté sur la friche “Babcock”, du nom du fabricant de chaudières qui y avait installé une usine.
– des salariés réticents –
Pour les employés de la Banque de France, en revanche, “les temps de transport vont être clairement rallongés”, déplore Denis Durand, délégué CGT, pour qui beaucoup de salariés iront à La Courneuve “à reculons”.
à Paris (Photo : Miguel Medina) |
“L’objectif de ce regroupement, c’est de faire des économies, en supprimant des emplois”, dénonce le responsable syndical, qui craint avoir à travailler dans “un bunker (…) aseptisé et déshumanisé”.
Consciente des résistances, la Banque de France s’est payée un architecte prestigieux, Jean-Paul Viguier, qui promet un bâtiment certes ultra-sécurisé mais “beau à voir”. La construction sera “toute blanche, recouverte d’un treillis perforé métallique”, et doit devenir “un élément marquant dans le paysage urbain de la Courneuve”, décrit-t-il.
De quoi convaincre les plus réticents? “Il a fallu faire adhérer les salariés au projet”, car “l’image qu’avaient certains” de la Seine-Saint-Denis “ne correspondait pas à la réalité”, concède Thierry Para.
Une situation à laquelle sont souvent confrontées les grandes entreprises et administrations, de plus en plus nombreuses à s’installer dans le “neuf-trois”.
L’expérience de ces prédécesseurs montre que “les craintes disparaissent vite”, se rassure M. Para. “Sur le plan des symboles, même un bon scénariste ne trouverait pas mieux qu’un départ du Palais-Royal pour La Courneuve”.