Camembert, mozzarella ou roquefort russes, réponse à l’embargo

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écembre 2014 à Golovkovo-Marino, à une centaine de kilomètres au nord de Moscou (Photo : Kirill Kudryatsev)

[17/12/2014 10:34:30] Golovkovo-Marino (Russie) (AFP) Le “camembert” de Dmitri Markitan a bien la forme et la moelleuse croûte blanche du fromage de Normandie, mais il est produit à partir de lait de chèvre dans la banlieue de Moscou.

Et pendant que son modèle français est banni des rayons des magasins russes, conséquence de l’embargo alimentaire décrété par Moscou en réponse aux sanctions occidentales, ses ventes explosent, comme celles de la mozzarella de la région de Briansk (ouest) ou le roquefort de l’Altaï (Sibérie occidentale).

“La production a vraiment beaucoup augmenté”, assure M. Markitan, à la tête d’une exploitation de 150 chèvres à Golovkovo-Marino, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale russe.

“En août, nous traitions une centaine de litres de lait par jour, mais aujourd’hui nous en traitons de 270 à 300”, se félicite le fromager, au milieu de ses ateliers stérilisés aux réfrigérateurs pleins à craquer.

“Je pense que c’est lié aux sanctions. Des clients qui travaillaient avant avec des produits importés, viennent maintenant travailler avec nous”, reconnaît-il.

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écembre 2014 à Golovkovo-Marino, à une centaine de kilomètres au nord de Moscou (Photo : Kirill Kudryatsev)

Le fromage est, après les fruits, le produit européen le plus touché par l’embargo décrété en août par Vladimir Poutine sur la plupart des produits alimentaires des pays qui sanctionnent la Russie pour l’annexion de la Crimée et son soutien présumé aux séparatistes de l’est de l’Ukraine.

Selon Bruxelles, les exportations de produits laitiers de l’Union européenne vers la Russie représentaient ces dernières années environ 1,3 million de tonnes par an, dont 900.000 tonnes pour le fromage.

Les autorités russes ont engagé un ambitieux programme de plusieurs milliards d’euros pour développer l’industrie agroalimentaire locale, mais les experts se montrent sceptiques. Pour créer une industrie fromagère suffisamment puissante, il faut d’abord augmenter la production de lait, ce qui devrait prendre au moins trois ans.

La tâche est d’autant plus complexe que la situation économique en Russie est difficile et l’accès au crédit compliqué. Surtout, personne ne sait quand l’embargo sera levé et quand par conséquent la production européenne reviendra en force sur le marché russe.

– Aubaine pour la Suisse –

Certains producteurs russes ont néanmoins entrepris de remplacer la production importée avec leur version locale des fromages européens les plus populaires.

Des paquets de mozzarella fabriquée dans des usines russes sont ainsi apparus dans les épiceries fines moscovites. Selon les médias russes, des entrepreneurs de l’Altaï, chaîne montagneuse de Sibérie, ont décidé de se lancer dans la production de camembert et roquefort après avoir étudié leur fabrication en France.

Le site Gazeta.ru a raconté l’histoire des moines du monastère de l’île de Valaam, sur le lac Ladoga (nord-ouest), qui ont suivi une formation en Italie et y ont acheté les équipements nécessaires pour produire mozzarella et ricotta.

La pratique n’est pas nouvelle dans l’espace de l’ex-URSS, où la culture des appellations d’origine contrôlée n’existe pas et où l’on boit depuis l’époque soviétique du Champagne ou du Cognac local.

A plus grande échelle, la Russie se fournit désormais en Serbie, Nouvelle-Zélande, avant peut-être Israël, surtout pour le fromage industriel consommé en grande quantité en Russie.

Dans une fromagerie moscovite, où les habitants les plus aisés de la capitale russe se fournissent en mets européens, 70% de la marchandise vendue vient désormais de Suisse, épargnée par l’embargo car non membre de l’UE.

Raclette suisse, Tête de moine, Mont Vully occupent la plus grande place derrière la vitrine du magasin mais “la petite Suisse a du mal à nourrir la grande Russie”, ironise Alexandre Kroupietskov, le propriétaire.

Résultat: les prix flambent d’au moins 20% et les étiquettes des fromages russes suivent le mouvement. “Il n’y a pas assez de fromage et donc les fournisseurs russes peuvent se permettre d’augmenter les prix et d’exiger des avances”, soupire le commerçant.

Quant aux meules de parmesan d’avant l’embargo qui n’ont pas encore été écoulées, leur prix a bondi de 120-150%. “C’est devenu un fromage qui se vend à prix d’or”, dit-il.