“La Tunisie, qui est devenue le pays de tous les déficits (public, commercial, courant et de liquidités), dispose, aujourd’hui, d’une marge de manoeuvre de plus en plus réduite pour sortir de la crise”, a indiqué, à l’Agence TAP, Mourad Hattab, expert économique, spécialiste des risques financiers.
Commentant le communiqué rendu public jeudi 27 novembre par le Conseil d’Administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) sur la situation de l’économie tunisienne, M. Hattab a relevé «une certaine stagnation des principaux indicateurs, notamment en ce qui concerne le secteur de la production agricole», «un repli au niveau des industries manufacturières» et «un fléchissement de l’activité touristique, aussi bien au niveau des entrées (-1,1%) que des recettes en devises(par rapport à 2010)».
Il a précisé que la BCT a fait état de “l’accroissement du déficit de la balance courante qui a atteint un seuil inquiétant (1,44 milliard de dinars)”, en raison de la régression des investissements nationaux et étrangers, en l’absence d’une visibilité politique ainsi que de “l’aggravation du déficit commercial (près de 12 milliards de dinars, à fin octobre 2014), soit le double du déficit annuel moyen enregistré avant la révolution”.
M. Hattab explique cette situation par la morosité constatée au niveau de l’activité d’exportation, le faible niveau des importations et la chute du cours de dinar par rapport à l’euro et au dollar.
“Cette situation pourrait se répercuter sur les prix à la production et à la consommation. Ainsi, l’inflation se maintiendra à un niveau élevé et engendrera une baisse du pouvoir d’achat et de consommation, ce qui influera sur l’ensemble du cycle économique (production, investissement), mais aussi sur le marché de l’emploi”.
Evoquant les réserves en devises (12;76 milliards de dinars), qui correspondent à 111 jours d’importation, l’expert note que «les avoirs en devises se présentent à un niveau confortable, mais il ne faut pas oublier que ce stock a été constitué par le recours aux crédits et ne traduit pas un dynamisme au niveau du secteur extérieur».
Le service de la dette augmentera de 50%, à partir de 2018
“La Tunisie a obtenu, durant les trois dernières années, des emprunts extérieurs à hauteur de 20 milliards de dinars. L’encours de la dette contractée à l’étranger (environ 35 milliards de dinars) représente le double des recettes extérieures du pays (exportations), et plus de 50% du PIB. Pis encore, le service de la dette augmentera de 50%, à partir de 2018, ce qui pourrait avoir des conséquences très néfastes sur les équilibres budgétaires du pays”, a averti l’expert financier.
Toujours dans le même contexte, il a tiré la sonnette d’alarme quant au risque d’accroissement du surendettement, si le cours du dinar continue à se dégrader et les taux des crédits extérieurs à augmenter.
Pour ce qui est des activités du secteur bancaire, il a fait état de resserrement de la liquidité, dû à l’écart entre l’évolution moyenne des dépôts bancaires et l’accroissement plus soutenu des crédits. Pour cette raison, «il est indispensable de renforcer les assises financières du système bancaire, afin d’assurer les conditions minimales à la relance économique».
Sans stabilité politique, pas d’amélioration de la situation économique
«Tant qu’il n’y a pas de stabilité politique et que le risque terroriste reste élevé, la situation économique ne pourra pas s’améliorer, du moins durant la prochaine période», a-t-il affirmé, soulignant l’impératif de lancer les réformes pour atténuer les répercussions de la crise économique.
“Tout d’abord, il faut redonner confiance à l’investisseur local et étranger, en leur envoyant des signaux rassurants, à travers la mise en place d’un cadre réglementaire adéquat et d’un climat propice aux affaires”.
M. Hattab recommande, aussi, de déployer plus d’efforts pour renforcer les investissements publics, accroître les recettes de l’Etat, notamment en luttant contre l’évasion fiscale et en rationalisant les dépenses publiques.
«L’ensemble de ces actions permettront de réduire le déficit budgétaire, qui représente aujourd’hui 6% du PIB et celui des entreprises publiques (3800 millions de dinars), ce qui sera difficilement supportable pour le budget de l’Etat durant les deux prochaines années», a t-il souligné.