à New York le 16 avril 2014 (Photo : Spencer Platt) |
[10/12/2014 11:05:49] New York (AFP) Scandales et litiges à répétition rognant les bénéfices: l’équation ne change pas pour les grandes banques américaines alors que se profile en 2015 la limitation de la spéculation, activité très lucrative.
“Les litiges, c’est le nouveau prix à payer pour faire des affaires”, ironisent les analystes du cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG) dans un rapport.
La troisième banque américaine Citigroup a réveillé les vieux démons en annonçant mardi qu’elle allait provisionner dans ses comptes au quatrième trimestre 3,5 milliards de dollars supplémentaires, dont 2,7 milliards liés à des enquêtes en cours pour manipulations supposées du marché des changes, des taux d’intérêt Libor et blanchiment d’argent sale.
D’autres institutions financières pourraient suivre compte tenu du fait que de nombreuses enquêtes sont actuellement menées par des régulateurs. Le département de la Justice menace même JPMorgan Chase, première banque américaine en termes d’actifs, d’une action judiciaire.
Si Michael Corbat, le PDG de Citigroup, a promis que la banque serait malgré tout “marginalement rentable”, les marchés n’ont pas semblé rassurés.
Il faut dire que depuis fin 2013, le refrain n’a pas changé: les bénéfices des grandes banques américaines sont engloutis par une cascade de pénalités financières pour solder leurs errements liés à la crise financière de 2008.
Bank of America, deuxième banque américaine en termes d’actifs, détient ainsi le record, avec une amende de près de 17 milliards de dollars que lui ont infligé en août dernier les autorités américaines.
– 178 milliards de dollars d’amendes –
Depuis la crise jusqu’à fin septembre, les banques américaines et européennes ont payé au total 178 milliards de dollars en amendes, selon BCG, dont 115 milliards pour les seules américaines.
A peine le volet immobilier tourné s’est ouvert le chapitre des enquêtes sur les manipulations du Libor et du marché des devises.
Dans ce dernier cas, les régulateurs reprochent aux cambistes de grandes banques d’avoir utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour infléchir un taux de référence du marché des changes.
De premiers accords se chiffrant à plusieurs milliards de dollars ont déjà été conclus.
Outre ces affaires, d’autres scandales ont aussi éclaté. C’est le cas de celui des liens qu’aurait entretenu la prestigieuse banque d’affaires Goldman Sachs avec l’ex-régime de Mouammar Kadhafi. Un procès devrait se tenir à Londres l’an prochain.
Les grandes banques américaines voient également étalées et dénoncées à la une des médias leurs pratiques sur les marchés de matières premières (platine, palladium, aluminium, argent, or) et sur leurs places de marché internes (“dark pool”).
Même la très discrète et “provinciale” Wells Fargo, devenue dans l’intervalle la plus grosse capitalisation bancaire de l’histoire, n’est pas épargnée. Elle fait face à des plaintes pour ses pratiques jugées discriminatoires dans l’octroi des prêts.
“Les risques liés aux litiges sont encore importants”, conclut BCG.
Le plus dur était les enquêtes sur l’immobilier, dit-on à l’AFP au sein de deux grosses banques américaines. Désormais “il n’y a plus que de petits litiges. On n’écopera plus de pénalités massives”, confie-t-on.
De part et d’autre, les grandes banques américaines disent leur ras-le-bol de cette “actualité juridique” qui occulte leurs problématiques quotidiennes.
Elles espèrent pouvoir tourner “vite” la page et parler de leurs activités: “Comment faisons-nous pour stimuler la croissance, augmenter nos revenus, créer de la valeur pour les actionnaires ? Comment nous adaptons-nous à la règlementation”, résume une source bancaire.
L’année 2015 s’annonce en effet pleine de défis.
En juillet devrait entrer en vigueur la fameuse règle Volcker, mesure phare de la réforme financière Dodd-Frank limitant la spéculation pour compte propre (“Proprietary trading”), activité aux marges lucratives pouvant représenter jusqu’à 10% des revenus des grosses banques.
Les grandes banques américaines doivent en outre se constituer un matelas de sécurité important pour résister à toute nouvelle crise.
La très rentable activité de courtage d’obligations, de change, de matières premières et de taux (FICC) est aussi menacée car elle dépend beaucoup de la volatilité et de la politique monétaire de la banque centrale (Fed). Bank of America et Citigroup ont déjà prévenu que leurs recettes allaient diminuer dans ce secteur au 4e trimestre.