Japon : l’indice du moral des entreprises rappelle à Abe que le plus dur reste à faire

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écran de cotations boursières à Tokyo, le 15 décembre 2014 (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[15/12/2014 07:36:16] Tokyo (AFP) Si le Premier ministre japonais Shinzo Abe était tenté de s’appesantir lundi sur sa victoire électorale, les résultats médiocres de l’indice “Tankan” du moral des entreprises sonnent comme un appel à lancer sans tarder la seconde phase des abenomics.

Selon cette enquête de la Banque du Japon (BoJ) publiée au lendemain d’élections législatives remportées haut la main par M. Abe, la confiance des grandes industries a fléchi d’un point, à +12, dans la vague de décembre.

Ce déclin traduit leur circonspection malgré plusieurs éléments positifs sur la période passée en revue: nouvelles mesures d’assouplissement monétaire de la banque centrale, affaiblissement marqué du yen et chute des prix du pétrole.

Le moral du secteur non-manufacturier a pour sa part certes rebondi de 3 points pour s’établir à +16, mais il avait fortement reculé dans la précédente enquête.

Les deux confondus, l’indice affiche un modeste gain d’un point, à +14.

Cette étude de “sentiment à court terme” suggère que “l’économie s’est stabilisée au quatrième trimestre, mais une reprise rapide n’est pas au programme”, a commenté Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics.

Les entreprises ont subi de plein fouet le contrecoup d’une hausse de la taxe sur la consommation début avril, responsable d’une rechute de l’archipel en récession, et les effets de cette pression fiscale accrue peinent à se dissiper malgré les discours rassurants des autorités.

“Les perspectives sont plutôt sombres”, remarque l’analyste, “une détérioration des conditions étant attendue” (pour tomber à +9 du côté manufacturier, +15 de l’autre).

Les compagnies de taille moyenne se sont elles aussi montrées peu enthousiastes, même si la confiance, en repli auparavant, s’est cette fois inscrite en petite hausse d’un point, tandis que celle des petites sociétés stagnait à 0.

Elles entrevoient pour la suite une dégradation significative, de l’ordre de quatre points. Outre la faible demande intérieure, elles s’inquiètent de la dégringolade du yen, phénomène qui renchérit les prix des produits importés et donc réduit leurs marges.

Petites ou grandes, quel que soit le secteur, les firmes japonaises attendent toutes des réformes, des vraies.

L’association des constructeurs d’automobiles, tout en saluant le succès dans les urnes du Parti Libéral Démocrate (PLD), a ainsi exhorté lundi Shinzo Abe à décocher avec force la troisième flèche réformatrice de son programme.

– Quid des réformes ? –

Justement, maintenant que les électeurs lui ont accordé une seconde chance, la coalition au pouvoir, détentrice de plus des deux tiers de la chambre basse, est “en position de force” pour accélérer les abenomics, estime Tomo Kinoshita, du groupe de services financiers Nomura.

Shinzo Abe n’a plus le choix: “il doit montrer des résultats à la hauteur de ses promesses”, faute de quoi “son capital politique sera considérablement érodé”, prévient Hideo Kumano, chef économiste à l’Institut de recherche Dai-ichi Life.

Et les économistes d’égrener les chantiers qui l’attendent. La priorité est “démographique”, selon Capital Economics qui préconise de “ralentir le déclin de la main-d’oeuvre” en promouvant plus encore le travail des femmes, et en faisant appel aux immigrés en dépit des réticences de la population. Autres conseils prodigués, éliminer les lourdeurs réglementaires et stimuler la productivité en général.

Des doutes se font jour cependant sur la détermination en la matière du Premier ministre nippon. “En pratique, peu de choses devraient changer. Le gouvernement avait déjà une solide majorité depuis un bon moment” et n’a pas pour autant osé bousculer les acquis, rappelle M. Thieliant, qui supplie “les investisseurs de ne pas s’enflammer”.

“Malheureusement, poursuit-il, nous redoutons une certaine frilosité, condamnant la croissance potentielle à rester ancrée autour de 0,5%”.

Dans ses discours de campagne comme dans ses premiers commentaires depuis la victoire, Shinzo Abe a, il est vrai, survolé les sujets de fond. Il a préféré pour l’heure renvoyer la balle au secteur privé, pressant les entreprises d’augmenter les salaires afin d’inciter les ménages à dépenser.

Lui pense avoir déjà donné le ton en lançant de généreux plans de soutien – de nouvelles mesures ont d’ailleurs été annoncées lundi – et en provoquant un bouleversement de la politique monétaire de la Banque du Japon (BoJ), qui a ressuscité un peu d’inflation et mis fin au règne du yen fort.