«Je suis étonné de lire dans les médias des propos concédés à Béji Caïd Essebsi évoquant la possibilité d’une coalition gouvernementale avec le parti Ennahdha. Je peux vous assurer qu’il n’y a jamais eu d’accord de ce genre entre nos deux partis. Il est hors de question qu’il y en ait un. Et pour clore définitivement ce sujet, le fait même que le parti islamiste ait insisté pour présider la commission financière de l’Assemblée des représentants du peuple le met de facto dans l’opposition et marque son positionnement au sein de l’Assemblée».
Taieb Baccouche met ainsi fin à une polémique qui n’a pas cessé ces derniers jours d’être suscitée par de nombre de supports médiatiques et évoquant une possible alliance postélectorale dans le gouvernement de la Deuxième République. Pour M. Baccouche, le choix d’Ennahdha à se positionner dans l’opposition serait bénéfique. Car, après avoir gouverné, pratiquement, seule pendant plus de deux années, elle pourrait se prévaloir d’un nouveau rôle, celui «d’une opposition critique et constructive pour notre pays. Car être un opposant ne veut absolument pas dire que l’on entrave la mission du prochain gouvernement».
La Tunisie entame une nouvelle expérience démocratique et instaure de nouvelles traditions politiques, à savoir l’existence d’un parti fort au pouvoir grâce à une majorité électorale et un autre dans l’opposition. Est-ce à dire qu’il ne doit pas y avoir de dialogue entre les partis les plus représentés à l’Assemblée nationale concernant les grandes questions lors des prochains mois? «Il faut dialoguer et débattre ensemble de toutes les problématiques importantes concernant la Tunisie. Il ne doit pas y avoir confusion entre le fait de se concerter dans l’intérêt de la Tunisie et celui d’entrer dans des alliances illogiques. Sommes-nous prêts à exclure une grande partie des acteurs politiques et une majorité du peuple qui a voté pour nous? Bien sûr que non, et cela ne servira en aucun cas le processus de transition politique et les traditions démocratiques que nous voulons instaurer chez nous».
Le prochain gouvernement sera plus un gouvernement de coalition qu’une alliance gouvernementale, parce qu’une coalition implique un projet socioéconomique commun alors qu’une alliance implique se liguer ensemble contre une autre partie, ce qui n’est pas le choix de Nidaa Tounes, affirme son SG.
Un seul critère pour le prochain gouvernement : compétence et capacité à bien gérer la prochaine étape
Pour Taieb Baccouche, la nouvelle équipe gouvernementale doit considérer le pouvoir comme un devoir national avec une obligation de résultats dans un processus de sauvetage du pays tous azimuts. Sur les plans aussi bien sécuritaires que socioéconomiques, politiques, éducationnels, culturels etc. «C’est ce qui explique que nous refusons la logique de l’octroi des responsabilités par affinité ou allégeance comme cela s’est passé avec la Troïka. C’était pratiquement le partage d’un butin de guerre. Nous refusons cette logique. Pour nous, il s’agit de mettre en application des programmes qui répondent aux attentes de notre peuple et qui satisfont aux exigences du moment. Nous voulons entreprendre une démarche de réformes globales. Ce qui nous permet d’être optimistes est que l’UGTT et l’UTICA, toutes comme les partis qui se sont engagés avec nous dans ce processus, se sont montrés réceptifs pour ce qui est de notre approche. Et je peux vous affirmer qu’il n’est pas dit que le Nidaa aura le plus grand nombre de sièges dans la prochaine composition gouvernementale tout comme il est fort possible que nous gardions certains ministres qui ont fait leurs preuves dans le gouvernement actuel».
Parmi les priorités du prochain gouvernement figurent la relance des investissements en prenant des mesures audacieuses pour récupérer la confiance des opérateurs nationaux et internationaux. «Nous ne comptons pas nous arrêter aux discours d’intention mais traduire sur le terrain toutes les décisions que nous prendrons. Il nous incombe de redonner de l’espoir à notre peuple et à notre jeunesse non par les paroles mais par les actes. Il faut que nous les convainquions au quotidien que nous servons leurs intérêts et non ceux des personnes ou des partis. Si notre peuple voit les résultats, il retrouvera sa confiance et sa foi en ses dirigeants, cela se verra forcément à l’extérieur de nos frontières»
«Il faut lutter contre le terrorisme et le banditisme transnational par une coordination plus étroite entre les services sécuritaires et la justice»
Le terrorisme, le commerce et l’économie parallèles sont liés ensemble, d’où la nécessité pour le prochain gouvernement d’envisager des moyens de lutte efficace contre tous ces phénomènes. Le but est la relance des investissements et surtout la préservation des intérêts économiques et sécuritaires du pays. Pour le secrétaire général du Nidaa: «Si nous voulons sauver notre pays, il nous faut réaliser au moins 6% de taux de croissance par an. Il est primordial que la coordination soit parfaite entre les services du ministère de l’Intérieur et ceux de la Défense, ce dont je ne doute pas. La preuve, l’inauguration mardi 16 décembre par Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement des deux pôles: judiciaire et sécuritaire. Il faut que les services de renseignements et de sécurité nationale soient dotés des moyens adéquats pour protéger notre pays et nos concitoyens».
