ésotérisme à Barcelone regarde un stand le 30 novembre 2014 (Photo : Josep Lago) |
[05/12/2014 12:47:20] Barcelone (AFP) “Chez moi, on n’en peut plus. Mon mari n?obtient que des emplois temporaires et mal payés. Toute aide est bienvenue”. Chômeuse depuis quatre ans, Maite Izquierdo visite un salon d?ésotérisme à Barcelone où la fréquentation a presque doublé en cinq ans.
Cette femme aux cheveux noirs bouclés âgée de 48 ans, mère de deux enfants, a acheté en dépit de ses maigres revenus une statuette de Bouddha souriant et une grenouille à trois pattes.
Autour du cou, elle porte une pierre sombre provenant de Russie. Les deux premiers objets ont pour but d’attirer l’argent au foyer et le troisième de lui apporter une stabilité émotionnelle.
Avant l’explosion de la bulle immobilière qui a précipité l’Espagne dans la crise, en 2008, laissant sans emploi un quart de la population active, 30.000 personnes fréquentaient annuellement la foire Magic International qui s’est tenue début décembre à Barcelone. Cette année les organisateurs ont compté 50.000 visiteurs, qui déambulent entre les stands de minéraux magiques, livres spirituels, ateliers de parapsychologie et cartomanciennes affairées.
Sur l’un des stands, ornementé de tissus rouges et d’étoiles dorées, une femme attend le verdict du Tarot sur l’avenir de son petit restaurant familial, menacé de faillite.
“Je consulte très souvent. Surtout lors de situations complexes, cela me rassure et me donne une certaine perspective pour affronter les problèmes”, témoigne Natalia Herrero, soulagée après le pronostic favorable de la voyante, accoutrée d’une tunique blanche.
Maite Izquierdo, ex-gérante d’usine, visite elle pour la première fois ce salon. Plutôt sceptique concernant les arts divinatoires, elle s’est laissée entrainer par ses amies.
Profitant d’une conférence de quatre voyantes, elle s’enquiert de l’avenir d’un appartement reçu en héritage, comptant sur sa vente pour éponger ses dettes.
“Là tout de suite, c’est compliqué”, lui répond Maria del Mar Tort en lui tirant les cartes. “Je crois que le prix de vente est un peu élevé, tu devrais le baisser et d’ici un an tu réussira à le vendre”.
Mme Tort est l’une des spécialistes du Tarot les plus connues de Barcelone.
ésotérisme à Barcelone écoutent une diseuse de bonne aventure le 30 novembre 2014 (Photo : Josep Lago) |
Selon elle, la crise encore bien palpable pour de nombreux Espagnols en dépit de bons indicateurs macro-économiques a attiré une clientèle nouvelle, de personnes “désorientées”, qui ont surtout besoin de “conseils pour aller de l’avant”.
“Parfois j’ai davantage l’impression d’être une gérante immobilière ou une conseillère en matière d’emploi qu’une cartomancienne”, dit-elle. “On t’interroge sur des appartements, le travail, les affaires. Et moi je me demande: +Mais alors, où sont les classiques questions sur l’amour?+”.
– Accros au tarot –
Selon le cabinet de psychologues Ancora, à Madrid, cette tendance est bien réelle depuis le début de la crise, avec une hausse du nombre de personnes ayant une addiction à l?ésotérisme.
ésotérisme à Barcelone le 30 novembre 2014 (Photo : Josep Lago) |
“Les gens n’ont plus confiance en eux. Ils ont recours à la voyance pour trouver des réponses rapides (?) : +Tu vas trouver l’amour de ta vie, tout ira mieux+. On leur dit ce qu’ils veulent entendre”, explique une psychologue du cabinet, Belen Sanchez.
“Cela créé une dépendance émotionnelle et les gens n’arrivent plus à prendre la moindre décision sans consulter”, prévient-elle.
Le succès de ces arts divinatoires est palpable à la télévision espagnole, où les émissions consacrées au tarot et à l?ésotérisme se multiplient le soir.
Pour José Elias, également psychologue, le succès de la voyance en Espagne n’est pas sans lien avec le catholicisme imprégnant la société, entraînant un certain fatalisme, mais aussi la dictature de Francisco Franco (1939-1975).
“Franco a surprotégé les citoyens, il n’a pas inculqué le sens du combat et du dépassement personnel. La psychothérapie est le propre de sociétés démocratiques car les dictatures n’encouragent pas les personnes au développement personnel”, dit-il.
Le directeur de la foire, Sebastia d’Arbo, défend lui ces disciplines de plus en plus utilisées aussi dans le monde des affaires, évoquant le cas d’une pharmacie manquant de clientèle.
“C’était un problème de Feng shui. La caisse se trouvait dans un coin (du magasin) géo-pathogène, c?est-à-dire perturbé par un champ électromagnétique. Nous avons changé la caisse d’endroit et maintenant tout va mieux”, se félicite-t-il.