Ricardo Maria Monti a été nommé, en avril 2012, président de l’Agence italienne du commerce extérieur; il est aussi vice-président de SIMEST. Ricardo Monti n’est pas un nouveau venu dans le monde de la coopération et du commerce extérieur. Auparavant, il a œuvré à déployer le savoir-faire des multinationales italiennes à travers le monde en implantant 15 bureaux à l’international. Il a développé des relations de coopération avec 30 gouvernements et principalement dans les grands marchés émergents tels l’Amérique latine, l’Asie et le Moyen-Orient avec lesquels il a également traité de la privatisation et des projets d’expansion internationale et de délocalisation.
Depuis 2007, il est membre du conseil de la Fondation Robert Kennedy, avec qui il a travaillé sur des projets en Europe de l’Est et le Moyen-Orient.
Entretien avec Ricardo Maria Monti à l’occasion des journées «Fashion Journey to Southern Italy» organisées les 20 et 21 novembre à Naples.
WMC : Quel est le but de la manifestation «Fashion Journey to Southern Italy»? Sachant que le Sud n’est pas aussi présent à l’international que le Nord de l’Italie.
Ricardo Maria Monti : Il faut dire que la contribution de l’Italie du Sud avec 35% de la population reste modeste. Son effort à l’export est moins de 10%, ce qui est inacceptable. C’est pour cela que nous avons lancé le grand projet intitulé «Export Sud». Il y a mille ans, Naples était une grande capitale. Elle est riche de grandes traditions dans la mode et principalement celle pour hommes. Nous exportons à hauteur d’un demi-milliard d’euros à partir de Naples, trop peu.
Pourtant, Naples est la capitale de l’élégance, de la beauté et du raffinement, et c’est pour cela que nous avons entamé ce programme visant le soutien à l’export à partir de cette ville historique.
Comme je l’ai exprimé à maintes reprises, Naples est beaucoup plus proche de Tunis que de Milan. C’est dire sa vocation méditerranéenne et l’importance que nous accordons à nos voisins du Sud et également à l’Afrique. Nous considérons que la Tunisie est un marché naturel pour le Sud de l’Italie. Un marché que les opérateurs italiens ambitionnent de conquérir et espèrent s’y implanter de plus en plus.
Les produits qui y seront commercialisés seront du made Italy de bonne qualité. Nous sommes implantés à Tunis, à Alger, à Casablanca, à Tripoli et au Caire. Nous considérons que ce sont des marchés porteurs pour l’Italie et pour nos entreprises.
Par quels moyens comptez-vous développer vos exportations vers ces pays?
Dans les projets Exports Sud, nous avons organisé des séminaires dédiés à la coopération Sud/Sud, mais ce qui manque c’est la logistique. Il est plus aisé d’atteindre Tunis à partir de Paris que d’y parvenir du Sud de l’Italie. C’est ce qui nous incite à organiser beaucoup plus d’actions en direction de la Tunisie qui représente pour nous un marché très intéressant. Vous savez que la première visite rendue par le Premier ministre Matteo Renzi a été la Tunisie. Nous avons des échanges très importants aussi bien politiques, culturels que commerciaux. Nous espérons exporter plus en Tunisie les machines italiennes en textile et dans d’autres secteurs. Nous sommes en train de développer nos activités dans la mode des accessoires et la joaillerie.
Nous savons que la Tunisie est un petit marché mais la proximité compte pour beaucoup dans nos choix. Je dis souvent que l’Italie exporte beaucoup en Slovénie qui est un marché de deux millions d’habitants qu’à d’autres pays où il y a plus d’un milliard de personnes.
J’ai été à Rome, il y a une année et j’ai été choquée par le nombre de personnes qui vendent de la contrefaçon devant les grandes boutiques où l’on vend les produits de luxe. Je suis sidérée, comment peut-on défendre les produits de mode de luxe italiens alors que la contrefaçon est aussi tolérée dans votre pays?
Vous avez raison. Notre niveau de tolérance est surprenant. Nous sommes tolérants au point d’accepter l’insupportable. Il est aberrant de voir des personnes qui vendent les marques de luxe devant leurs propres boutiques en contrefaçon. Il y a une vague d’indignation par rapport à cela et nous comptons prendre les mesures nécessaires pour limiter les dégâts sur notre économie et nos produits. Nous comptons nettoyer les villes, du moins dans les coins les plus connus des faux produits.
Pourquoi le Sud de l’Italie reste à la traîne de l’économie du pays? Qu’est-ce qui explique ce retard par rapport au Nord?
Nous avons trois grandes tares: l’une est structurelle et liée aux infrastructures et à l’intervention de l’Etat; la deuxième est sociale et se rapporte au système d’éducation; et la troisième est le taux de criminalité. Ceci n’aide pas à l’investissement extérieur. Mais nous estimons qu’il y a de bonnes perspectives dans le tourisme, l’exportation des produits agroalimentaires et les produits artisanaux de qualité.
Nous avons étudié le modèle allemand qui a suivi une politique de développement régional qui a réussi. Ils ont investi 100 milliards d’euros sur 10 ans. L’Italie n’avait pas beaucoup investi dans le Sud et c’est dommage car l’économie nationale ne pourra pas vraiment décoller sans le Sud.
Nombreux sont ceux qui disent que la Tunisie pourrait être une plateforme pour la conquête de l’Afrique. Y croyez-vous?
Tout à fait, nous avons déjà beaucoup de manufactures italiennes en Tunisie. Je suis également vice-président l’international de SIMEST (Società Italiana per le Imprese all’Estero), et notre rôle est de soutenir les processus d’internationalisation des entreprises italiennes à l’étranger. Nous voulons encourager les entreprises italiennes à investir et s’implanter dans des marchés autres que ceux de la Communauté européenne. Elles profiteront de services et d’offres dédiés et personnalisés.
La Tunisie est le cinquième pays où nous intervenons. Nous considérons la Tunisie comme étant une plateforme pour le Maghreb et l’Afrique en général. C’est le pays le plus stable dans les pays qui ont vécu les printemps arabes, il est très ami avec l’Italie. Nous n’aurons pas un meilleur interlocuteur.
Vous êtes venu en Tunisie dans une délégation ministérielle, vous avez eu l’occasion de rencontrer la ministre du Commerce et celui de l’Industrie. Vos entretiens ont-ils porté sur du concret?
Nous avons discuté de nombre de projets concrets se rapportant aux secteurs énergétique, manufacturier, et nous avons débattu des entraves logistiques liés surtout au transport par bateau ou par avion. Je dirais qu’avec la Tunisie, nous avons des contacts réguliers touchant à nombre d’activités, dont la pêche, l’agriculture. Nous avons relancé un autre genre de coopération à savoir la création de centres de formation en mécanique, et la Tunisie sera l’un des premiers pays où nous investirons dans ce domaine..