“L’entreprise et le capital humain: productivité et partage“, tel était le thème de l’édition 20141. Il y eut des moments forts et des faits sémantiques captivants. Il faut savoir que pendant les Journées on échange beaucoup. Il y a les allocutions officielles avec leurs propos convenus, amidonnés. Et il y a les débats où les mots, au gré des circonstances, peuvent être de grande originalité, parfois de ruse et la plupart du temps fort à propos.
Nous vous reproduisons quelques unes de ces réparties qui ont émaillé les Journées de l’entreprise et qui ajoutent à son charme et participent de la magie du moment.
Ainsi, ils ont dit :
Ahmed Bouzguenda, parlant de l’emploi, de la croissance et des projets de l’IACE: «Nous avons privilégié l’expression “capital humain“ par rapport à “emploi“ dans la formalisation du thème des Journées de l’entreprise car la responsabilité de l’embauche des jeunes est une responsabilité portée collectivement». Il ajoutera plus loin que la communauté d’affaires, pour se remettre à investir et créer des emplois, veut «une communication claire, transparente et audible par apport aux politiques économiques», tout en reconnaissant la complexité de la tâche en ces termes: «Il n’existe pas de formule magique, ni de mesure miracle ou de réponse unique». La solution à privilégier pour soulager le marché de l’emploi «serait de garantir un travail décent, une meilleure flexibilité et une rémunération équitable ajustée à la productivité».
Et de préciser qu’il faut «faire évoluer le droit du travail vers plus de souplesse» et que cette dernière, au vu de l’expérience de certains pays, «n’est pas synonyme de précarité», appelant à un «dialogue social plus mature, où tous les acteurs feront preuve de confiance mutuelle et d’engagement».
Dans une incidente sur l’encadrement, il a précisé, avec une pointe d’amertume, «une abondance apparente de cadres mais une pénurie de managers». Il a recommandé la «création, par l’Etat, d’une caisse de chômage et des politiques généreuses de formation professionnelles».
Enfin, il a annoncé la mise sur pied du projet «Toumouh avec la coopération allemande GIZ, pour la création de quatre mini job center à Kairouan, Sidi Bouzid, Gafsa et Médenine».
Mehdi Jomaa, bien en verve, s’est illustré par une communication vive et parfois acérée:
Il a taquiné l’assistance avec malice: «Il y a parmi nous de futurs ex-ministres et des ministres en devenir», et avec amertume «on a oublié l’économie, en revanche l’économie ne nous a pas oubliés».
Quant à la nécessité de donner une vision au pays, «On ne peut avancer les yeux rivés au rétroviseur et la tête dans le guidon». Cependant, nous ajouterons que le chef du gouvernement assimile voiture et vélo confondant automobiliste et cycliste, pour ajouter, un peu grognon sur le tempérament du Tunisien: «Ailleurs quand on repère un obstacle on le contourne; en Tunisie envers et contre toute raison, on commence d’abord par foncer dans le mur et après coup, se raviser».
Et pour contrer la résistance aux réformes, raide cette fois, il dit «Vous appréciez les réformes tout le temps qu’elles ne touchent pas à vos privilèges, il vous faudra reconsidérer votre attitude», déterminé à «déplacer les lignes». Il prévient que la nouvelle vision pour l’économie «comportera des sacrifices» et c’est à ce prix que le pays «pourra s’inscrire dans une dynamique de réforme». Puis de renchérir: «on ne peut se complaire à partager la misère, et pour cela l’on doit se remettre au travail». Et de préciser, on a commis l’erreur de surcharger la barque par des recrutements dans la fonction publique mais c’est oublier que cela constituera «les plans sociaux de demain» alors qu’il fallait «non pas recruter mais redéployer les fonctionnaires pour lutter contre les dysfonctionnements et la doter d’un système d’information digne de ce nom».
Mehdi Jomaa ironisera sur le système d’information de l’administration : «un système d’information équivalent de celui d’une PME».
Son mot de la fin fut sans ambages: «Investisseurs investissez, et travailleurs travaillez».
Elizabeth Guigou soutient que le pays doit se soucier du retour de la sécurité dans la rue, à ses frontières mais également de sa sécurité financière: «annoncez que vous réglerez votre dette extérieure, et la communauté financière internationale sera clémente avec le pays».
Dans le même ordre d’idées, José Moratinos, ancien ministre des Affaires étrangères de José Maria Aznar, de préciser: «Quand bien même l’UE vous a refusé une banque pour la Méditerranée, vous, payez de la rive sud, créez-la à votre propre initiative et les capitales européennes se bousculeront pour la rejoindre et être dans le capital».
A un moment, le débat a focalisé sur la mesure de la productivité en vue de servir de norme pour le calcul des augmentations de salaires. Alors notre confrère d’Express Fm, Tarak Mrad, demande à John Evans, économiste en chef de la Confédération syndicale internationale, de définir la productivité, et celui-ci répond par une pointe d’humour anglais: «Louis Armstrong a dit, je suis bien incapable de définir le Jazz mais quand je l’entends je le reconnais». Mansour Moalla, fondateur et premier président de l’IACE, de broder sur le même sujet: «Michel Rocard, un peu exacerbé par les questions des journalistes sur le déficit de la balance des paiements, a dit après tout personne n’a jamais vu une balance des paiements, eh bien c’est pareil pour moi, je n’ai jamais vu la productivité mais, chef d’entreprise, je me suis toujours attelé à améliorer les indicateurs qui font la performance d’une entreprises». Là-dessus, Maher Kallel, administrateur chez Poulina, rajoutera: «… au lieu de focaliser sur la productivité pourquoi ne pas tenir compte de la performance de l’entreprise car celle-ci intègre également la satisfaction du client».
A la prochaine!