Trois institutions ont publié, ces jours-ci, des statistiques sur le déficit commercial perçu, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, comme le talon d’Achille de l’économie du pays. Il s’agit de l’Institut national de la statistique (INS), du ministère du Commerce et de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Les trois communiqués, qui se distinguent par leur prosaïsme, n’apportent aucune valeur informative nouvelle. Au contraire, ils ont tendance à continuer, comme au temps de Ben Ali, à maquiller la réalité économique au pays.
D’abord que disent ces communiqués.
Pour le «très sérieux» INS, le déficit commercial de la Tunisie s’est accentué, de janvier à octobre 2014. Il se chiffre à 11,78 milliards de dinars, contre environ 9,9 milliards de dinars au cours de la même période de 2013. L’institut explique, en termes vagues et rébarbatifs, cette augmentation par la régression de la couverture des importations par les exportations de 3,4 points pour atteindre 69,8%.
Toujours selon l’INS, la progression de 7,2% des importations résulte de la hausse des achats de plusieurs secteurs dont l’énergie (+15,2%), les articles d’équipement (+7,1%), les matières premières et semi-produits (+6,5%), les produits de consommation non alimentaires (+5,7%) et les matières premières et phosphatées (+4,3%).
La progression de 7,2% des importations résulte de la hausse des achats de plusieurs secteurs dont l’énergie (+15,2%), les articles d’équipement (+7,1%), les matières premières et semi-produits (+6,5%), les produits de consommation non alimentaires (+5,7%) et les matières premières et phosphatées (+4,3%).
De toute cette littérature, retenons deux choses: l’usage abusif des pourcentages et l’accent mis sur le poste “énergie“ qui serait, en grande partie, à l’origine du déficit commercial (+15,2%).
Le déficit atteindrait 14 milliards de dinars d’ici fin 2014
La deuxième institution qui s’est prononcée sur ce déficit n’est autre que le ministère du Commerce. Interviewée par une radio privée, le 13 novembre 2014, la ministre, Najla Harrouche, a déclaré que «la raison principale ayant creusé le déficit commercial est la subvention allouée à l’énergie laquelle représente près de 27% du montant total des subventions».
Alarmiste, tout comme le reste des membres du gouvernement sinistrose de Mehdi Jomaa, elle a tenu à ajouter que «le déficit commercial pourrait atteindre, d’ici la fin de l’année 2014, le seuil des 14 milliards de dinars», soit plus de la moitié du budget de l’Etat.
Pour y remédier, elle a rappelé qu’un conseil ministériel avait décidé un train de mesures visant la réduction du déficit commercial, à l’instar du contrôle préliminaire d’une liste de produits alimentaires importés et les produits n’étant pas de première nécessité (début novembre 2014).
Empressons-nous de relever que ces mesures ne sont intéressantes que par leur timing. Elles interviennent à la fin du mandat de ce gouvernement des technocrates, alors que logiquement elles auraient dû être prises au moins au mois d’avril 2014.
La BCT plus rassurante
Quatre jours après cette déclaration et sentant apparemment que la révélation alarmiste de la ministre du commerce risque de donner une mauvaise impression sur le rendement des structures en charge de ce dossier, la BCT décide de publier un long communiqué plus rassurant certes mais moins convaincant sur le déficit commercial.
Selon la BCT, “la balance commerciale de la Tunisie pourrait –bien pourrait- connaître une amélioration notable lors du reste de l’année en cours et probablement au cours de l’année prochaine“.
La BCT fonde ses prévisions sur une éventuelle baisse des prix internationaux du pétrole brut (moins de 90 dollars/baril contre plus de 110 $/baril auparavant), mais également sur l’entrée en production de certains champs pétroliers découverts en 2013…
L’estimation de la BCT est aussi basée sur “une bonne saison attendue d’olive à huile (285.000 tonnes) qui s’ajoute à une bonne saison céréalière (23,4 millions de quintaux), ce qui permettra d’améliorer le niveau du solde de la balance commerciale“.
“L’entrée en vigueur des décisions gouvernementales relatives à la maîtrise du déficit commercial -à savoir la maîtrise des importations, l’encouragement des exportations et de la consommation des produits ayant un similaire fabrique localement (PASF)- favorisera, aussi, l’allègement du déficit commercial“, estime la BCT.
Dans le même cadre, la BCT pense que la confirmation de la reprise de la production du phosphate dans le bassin minier et l’accélération prévue de la croissance dans la zone euro en 2015 sont à même de se répercuter, positivement, sur l’accroissement de la demande aux produits industriels tunisiens, d’où la réduction du déficit commercial.
Un regard averti sur le communiqué de la BCT montre de manière claire que cette institution réputée pour son penchant génétique pour le maquillage des chiffres s’est abstenue, délibérément, d’informer le commun des Tunisiens que le prix du baril a baissé durant les deux derniers mois de 110 dollars à 74 dollars actuellement. La BCT s’est contentée de signaler que le cours du baril a baissé «à moins de 90 dollars» sans préciser combien exactement. La volonté de tromper les Tunisiens est manifeste ici.
Est-il besoin de rappeler ici que chaque fois que le cours mondial du baril baisse d’un dollar, cela se traduit par des recettes supplémentaires pour les caisses de l’Etat tunisien de l’ordre de 20 MDT. Or le prix du baril a connu depuis le mois de mai 2014 un trend baissier, passant de 110 dollars au mois de janvier 2014 -période au cours de laquelle le budget a été calculé- à 74 dollars actuellement, soit 36 dollars de moins. Je vous laisse le soin de calculer les gains générés pour le Trésor public.
Pour combien la Tunisie achète-t-elle son baril de pétrole?
Mieux, la tendance à la baisse du prix du baril va se poursuivre selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’AIE estime que le marché du pétrole est entré dans une nouvelle ère avec le ralentissement de la croissance chinoise et le développement du gaz de schiste aux Etats-Unis, ce qui rend peu probable un retour à des cours élevés.
En dépit de cette baisse du cours du baril, en dépit des bonnes nouvelles de la BCT quant à l’augmentation des exportations et en dépit des assurances de l’AIE quant à la poursuite du trend baissier du prix du baril, le secrétaire général de l’Ordre des experts-comptables, Walid Ben Salah, a révélé, dans une déclaration à un journal de la place, que le gouvernement de Mehdi Jomaa a prévu, dans le cadre de la loi de finances 2015, une augmentation du prix du carburant à hauteur de 100 millimes par litre. Une telle décision ne peut se justifier que par ce scénario.
Ce gouvernement calcule le budget sur la base d’un faux prix du baril. Autrement dit, la Tunisie n’achète pas le baril à 110 dollars mais à un prix plus bas. D’ailleurs, il n’existe aucun document officiel où est publié le prix d’achat du pétrole importé et de vente du pétrole extrait localement. C’est là à mon avis un des plus gros mensonges auxquels ont toujours recouru les gouvernements de ce pays, en l’occurrence le faux et l’usage du faux..