Le consensus à la tunisienne. Un exemple qui sera peut-être enseigné dans les cours des Sciences politiques dans les prochaines années. Pourquoi pas? Après tout, la tactique d’encerclement d’Hannibal Barca dans ses batailles représentent une référence dans le monde. Le principe comme, l’explique Taoufik Charradi, chef de service dans la Conservation foncière, est de «Semer la confusion et le désordre dans la formation adverse avant de l’engager dans la bataille. De cette façon, l’attaquant pourra combattre son adversaire sur tous les fronts et disloquer sa cohésion, car s’il se prépare pour se défendre, il sera faible partout». Suivez mon regard…
Ce qui se passe ces dernières semaines en termes d’alliances, de rivalités ou de mésalliances dans cette course obstinée vers l’investiture suprême, est édifiant. Edifiant à plus d’un titre. Tout d’abord dans l’approche arrêtée par Béji Caïd Essebsi pour aboutir au consensus de nombre de partis politiques, d’organisations de la société civile et de personnalités nationales autour de de sa propre personne en tant que candidat à la présidence. Mais aussi dans sa manière de neutraliser ses rivaux politiques en les sommant de prendre une position claire pour ce qui est de l’appui à un candidat plutôt qu’à un autre et celle d’exprimer son respect des choix de partis politiques de gauche, comme le Front populaire, les priant de ne pas risquer la perte de leur cohésion à cause de la volonté de quelques-uns de le soutenir.
Face à BCE, son rival, faute de présenter un nouveau projet unificateur d’une Tunisie une et indivisible, n’a pas changé de tactique jouant à attiser le feu de la division et à surexploiter l’épouvantail du retour des anciens corrompus, rcdistes, les restes de l’ancien régime, l’oppression, les menaces sur les libertés et autres maux qui ont changé de camps… Seul cheval de bataille pour quelqu’un qui a usé à satiété de son passé de défenseur des droits de l’Homme dans un pays où cette problématique, chute de l’ancien régime oblige, ne se pose plus avec autant d’acuité. Contrairement à d’autres sécuritaires et surtout socio-économiques.
Il est étonnant que MMM et les «intelligences» qui l’entourent n’aient pas compris à ce jour que la plupart de ceux qui avaient choisi le Nidaa lors des élections parlementaires et ceux qui voteront probablement BCE lors de l’élection présidentielle, ont choisi le projet porté par le parti et l’homme au-delà de l’homme en lui-même. Un projet annoncé -vendredi dernier- lors de la conférence de presse organisée à l’occasion de la coalition politique et celle de la société civile pour la candidature de BCE -par Rym Mahjoub, députée du parti Afek qui avait déclaré: «La Constitution de la deuxième République a accordé au président de la République des prérogatives qui pourraient empêcher le gouvernement de mener au mieux sa mission, s’agissant surtout dans de départements aussi importants que ceux de la Défense et la sécurité nationale. Pour ce, nous avons besoin d’une personnalité emblématique qui donne le ton et trace les orientations permettant de lutter contre le terrorisme et la violence pour protéger notre pays des dangers intérieurs et extérieurs surtout au niveau de nos frontières sud».
Rym Mahjoub a précisé que le président peut également bloquer la promulgation de lois se rapportant aux réformes en relation avec la Justice, la réforme administrative, la lutte contre la corruption et les lois encourageant les investissements et la réforme de l’enseignement. La Constitution a également accordé au président le rôle de garant de la souveraineté nationale, du prestige de l’Etat, du respect de la Constitution et de la valorisation de l’image du pays à l’international.
Quelles sont les réalisations de MMM pendant ses trois ans de séjour à Carthage?
Pendant ses trois années d’exercice à Carthage, MMM a-t-il réussi à assurer sa mission en tant que président veillant sur l’unité nationale, le rayonnement de la Tunisie hors de nos frontières, la lutte contre la corruption, le banditisme et le terrorisme?
Cette question a été posée des milliers des fois par aussi bien les médias que les Tunisiens lambda mais sans trouver de réponses convaincantes. Car comment croire en un président qui accueille les semeurs de la haine, les terroristes potentiels et les représentants du grand banditisme au Palais de Carthage violant sa sacralité en tant que symbole de la souveraineté de l’Etat?
Comment croire en un président qui ne s’est pas soucié du sort de milliers de Tunisiens vivant en Syrie alimentant la crise dans un pays avec lequel la Tunisie a toujours entretenu de bons rapports, fermant son ambassade et servant les intérêts turco-qataris-américains-israéliens dans la région, sous prétexte de défendre les droits de l’Homme? Et les droits des Tunisiens alors?
