égalité entre demandeurs (Photo : Philippe Huguen) |
[04/12/2014 16:59:47] Paris (AFP) “Merci de m’accueillir chez vous !”: C’est ainsi que Nathalie Royer, conseillère Pôle emploi, débute ses entretiens avec les chômeurs suivis via le “100% web”, un dispositif apprécié mais qui peut poser des problèmes d’égalité entre demandeurs.
Depuis le début de son expérimentation mi-février 2014, le suivi dématérialisé par webcam, chat, mail ou téléphone a été choisi par 8.935 chômeurs.
Seules les personnes considérées autonomes dans leur recherche par Pôle emploi, adeptes et équipées de nouvelles technologies, se sont vu proposer la formule lors de leur inscription en agence.
Plébiscité par les demandeurs d’emplois, selon le directeur de Pôle Emploi, Jean Bassères, le 100% web sera généralisé d’ici mars 2015 avec pour objectif d’intégrer 30.000 chômeurs au dispositif.
“Je ne vois pas d’inconvénients” à ce dispositif, déclare Mme Royer, sourire et regard francs. “J’ai moins d’absences aux entretiens, quand il y a des empêchements, les justificatifs me sont envoyés directement par mail”, poursuit-elle. “Je pose un cadre, je rappelle aux demandeurs qu’ils ont des droits mais aussi des devoirs”.
En agence, ses entretiens duraient 30 minutes, car elle s’occupait aussi de l’accueil des demandeurs, entre autres. Aujourd’hui, elle travaille majoritairement dans une agence parisienne exclusivement dédiée au 100% web et y consacre une heure à chaque demandeur d’emploi.
“J’ai beaucoup plus de flexibilité, précise-t-elle. Je peux recontacter quelques heures après une personne qui m’adresse une demande ou reprogrammer un entretien à la semaine suivante. En agence, ce n’était pas possible avant un mois”.
Suivi en 100% web, Michel est juriste et demandeur d’emploi pour la première fois. Hormis pour s’inscrire, il n’a jamais mis les pieds dans une agence Pôle emploi.
Sceptique, il estime que l’organisme ne peut pas grand chose pour lui. Pas plus que sa conseillère, qui “sait qu’il existe des moyens de recherche plus adaptés pour les professions juridiques”.
En six mois, le trentenaire a parlé à sa conseillère une seule fois par webcam et une autre par téléphone, car “il n’y avait pas de postes suffisants pour les téléconseillers”.
Il trouve la formule commode -“je peux les joindre sans problème”- et a “l’impression qu’il y a moins d’obligations” comme celle “d’aller à des entretiens qu’on aurait pu me trouver”.
– Egalité de traitement ? –
Pour Loïc Barboux, qui a participé à la commission d’expertise lors du déploiement dans sept régions pilotes du 100% web auquel il n’est pas défavorable, la dématérialisation totale du suivi des chômeurs pose “un problème d’égalité de traitement” entre usagers.
“Une personne qui a une panne de voiture et ne peut pas le prouver risquera une radiation: est-elle moins digne de confiance qu’une autre qui dit se connecter chez elle alors que nous n’avons aucun moyen de le vérifier ?”, tonne le délégué syndical Force ouvrière.
M. Barboux donne l’exemple d’un chômeur connecté depuis Shanghaï “où il disait chercher du travail mais sans avoir posé des jours” d’indisponibilité -35 jours de “congés” par an- octroyés aux chômeurs.
Alors que le chômage atteint des niveaux record, avec 3,46 millions de demandeurs à fin octobre, M. Barboux estime que 100% web a été mis en place “aussi pour éviter que les personnes viennent dans les agences parce qu’on n’a plus de place”.
Le ministre du Travail, François Rebsamen répond qu'”on a la liberté de ne pas adhérer” au 100% web.
“Il y aura toujours l’accueil physique individuel donc il y aura toujours égalité”. Pour les personnes non équipées d’un ordinateur, le ministre affirme étudier “si des mairies peuvent servir de lieu d’accueil pour de la visioconférence”.
“Quinze à 20% des foyers français ne possèdent pas d’ordinateur et/ou de connexion internet”, rappelle Barbara Fontar, chercheur spécialiste des usages des médias à l’université Rennes 2, “et ce n’est pas parce qu’on en possède qu’on sait utiliser l’outil informatique et naviguer sur Internet. Ceux qui sont exclus socialement sont les mêmes qui sont exclus du numérique”.
L’Insee a annoncé jeudi une hausse du chômage au troisième trimestre (+0,3 point), à 10,4%, incluant l’outre-mer.