Lors du prochain mandat gouvernemental, il est prévu de lancer des campagnes de sensibilisation à l’intention des acteurs de la société civile qui seront impliqués dans la préservation du pays contre tout danger terroriste ou économique. Ceci passera également, selon M. Baccouche, par des mesures visant l’amélioration des conditions de vie des Tunisiens et leur bien-être. «Car le terrorisme et le grand banditisme puisent leurs victimes dans la pauvreté et la précarité. C’est dans les zones les plus démunies que l’on recrute le plus grand nombre de terroristes. Nous prendrons des mesures drastiques contre le phénomène terroriste mais en évitant tout abus sécuritaires. Il faut reconnaître qu’à mesure que la transition s’étende dans le temps, à mesure que ces phénomènes prennent de l’ampleur, dans notre pays, la transition a trop duré.
Cela s’explique aussi par le fait que ceux qui devaient assurer une mission dont la durée ne devait pas dépasser une année, ont eux-mêmes bafoué la légitimité et se sont installés au pouvoir pendant 3 années. Avoir considéré le pouvoir comme un butin de guerre a donné une très mauvaise image du leadership politique. Nous croyons que c’est par la suprématie de la loi et en donnant l’exemple que nous pourrions opérer sur les mentalités et les changer dans le bon sens et surtout dans celui servant les intérêts du pays».
Il faut organiser au plus tôt des élections municipales dans les régions
Les régions et leur insertion dans une logique constructive de développement économique ont toujours été au cœur du débat national. Pour le SG du Nidaa, «il va falloir activer la tenue des élections municipales. Les conseils municipaux aideront à l’exécution des plans de développement dans les régions. Nous veillerons à leur accorder plus d’autonomie et plus de responsabilités dans la prise des décisions touchant à leurs intérêts. L’Etat assumera les rôles de régulateur et de contrôleur et appuiera les projets de développement et d’infrastructures par les financements et les moyens nécessaires. Il faut lutter contre la mentalité d’assistés. Les jeunes peuvent compter sur l’Etat pour les préparer à entreprendre et à se frayer un chemin pour la réalisation de leurs ambitions professionnelles, mais ne doivent pas être focalisés tout le temps sur le secteur public. Ils doivent s’orienter vers la création de PME/PMI pour créer des richesses et de l’emploi. Nous les aiderons»
Il faut un président en phase avec son gouvernement
L’élection de Béji Caïd Essebsi facilitera-t-elle le travail du gouvernement dans le sens de plus d’harmonie au niveau des choix stratégiques pour le pays entre Carthage et la Kasbah?
Pour Taieb Baccouche, la répartition des rôles lors du gouvernement de la Troïka entre président, chef du gouvernement et président de la Constituante, a complètement bouleversé les donnes politiques et socioéconomiques du pays. «Pour que la mission du parti leader et ses partenaires réussisse, il est important que leur candidat à la présidence réussisse à gagner l’investiture suprême. Dans le cas contraire, c’est tout le programme de sauvetage du pays qui sera menacé. La Tunisie risquerait d’entrer dans un cycle infernal d’instabilité qui nous maintiendra dans le provisoire, c’est le plus grand danger pour la Tunisie. Avoir un Béji Caïd Essebsi à Carthage permettra d’appuyer le travail du gouvernement et de le compléter. La symbiose entre le palais présidentiel et celui du gouvernement facilitera la concrétisation des programmes du gouvernement chacun dans le respect de ses prérogatives. Cela n’a pas été le cas durant les dernières années où la présidence a essuyé échec sur échec. Quelles sont les réalisations du président provisoire pour notre pays? Rien. L’image du pays a été altérée et la dignité et le prestige de l’Etat se sont détériorés. Rien qu’à entendre des déclarations telles: “Si Béji Caïd Essebsi gagne, ça sera par la fraude et non grâce à des élections transparentes et indépendantes, est une atteinte à la crédibilité de l’Etat et de l’ISIE“ – “Les LPR et les partisans du président aujourd’hui en place menacent d’incendier le pays si leur candidat ne sort pas vainqueur de la course présidentielle“. Est-ce comme cela que l’on mène une campagne pour la présidence? Je suis choqué! Rien qu’à analyser le slogan “Nous vaincrons ou nous vaincrons“, on réalise qu’il porte a un seul sens: nous vaincrons par les urnes ou par un complot contre les institutions de l’Etat. La honte!»