A force de tirer sur le fil, il finit par se rompre. C’est ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie. Le plus triste est que même si le bureau exécutif de l’UGTT n’est pas directement impliqué dans des pratiques de ses représentants dans les fédérations et les régions, les conséquences sont désastreuses sur un tissu industriel en désintégration presque totale depuis le 14 janvier 2011. Qu’elle le veuille ou non, l’UGTT porte la responsabilité de ne pas mettre fin aux bavures sous prétexte d’être dépassée par ses bases.
Quand il y a transgression de la loi, il faut sévir, c’est aussi cela la démocratie, devenue aujourd’hui la chansonnette de tous ceux qui veulent abuser et profiter de la faiblesse de l’Etat. Quant aux régions marginalisées, eh bien «lina w lihom Rabbi», car ce sont elles qui payent pour les agissements irresponsables de certains des acteurs sociaux sur place.
Dernière nouvelle, l’usine de composants automobiles Draxlmaier a décidé de fermer ses portes. Pour ceux qui ne le savent pas, cette firme emploie 9.000 personnes sur tout le territoire national!
Selon des observateurs avisés, les dirigeants de l’usine en question «ont exprimé à maintes reprises leur ras-le-bol! La prochaine étape sera le démantèlement progressif de leurs usines». C’est-à-dire plus de chômage et plus de marginalisation et surtout absence de dignité pour ceux qui auraient fait la «révolution de la dignité et de la liberté». Ils ont eu peut-être la liberté de se comporter de manière anarchique et insouciante, si elle n’est pas intéressée, sous couvert des droits des travailleurs.
Pour ce qui est de la dignité dans et par le travail, à ce train-là, il va falloir attendre peut-être une décennie pour la récupérer. Les contestataires virulents et structurels n’ont apparemment pas vraiment vécu les affres de la faim et leurs velléités «révolutionnaires» sont en train de mener le pays vers un appauvrissement de plus en plus frappant. Ils réaliseront, peut-être un jour, tout le mal qu’ils ont fait à la Tunisie.
Une nouvelle immunité : l’immunité syndicale
Draxlmaier a fermé ses portes parce que ceux qui pensent qu’ils ont tous les droits, se prévalant de l’immunité syndicale, ceux-là mêmes qui doivent préserver les postes d’emplois, ont facilité l’accès à l’Usine à des contractuels remerciés suite à la fin de leurs contrats et leur ont permis de brutaliser les gardiens et de forcer les portes d’un centre de production important. Drôle de comportement de la part de ceux-là mêmes qui doivent veiller à l’image des régions intérieures et à rassurer les investisseurs potentiels pour qu’ils s’y réimplantent.
A force de défendre à mort et à tort les prétendus «droits» des travailleurs, il n’y en aura plus et les syndicats devraient eux-mêmes aller se chercher du travail au lieu de se prendre pour les maîtres de la Tunisie qu’ils sont en train d’user et d’abuser à mort!
En sont-ils conscients? Ils n’y pensent même pas. Car ce ne sont pas eux qui contractent des prêts auprès des banques, qui hypothèquent leurs biens et leurs vies pour entreprendre. Quand nous n’avons rien à perdre, rien à sacrifier, tout devient permis. Seulement, le retour de manivelle sera douloureux et pour les terroristes économiques et pour les suiveurs qui ne réalisent pas que la seule valeur à même de leur permettre de développer leurs régions et de les sortir de leur marginalité et de la pauvreté, c’est celle du travail.
Un travail payé à sa juste valeur dans le respect des règles et procédures et sans abus de la part de l’entrepreneur. C’est l’essence même du contrat social signé par les partenaires sociaux les plus importants: l’UTICA et l’UGTT. D’ailleurs, Draxlmaier laisse un peu d’espoir en restant pour le moment ouverte au dialogue, mais sa patience a atteint ses limites et il ne serait pas étonnant de la voir délocaliser ses usines au Maroc comme l’a fait précédemment Aérolia.
Un cri de victoire à chaque fois qu’on fait plier un entrepreneur!
Les activistes syndicaux savent-ils que c’est le contribuable tunisien qui paye pour leur excès de zèle ou leur folie des grandeurs? Celle où ils crient victoire à chaque fois qu’ils font plier un entrepreneur au risque de mettre un patrimoine national en faillite, serait-ce leur manière de se venger des «prétendus nantis». Pourquoi pas, des CPRistes –ou ce qu’il reste-, il y en a partout! Savent-ils, toutefois, que les faillites et les prêts non remboursés sont payés in fine par le contribuable? Ou est-ce que la perte de millions de dinars ne les dérange pas? «Même quand l’entreprise est dans son droit de ne pas reconduire du personnel en fin de contrat, voilà ce qu’elle peut subir», relève l’observateur cité plus haut. Ce n’est pas seulement le cas de Draxlmaier mais de dizaines d’autres d’entreprises situées dans des zones où le responsable régional de l’UGTT se prend pour “Dieu le père“, convoque, décide, invoque et sanctionne comme si la mission divine dont il a été munie (celle de défendre les droits des travailleurs) l’autorisait à se conduire en parfait dictateur et à priver à trop surenchérir non seulement la région d’un appareil productif mais les travailleurs de leurs sources de revenus.
Et l’on veut convaincre les chefs d’entreprise d’aller investir dans les régions ou même dans les grandes villes! Non mais je rêve!
Nous ne reconnaissons plus l’UGTT de Farhat Hached et de Habib Achour dans ce qui se passe aujourd’hui sur la scène économique et syndicale. Le principe est que patronats et syndicats soient plus solidaires en cette phase délicate pour le pays, pour préserver aussi bien le patrimoine économique du pays, les créateurs de richesses que les droits des travailleurs. Or ce que nous vivons aujourd’hui est une guerre sans merci livrée à l’économie nationale, au tissu entrepreneurial et aux créateurs de richesses.
Au lieu de chercher des solutions pour sauver les emplois et faire en sorte d’encourager de nouvelles implantations pour employer les chômeurs, les syndicats de base agissent dans l’impunité, avec pour leitmotiv «Onssor Akhaka Dhaliman aw madhlouman» (Soutiens ton condisciple qu’il ait tort ou raison). Le jeu du “na3l3ab walla nharrem” soutenu à tort ou à raison par l’UGTT, dépassée paraît-il par ses bases, va venir à bout de tout un tissu industriel édifié depuis deux décennies. Pour ceux qui se demandent s’il va y avoir une somalisation de la Tunisie, autant commencer à s’y préparer. C’est dur de dire cela alors que nombre de personnes au sein de l’UGTT sont de grands patriotes. Mais il s’avère que l’absence d’un État fort durant ces 4 dernières années a fait croire à certaines personnes, immatures et inconscientes des risques qu’elles font encourir à leurs propres adhérents, qu’ils sont l’Etat et qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de la Tunisie.
Espérons qu’ils auront les moyens de réembaucher tous ceux qui se trouveront dans la rue pendant les toutes prochaines semaines et même les mois prochains. En fermant les yeux sur les dépassements des bases et en ignorant les agissements de certains responsables régionaux, l’UGTT est en train de s’autodétruire et de détruire le peu de tissu économique qui a résisté. Elle ouvre aussi grandes les portes à l’économie informelle et à toutes sortes de mauvaises pratiques. La Tunisie, pays émergent, est bel et bien finie. Aujourd’hui il s’agit de sauver la Tunisie sous-développée.
Que soit maudite cette révolution qui a mis aux devants de toutes les scènes du pays la médiocratie au lieu du savoir et de la méritocratie!