L’Histoire a toujours prouvé que les candidats aux présidentielles qui ont proposé, au 2èmetour, un débat télévisé, ont toujours perdu. La Tunisie, qui vient de connaître sa première élection présidentielle, au suffrage universel, pourrait connaître le même scénario.
Pour mémoire, le président provisoire sortant, Marzouki, s’est précipité, dès l’annonce des premiers résultats du premier tour de la présidentielle, de lancer un défi à son adversaire, Béji Caïd Essebsi, celui de participer à un débat télévisé avant le deuxième tour.
BCE est en droit de refuser le débat télévisé
Seulement, le président de Nidaa Tounès, arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, n’était pas du même avis. Il a, le plus simplement du monde, décliné cette proposition et justifié sa décision par la crainte de voir ce face-à-face s’enliser et prendre l’allure «d’un combat de béliers».
Comme c’était prévisible, la réponse n’a guère plu ni au président sortant ni à ses partisans dont des animateurs de télévision véreux. Ils sont aussitôt montés au front, accusant BCE de «dégonflade», de «dérobade» à ce qu’ils appellent «à la règle démocratique», et surtout, d’incapacité physique dans la mesure où BCE ne peut pas, pour des raisons de santé, tenir un débat de deux heures et plus comme l’avait laissé entendre dans une de ses déclarations Adnene Manser, directeur de la campagne électorale de Marzouki.
Empressons-nous de préciser que BCE était dans son plein droit de refuser ce sinistre duel pour une simple raison: aucune législation ne l’oblige. Le débat entre candidats à la présidentielle, c’est tout juste une tradition qui n’a aucune existence ni dans la Constitution ni dans le Code électoral. Elle est devenue, avec l’usage, le point d’orgue de l’entre-deux tours au fil des scrutins. En France, dont la révolution a été déclenchée, en 1789, le premier débat télévisé entre deux candidats à la présidentielle n’a été tenu qu’en 1974.
Limites du débat télévisé
Empressons-nous également de signaler que le débat télévisé, contrairement à ce qu’on a tendance à le croire, a une portée limitée. En plus clair, le débat télévisé ne fait pas l’élection. Il peut même faire perdre des voix.
Ce débat n’a été décisif que lors de deux élections présidentielles où les candidats avaient des scores très proches. Celles qui ont eu lieu aux Etats-Unis en 1961 et qui ont été remportées par John Kennedy face à Nixon. Celles qui se sont déroulées en 1974 en France entre Mitterrand et Giscard d’Estaing qui a remporté au final les élections. Et celles qui ont opposé, en 1988, en France Jacques Chirac et François Mitterrand sorti vainqueur.
Le refus du débat télévisé n’est pas nouveau
Ce qui est certain c’est que jusque-là, l’Histoire a prouvé que tous les candidats qui sollicitent un débat télévisé sortent perdants.
A titre indicatif, en 2002, Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen pour ne pas cautionner, selon lui, “la banalisation de la haine et de l’intolérance”.
Toujours en France, le candidat François Hollande et actuel président avait refusé la proposition de son adversaire Nicolas Sarkozy. Ce dernier lui avait alors lancé un défi, celui de l’affronter lors d’une triple confrontation devant les caméras «sur les questions économiques et sociales, sur les questions de société et sur les questions internationales».
Le candidat socialiste, lui, avait opposé une fin de non-recevoir en ces termes pleins d’humour: «le débat était une “règle“ à respecter, car lorsqu’“on est mauvais élève et qu’on a une mauvaise note, on ne demande pas à changer le professeur».
Pour revenir à la Tunisie, si on établit un parallèle entre les raisons qui ont motivé les refus des débats télévisés en France et celui de BCE, nous relevons qu’il existe d’importantes similitudes pour deux raisons principales.
Premièrement, au regard de «la qualité» du président sortant, il n’existe aucune chance pour assister un vrai débat à même d’enrichir le référentiel intellectuel des Tunisiens et d’améliorer leur quotidien.
Deuxièmement, si jamais BCE acceptait le débat, il aurait comme l’avait dit Chirac face à Le Pen, cautionné la banalisation de la division des Tunisiens prônée par Marzouki.
L’essentiel n’est pas le débat
En toute logique, il ne pouvait pas tomber si bas. Car, BCE s’est forgé une réputation de rassembleur de tous les Tunisiens en dépit de petits dérapages scissionnistes compréhensibles à l’endroit des islamistes djihadistes et des membres des ligues dissoutes de protection de la révolution lesquels n’ont jamais, du reste, été ni démocrates ni patriotes.
Pour mettre fin à cette problématique du débat télévisé, nous recommandons mieux que ce débat le respect de quelques principes. Ceux-là mêmes qui consistent à arrêter les invectives et à cesser d’encombrer les Tunisiens avec des contrevérités, cela nous aidera à mieux espérer.