é le 21 août 2014 à Thiepval, dans la Somme, en France (Photo : Philippe Huguen) |
[02/12/2014 12:13:43] Paris (AFP) Replanter des arbres dans les champs pour améliorer la culture du blé ou l’élevage des poules: l’agroforesterie semble une voie prometteuse pour une agriculture plus en harmonie avec l’environnement, mais elle suppose un vrai changement de mentalité des producteurs.
Pour “répondre aux défis économiques et écologiques de l’agriculture”, le gouvernement espère avoir en 2025 “une majorité d’exploitations agricoles engagées dans l’agroforesterie”, déclarait lundi Catherine Geslain-Lanéelle, responsable de la direction générale des politiques agricoles au ministère de l’Agriculture, en prologue d’une journée nationale sur le sujet.
Après avoir éradiqué les arbres des champs dans les années 60-70, au profit de grandes parcelles vouées à une agriculture productiviste, le secteur commence à redécouvrir leurs bienfaits.
Plantés en lignes parallèles au milieu des cultures, ou bien en bordure des parcelles, les arbres améliorent la qualité des sols, les aident à mieux retenir l’eau, limitent l’érosion.
Ils filtrent aussi les pollutions aux nitrates, explique Christian Dupraz, de l’INRA Montpellier, intervenant pendant la conférence.
Les arbres recréent de la biodiversité, “en reconnectant les habitats de plein d’espèces”, ajoute-t-il.
Les abeilles par exemple, décimées par la destruction des plantes qu’elles butinaient, “commencent à revenir” là où les paysans replantent des arbres, assure Alain Canet, président de l’Association française d’agroforesterie (Afaf).
Les arbres sont aussi des alliés pour les éleveurs, “un atout majeur de la production en aviculture”, estime par exemple Philippe Guillet, conseiller agroforesterie de la chambre d’agriculture de la Sarthe.
élevage biologique, le 22 août 2013, dans une ferme du sud de la France (Photo : Remy Gabalda) |
Attirées par leur protection, les poules sortent davantage de leurs abris. “C’est mieux pour le bien-être animal”, se réjouit Stéphane Lavigne, producteur d’?ufs et de céréales bio en Loire-Atlantique.
L’éleveur s’est aussi rendu compte que “les arbres sont des refuges pour toutes les petites bêtes qui permettent de lutter contre les insectes dans les céréales”.
Un phénomène qui permet de diminuer les doses de pesticides, même s’il n’est pas “automatique”, prévient M. Dupraz.
– Encore confidentielle –
L’INRA étudie aussi l’aide que pourraient apporter les arbres dans la lutte contre le réchauffement climatique, en stockant le carbone.
“On travaille pour que les agriculteurs se servent de l’arbre comme d’un outil de production”, en essayant de ne pas compliquer les travaux des champs par des détours autour des arbres, résume Christian Dupraz.
Selon l’INRA, la productivité globale d’une exploitation peut augmenter de 30%, en prenant en compte la valeur du bois produit.
Dominique Bordeau, éleveur laitier bio des Pays de la Loire, a ainsi vu ses revenus “augmenter de 10%” grâce à la vente du bois issu de l’élagage de ses arbres.
Mais l’agroforesterie reste encore confidentielle, même si l’Afaf revendique “plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs”. Le ministère de l’Agriculture ne dispose pas de données fiables sur les surfaces.
Surtout, “on s’est rendu compte que remettre des arbres, c’est très complexe”, car dans la mentalité de beaucoup d’agriculteurs, “les pages qui touchent à l’arbre ont été violemment déchirées dans les années 70”, explique Philippe Guillet.
Aujourd’hui, il faut donc “convaincre ceux qui ont arraché les arbres de les replanter”, plaide-t-il.
Ceux qui plantent s’inquiètent de la nouvelle Politique agricole commune (PAC). “Beaucoup d’agriculteurs ont reçu des notifications disant qu’au-delà de 50 arbres par parcelle, nous ne sommes plus éligibles aux aides de la PAC”, s’inquiète Benoît Biteau, agriculteur bio près de Royan.
Le ministère de l’Agriculture a assuré lundi dans un communiqué que plusieurs mesures au sein de la PAC permettaient au contraire “d’encourager l’agroforesterie”.
L’agroforesterie demande aussi beaucoup de patience, car il faut attendre plusieurs années avant de ressentir pleinement l’action des arbres.
“Le retour sur investissement dans le temps n’est pas facile à gérer (…) Il ne s’agit pas de mettre des arbres partout par effet de mode, mais de bien gérer l’endroit où on met les arbres”, souligne Philippe Guillet.
D’où l’idée d’initier les jeunes: 35 lycées agricoles enseignent désormais l’agroforesterie.