Comment croire en un président qui accorde sa grâce à des criminels multirécidivistes libérés sans aucun garde-fous et n’attendant pas pour commettre de nouveau leurs méfaits? Un président qui accueille des terroristes notoires recherchés aujourd’hui par Interpol dont Wajdi Ghenim au palais présidentiel.
Comment croire en cette dimension tellement droit-hommiste qui n’a pas défendu le jeune Jabeur Mejri, lorsque par malchance il fut condamné pour avoir échangé une caricature avec un ami à lui?
Comment avoir confiance en un président qui n’a pris aucune position alors que le pire des fomenteurs de troubles, et le plus grand artisan des complots dans la région arabe, BHL, arrive en Tunisie pour achever son œuvre destructrice de nos pays? Et enfin comment croire en l’intégrité financière et morale d’un président au vu des factures exorbitantes publiées récemment dénotant d’un luxe démesuré face à un peuple de plus en plus démuni?
Est-ce cela que les Tunisiens attendent de leur futur président?
«Nous avons besoin d’un homme d’Etat et non d’un individu qui détruit l’Etat»
C’est ce qui explique le large consensus des partis démocratiques, civils et modernistes autour du Projet fédérateur représentant le modèle sociétal tunisien que porte BCE.
Nombreux sont ceux qui l’ont considéré vendredi dernier comme étant l’homme dont a besoin la Tunisie pour la prochaine étape, qui ne sera pas des plus faciles, y compris Mostapha Kamel Nabli, l’un de ses principaux adversaires et qui s’est retiré de la course présidentielle. «Nous avons besoin d’un homme d’Etat et non d’un individu qui détruit l’Etat. Pire aujourd’hui, MMM appelle les électeurs à se désolidariser de leurs partis politiques pour voter indépendamment parlant d’eux. Il s’attaque par conséquent à l’existence même de ces partis. C’est un homme qui ne respecte ni morale ni éthique, qui veut tout contrôler et veut mener à la division du pays et la désunion des Tunisiens. C’est ce qui explique ma présence aujourd’hui pour approuver la candidature de Béji Caïd Essebsi» a-t-il déclaré.
Il est rejoint par Abderrazzak El Hammami, du parti du «Travail patriotique démocratique» et Samir Taieb d’Al Massar, qui ont tous les deux indiqué que le choix de soutenir BCE résulte d’une volonté de préserver la Tunisie civile, moderne et tolérante. «Il s’agit d’un projet de sauvegarde nationale. Il faut prémunir le pays contre les dangers sécuritaires et le préserver contre l’instabilité socioéconomique».
«Nous estimons qu’il est le seul capable de sauver aujourd’hui le pays pour des raisons objectives, a assuré Touhami El Abdouli, ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et fondateur du parti du Mouvement national. La Logique de l’exercice de l’Etat veut qu’il y ait une personnalité emblématique sage, capable de diriger le pays et d’arbitrer entre les différentes composantes politiques et sociales existantes, de réunir la Tunisie autour d’un seul projet, garante de la cohésion sociale et capable de gérer les affaires internationales pour le mieux des intérêts de la patrie».
Les acteurs politiques qui ont approuvé BCE vendredi dernier en tant que candidat de la Tunisie ont tous insisté sur le fait que les raisons de leur choix sont objectives et qu’elles répondent aux impératifs nationaux et internationaux.
Le président du parti Nidaa ainsi que son secrétaire général, Taieb Baccouche, ont pour leur part estimé qu’il est aujourd’hui important pour la Tunisie d’avoir un président en phase avec le gouvernement de la majorité pour éviter toute entrave à son bon exercice.
Ceci étant, pas de chèque en blanc, quels que soient les résultats des élections. Les Tunisiens qui ont été pendant des décennies indifférents à la chose publique ont le devoir non seulement de s’y intéresser mais d’être vigilants quant aux dérapages possibles de la classe politique.
Un exemple édifiant, celui de la Turquie laquelle est en train de retomber sous la dictature islamiste après le passage démocratique suite à la victoire de la nouvelle classe politique sur la dictature militaire.
Il faut toujours avoir en tête ce fameux dicton: «chassez le naturel, il revient au galop». C’est la nature humaine qui prend le dessus quand il n’y a pas de garde-fous!